
Contre les femmes d’Abram de Swaan
La montée d’une haine mondiale Trad. par Bertrand Abraham
Dans nos sociétés des droits, ceux des femmes auraient-ils déjà pris l’ascendant au point de provoquer le malaise et la souffrance des hommes ? C’est l’opinion récente d’une écrivaine qui avait décrit naguère sa « vie sexuelle » heureuse… grâce aux hommes. Aux dimensions du monde, cette idée est à l’évidence risible. Créant un effet de cumul, le tableau à multiples entrées qu’Abram de Swaan dresse de la haine contre les femmes est en effet effrayant, et le constat de l’inégalité subsistante entre hommes et femmes et entre conditions féminines dans le monde est sans appel. Les terres de l’émancipation et des droits bien établis des femmes passeraient presque pour des îlots. C’est ce qui ressort d’abord de ce livre assez factuel, construit en trois parties : une description des violences physiques et autres du patriarcat contre les femmes à tous les âges de leur vie ; l’ascension du rôle et du droit des femmes dans tous les secteurs de la vie et du travail dans le monde actuel ; la montée d’une nouvelle haine contre elles pour s’opposer, par tous les moyens, aux acquis dont elles ont bénéficié malgré de multiples résistances. Sont visés dans cette dernière partie avant tout les extrémismes politiques de droite et les mouvances religieuses les plus conservatrices (des Églises chrétiennes, l’intégrisme juif, le djihadisme bien sûr, voire l’islamisme, mais aussi des formes de machisme culturel et de domination sociale persistante). L’auteur s’oppose pour l’essentiel aux explications ou aux faux-fuyants culturalistes qui voudraient excuser ou minimiser les violences, lesquelles sont, en bien des lieux du monde, entretenues et activées par les femmes elles-mêmes (on pense naturellement à l’excision, mais aussi à d’autres coutumes moins visibles ou trop visibles – comme le voile imposé très tôt aux fillettes musulmanes). Ce « livre noir » des violences millénaires et des haines actuelles contre les femmes mérite d’être lu pour se rappeler leur réalité concrète, mais on peut regretter l’absence d’une réflexion plus fondamentale ou plus anthropologique sur l’inégalité et la violence liées à la différence sexuelle, devenue civilisation et culture patriarcales.