
Dictionnaire du temps présent sous la dir. de Christian Godin et Yves Charles Zarka
[Ce dictionnaire] donne l’impression, en partie illusoire sans doute, de maîtriser encore partiellement la machine infernale et inquiétante de la production du nouveau, de ne pas en abandonner la maîtrise à d’obscures équipes établies dans des vallées du silicium ou autres, et des start-up qui, anonymement, font la loi et l’ordre technologique, assez inhumain, de ce monde…
En couverture se bousculent en désordre les mots et les expressions de l’heure : « cancel culture, antispécisme, gonzo, exobiologie, code QR, collapsologie, fake news, séquençage, métavers, crowdfunding, ubérisation… » Nous connaissons le sens précis de certains de ces termes, nous avons eu affaire pour des raisons pratiques à d’autres, mais serions incapables de les définir ou, à l’inverse, nous connaissons le sens de plusieurs d’entre eux mais en ignorons l’usage et l’extension. Une part non négligeable d’entre eux est, sans surprise, (encore) en anglais. Ils reflètent largement notre nouveau monde récent dans tous les domaines, qu’il s’agisse des multiples conséquences ou applications d’Internet, des techniques et des objets nouveaux qui ont envahi notre vie tant privée que publique, de nos pratiques politiques, sociales, morales, médicales, médiatiques… où s’imposent – ou qui imposent – des langages nouveaux. Ce dictionnaire, en un sens, permet de circonscrire quelque peu cette multiplicité proliférante. Il donne l’impression, en partie illusoire sans doute, de maîtriser encore partiellement la machine infernale et inquiétante de la production du nouveau, de ne pas en abandonner la maîtrise à d’obscures équipes établies dans des vallées du silicium ou autres, et des start-up qui, anonymement, font la loi et l’ordre technologique, assez inhumain, de ce monde… Pour toutes ces raisons, ce dictionnaire est une très bonne idée. Ses quatre cent quarante-cinq rubriques, rédigées par une soixantaine de contributeurs (sociologues, anthropologues, philosophes, juristes, médecins…), sont forcément inégales mais c’est globalement une entreprise éditoriale réussie – et certainement utile.