
Covid-19 : une crise organisationnelle d'Henri Bergeron, Olivier Borraz, Patrick Castelet François Dedieu
Le confinement est une mesure à la fois inédite et radicale. Dès lors, il est apparu intéressant à plusieurs sociologues des organisations de se pencher sur les processus qui ont conduit à cette décision politique. L’analyse des auteurs part d’un double paradoxe : pourquoi un pays saturé d’organisations et de plans d’actions en vient-il à en produire de nouvelles et à prendre des mesures inédites ? Cela s’explique d’abord par les limites de la gestion de crise liées aux problèmes de coordination des différents acteurs. De plus, la France peine toujours à apprendre des crises passées, notamment en raison d’une tendance à singulariser les différentes crises, ce qui occulte certaines caractéristiques systémiques. Les rapports et retours d’expérience sur la gestion de la crise, qui s’annoncent nombreux, présentent toutefois la limite de n’être pas tous fondés sur une grille identique, comme c’est le cas pour les accidents aériens. De plus, ces rapports ont davantage tendance à « chercher des coupables » qu’à comprendre les facteurs structurels qui expliquent les conditions de la crise. Par exemple, la mobilité dans la fonction publique empêche l’émergence de spécialistes de gestion de crise, puisque ceux qui créent les plans d’action d’urgence changent ensuite de poste. Cette logique du bouc émissaire rassure en laissant croire qu’il suffit de remplacer des personnes ou des organisations pour mieux gérer la prochaine crise, sans s’interroger sur des facteurs plus profonds, comme la difficulté à analyser les signaux faibles. À rebours de mesures simples visant à rassurer l’opinion publique, les auteurs proposent de davantage systématiser les recueils d’information sur les crises et de renforcer l’analyse de la coordination des acteurs. Ils invitent également à améliorer la formation des élites en montrant les limites des organisations et en s’appuyant davantage sur les sciences sociales. Ces réformes sont selon eux d’autant plus nécessaires qu’il serait naïf de croire que notre pays n’aura pas à affronter de nouvelles crises.