
Le chemin des estives de Charles Wright
À rebours d’une société de consommation qui s’ingénie à préserver son système, à cacher ses peurs, à s’aveugler sur les nouvelles pauvretés qu’elle génère, certains font le choix de s’exclure plus ou moins durablement de la marche frénétique du monde, quitte à passer eux-mêmes pour de doux déséquilibrés. Cet itinéraire à contresens, Charles Wright l’a emprunté à pied, en traversant l’austère Massif central. Alors novice jésuite, il a pris la route comme on prend la mer, en suivant la consigne évangélique de ne rien emporter, vivant de la générosité de ceux qu’il croise sur le chemin de cette diagonale du vide, dont il décrit avec minutie et tendresse les paysages, les animaux et les trésors patrimoniaux. Dans cette odyssée vagabonde faite de déconvenues, d’émerveillements et de rencontres inattendues, Charles n’est pas seul. Son vis-à-vis, novice jésuite comme lui, Parsac, lui permet de garder les pieds sur terre, de ne pas s’illusionner sur sa quête spirituelle, de révéler le meilleur de lui-même. Grâce à un style particulièrement soigné, l’auteur parvient à embarquer ses lecteurs dans une rude mais heureuse échappée, avec deux autres compagnons, mais invisibles ceux-là : Arthur Rimbaud et Charles de Foucauld. L’« homme aux semelles de vent » tout comme le « frère universel » contribuent à faire de cette fugue une respiration à la fois poétique et spirituelle, qui ne laisse pas indemne. Le chemin blesse et éprouve, mais il ouvre en même temps au bonheur d’exister.