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Notes de lecture

Dans le même numéro

Théologie de l’écologie. Une Création à partager de François Euvé

juin 2021

On connaît la thèse qui court : à cause de son anthropocentrisme foncier, le christianisme porte une lourde responsabilité dans la destruction de l’environnement. François Euvé se garde bien d’écarter l’accusation d’un revers de main, et il ne s’en tient pas non plus à la posture défensive consistant à mettre en valeur les évolutions récentes (encyclique Laudato Si’, engagement écologique de militants et intellectuels, tournant cosmologique de la théologie) afin d’éviter les questions qui fâchent. Il va au fond des choses, en commençant par exposer de manière précise l’analyse bien connue de Lynn White, pour qui l’arrogance techniciste de l’Occident trouve son origine dans la conception chrétienne selon laquelle « l’homme partage la transcendance divine à l’égard de la nature ». Tout en montrant la complexité du sujet, au fil d’évolutions de la pensée chrétienne conduisant à des interprétations contrastées de l’injonction biblique de soumettre et dominer la nature, François Euvé reconnaît « qu’il serait faux de prétendre disjoindre toute relation entre le christianisme et l’élaboration au xviie siècle d’un nouveau rapport à la nature dans laquelle l’homme bénéficie d’une position de domination ». C’est à travers les développements successifs de la théologie de la Création qu’il dégage progressivement une tonalité proprement chrétienne de la pensée écologique. Tout d’abord, une certaine forme d’anthropocentrisme procède nécessairement du fait que, par l’Incarnation, « c’est dans une figure humaine que se manifeste “l’image” accomplie du créateur de toute chose ». La capacité humaine « à initier des processus nouveaux qui ne sont pas la simple répétition des schémas anciens » exprime au plus haut degré une créativité divine présente dans toute la nature. De là résulte l’exigence d’inscrire l’action humaine dans une finalité qui n’est pas le retour à un paradis perdu : « à l’idée de préservation s’ajoute celle d’accomplissement ». Mais cette centralité assumée de l’humain ne contredit pas l’idée d’une solidarité avec la nature : « Ce qui ressort de la lecture des textes bibliques est une vision essentiellement relationnelle. […] Aujourd’hui, nous prenons davantage conscience de la nécessité d’élargir cette relation aux entités non humaines. » En définitive, l’anthropocentrisme lui-même peut être dépassé au terme d’un cheminement conduisant à « abandonner toute idée de “centrisme”, que ce soit l’anthropocentrisme, le biocentrisme, le cosmocentrisme, et même un théocentrisme qui serait envisagé sous le mode d’une domination exclusive. Le christianisme est profondément un décentrement. Le geste créateur manifeste un décentrement radical, “un laisser place” à autrui ».

Salvator, 2021
200 p. 20 €

Bernard Perret

Bernard Perret est haut fonctionnaire ; il a longtemps travaillé pour l'INSEE, pour ensuite se tourner vers les questions écologiques et de développement durable au sein de différentes instances (dont le Ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie). Il est l'auteur de nombreux essais sur les politiques publiques, les liens entre économie et société, le développement durable (

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Une épidémie de fatigue

Les enquêtes de santé publique font état d’une épidémie de fatigue dans le contexte de la crise sanitaire. La santé mentale constitue-t-elle une « troisième vague  » ou bien est-elle une nouvelle donne sociale ? L’hypothèse suivie dans ce dossier, coordonné par Jonathan Chalier et Alain Ehrenberg, est que la santé mentale est notre attitude collective à l’égard de la contingence, dans des sociétés où l’autonomie est devenue la condition commune. L’épidémie ne provoque pas tant notre fatigue qu’elle l’accentue. Cette dernière vient en retour révéler la société dans laquelle nous vivons – et celle dans laquelle nous souhaiterions vivre. À lire aussi dans ce numéro : archives et politique du secret, la laïcité vue de Londres, l’impossible décentralisation, Michel Leiris ou la bifurcation et Marc Ferro, un historien libre.