
Du libéralisme autoritaire de Carl Schmitt et Hermann Heller
Édition de Grégoire Chamayou
Au moment où il est question de « démocraties illibérales », où les dérives autoritaires (et policières) du libéralisme sont abondamment dénoncées, où des soupçons s’expriment sur la préparation des esprits à d’éventuels « états d’urgence », il est utile de lire un débat qui eut lieu en 1932 entre Carl Schmitt, juriste qui a déjà fortement viré vers l’« État fort », et Hermann Heller, juriste farouchement antifasciste, en l’occurrence une conférence du premier intitulée « État fort et économie saine » et un article du second posant la question : « Libéralisme autoritaire ? » Mais le livre est en réalité constitué pour l’essentiel par l’excellente présentation de G. Chamayou. Son commentaire, savant et lisible à la fois, restitue non seulement les enjeux et les arguments du débat entre Schmitt et Heller, mais aussi le contexte intellectuel, politique et socio-économique du moment (Hitler accède au pouvoir quelques mois plus tard). Il rappelle aussi l’essentiel de la philosophie politique de Carl Schmitt et discute des prolongements ultérieurs de ses positions : son rôle dans l’avènement du nazisme, le néolibéralisme de Friedrich Hayek (qui s’inspire de Schmitt), la critique (insuffisante) de ce dernier par Michel Foucault dans Naissance de la biopolitique, le retour du libéralisme autoritaire dans les « démocraties illibérales », pour lesquelles, selon Michaël Fœssel, il serait plus indiqué de parler de « (néo)libéralisme autoritaire ».