
Entretiens de Jean Baudrillard
Celles et ceux que stimule la lecture de Jean Baudrillard seront heureux de la parution de cet excellent choix d’entretiens (en français – il en existe en plusieurs langues). Le premier, très long, date de 1968, le dernier, posthume, de 2008. Les plus nombreux sont des années 1980 et 1990, donc après la rupture intellectuelle avec l’œuvre de Marx, Freud, Foucault… Le grand intérêt de ces entretiens vient de ce que beaucoup sont un commentaire de ses ouvrages importants, du tournant lui-même d’abord et de « ce qu’il a voulu dire » par la suite, avec ses conceptions éminemment paradoxales, pour ne pas dire plus, quant à la réalité de la réalité à l’ère de l’indifférence pure et du simulacre généralisé, de la disparition de tout – de la vérité, de la valeur, du mal, du pardon – au profit de la séduction, du défi (l’indifférence elle-même étant « une forme atonale de défi »), d’un gai nihilisme. Les intuitions fulgurantes ne manquent pas, les formules provocantes non plus (du genre : « Je suis un Occidental. Mais mon plus cher désir est de voir l’Occident perdre la face »), l’ironie mordante (y compris sur lui-même) côtoie un humour de bon aloi, la modestie (à la fois sincère et calculée) va de pair avec l’affirmation assumée de ses idées et les prises à contre-pied de ses interlocuteurs. Il arrive qu’on ne le croie pas, qu’on sente qu’à l’évidence il en rajoute pour choquer le bou