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Notes de lecture

Dans le même numéro

Happycratie d'Edgar Cabanas et Eva Illouz

mars 2019

Depuis les années 1990 et le développement d’une « pseudoscience » du bonheur fondée sur la psychologie positive, une nuée d’auteurs, d’experts, de coachs, de psychologues et de conférenciers ont fait leur apparition avec pour seule promesse : nous rendre heureux. Pourtant, de nombreuses critiques ont rapidement émergé contre la faiblesse de cette nouvelle psychologie et contre la possibilité même de définir le bonheur. Les spécialistes du bonheur se sont néanmoins mis en quête d’une mesure du bonheur grâce à des questionnaires, des indicateurs, des échelles de valeurs, au service des pouvoirs publics et des entreprises. Le bonheur s’immisce dans les nouvelles méthodes managériales, avec l’idée que, par son autonomisation, le salarié s’autocontrôle et intériorise la responsabilité des échecs ou des difficultés. Plus largement, « le bonheur tel qu’il est formulé aujourd’hui n’est rien d’autre que l’esclave des valeurs imposées par la révolution culturelle néolibérale ». La mythologie du bonheur fait de la poursuite de celui-ci un style de vie. Il s’agit de former de véritables « psytoyens », caractérisés par l’auto-management émotionnel, l’authenticité et l’épanouissement personnel. L’individu devient responsable de son bonheur, flexible, béat, résilient. Derrière tout cela, un marché lucratif, notamment d’applications pour smartphones, s’est développé. Le bonheur est devenu « une marchandise parfaite » pour un marché considérable. « L’intérêt de l’industrie du bonheur est de produire un nouveau type d’“happycondriaques”. » Toute pensée négative doit être chassée, alors que ces pensées sont indispensables à la construction du moi. « La tyrannie de la pensée positive nous incite à croire au meilleur des mondes possibles tout en nous décourageant de concevoir le meilleur des mondes imaginables. » Il faut se méfier de ceux qui prétendent détenir les secrets du bonheur et se prémunir contre toute obsession égocentrique de l’amélioration de soi. La poursuite du bonheur ne doit en aucun cas se faire au détriment de la pensée critique.

 

 

Trad. par Frédéric Joly , Premier Parallèle, 2018
260 p. 21 €

Adrien Tallent

Doctorant en philosophie à l’université Paris Sorbonne, il travaille sur les conséquences éthiques et politiques de l’utilisation massive des données. Il a également fondé le média en ligne Homo Gulliver.

Dans le même numéro

Un nouvel autoritarisme en Pologne

Coordonné par Jean-Yves Potel, le dossier analyse le succès du gouvernement du Parti Droit et justice (PiS) en Pologne. Récupérant un mécontentement semblable à celui que l'on perçoit ailleurs en Europe, le régime s'appuie sur le discrédit des élites libérales et le rejet des étrangers pour promouvoir une souveraineté et une fierté nationale retrouvées. Il justifie ainsi un ensemble de mesures sociales mais aussi la mise au pas des journalistes et des juges, et une posture de défi vis à vis des institutions européennes, qu'il n'est pas pour autant question de quitter. À lire aussi dans ce numéro : les nouveaux cahiers de doléance en France, l’emprise du numérique, l’anniversaire de la révolution iranienne, l’antisémitisme sans fin et la pensée écologique.