
Des mots dans la béance
Le dernier recueil Réginald Gaillard, L’Hospitalité des gouffres, publié en 2020 et lauréat des prix Max Jacob et Paul Verlaine de l’Académie française, plonge dans les profondeurs humaines au moyen d’une écriture heurtée et musicale. Les réminiscences homériques et bibliques qui traversent le texte donnent à la voix du poète une force remarquable.
Un recueil de poème n’existe qu’en vertu d’une obsession. Il reprise un même tissu, l’étreint et le froisse, laissant apparaître entre ses plis une vérité d’usure. Réginald Gaillard a choisi de ceindre l’envers du voile, dont l’épaisseur râpeuse dérobe la beauté aux regards. Il dédaigne l’endroit, ne se soucie guère de le rendre seyant pour ses lecteurs. Où habite-t-il, dirait Hölderlin ? Dans des lieux sans apprêts et sans contours. En roman comme en poésie, Réginald Gaillard aime à brasser les voix, auxquelles il a su donner une pleine résonance à travers deux revues, L’Odyssée et Nunc. Son dernier recueil, L’Hospitalité des gouffres, publié en 2020 chez Ad Solem avec une préface de Jean-Yves Masson, a reçu en 2021 les prix Max Jacob et Paul Verlaine de l’Académie française.
Dans la dernière partie du recueil, intitulée « Éléments épars pour un art poétique », Réginald Gaillard nous invite à reconnaître « la musique oubliée des mots qui percent la chair ». Cette musique s’ébroue dans une béance, celle d’un « écartèlement » que le titre martèle et que chaque strophe cisèle. Entre ciel et terre, Réginald Gaillard refuse de choisir. Il lutte à la verticale, écrit en vers libres, qu’il met en mouvement par des effets fréquents de rejet. Nombreuses sont les phrases à expirer avec un léger contretemps. Ce débordement initie une mélodie, alanguie parce que tissée d’échos. Il ne choisit que rarement d’employer des rimes – certa