
La communion qui vient. Carnets politiques d’une jeunesse catholique de Paul Colrat, Foucauld Giuliani et Anne Waeles
Éloignés du monolithisme identitaire qui semble aujourd’hui largement répandu au sein de la nouvelle génération des catholiques français, les auteurs de cet essai vif et brillant sont trois jeunes enseignants en philosophie, engagés ou l’ayant été au sein des cafés associatifs Le Simone à Lyon et Le Dorothy à Paris, des tiers-lieux combinant débats théologiques et engagement social. C’est à partir de cet ancrage qu’ils déploient, comme dans un seul souffle, leur pensée théologico-politique solidement charpentée.
Pour ces anciens militants de La Manif pour tous, convertis à la théologie de la libération, il est en effet urgent, non pas de défendre une morale, encore moins des valeurs, mais de communiquer le sel de l’Évangile. Se gardant de rejoindre tel ou tel camp, le radicalisme dont ils se réclament – « Dieu seul maître » de préférence à « ni Dieu ni maître » – est celui de l’enseignement du Christ reçu dans l’Église catholique. Ces jeunes philosophes ne sont pas pour autant des ecclésiolâtres primaires. Au contraire, ils tancent assez vertement une Église qui est bien souvent tentée de se conformer au nihilisme des valeurs caractéristiques du système capitaliste, s’installant dans un communautarisme replié sur lui-même, imperméable aux cris des pauvres. Sa vocation, martèlent les auteurs – maniant avec un certain talent l’art de la formule –, est d’être « une institution destituante », car marquée par la subversion de la Croix.
Cette centralité de la révélation et de la conversion évangélique, celle du maître qui se rend serviteur, ne fait pas de ce livre un précis d’apologétique déconnecté des enjeux de la société, mais un essai politique qui lui ouvre de nouvelles perspectives. Si les auteurs parlent à partir d’un lieu, c’est d’abord celui de la paroisse, poste-frontière ouvert à l’universel où peut se vivre la fraternité avec quiconque. Assumant une certaine marginalité, privilégiant la charité à la séduction des idoles du pouvoir et de l’argent, les catholiques sont les hommes et les femmes du mouvement plus que de l’ancrage, car « vouloir demeurer en Dieu, c’est sortir de sa propre demeure ». Leur course, loin d’être une fuite en avant, est avant tout action et insurrection (c’est l’anastasis qu’on retrouve dans le terme central en christianisme de « résurrection »). Il s’agit dès lors de faire advenir le Royaume dans les conditions concrètes de l’existence, non en devenant des « digues qui sauvegardent les limites, mais le courant qui renverse les dispositifs de contrôle ». C’est à cette condition que la communion dont ils sont les passeurs pourra devenir effective, comme gage de libération pour tous.