
Idées révolutionnaires de Jonathan Israel
Si on nous posait la question : qui et qu’est-ce qui a été « radical » pendant la Révolution française, nous répondrions spontanément : Robespierre et la Terreur. La réponse de Jonathan Israel, professeur (émérite) d’histoire à Princeton et spécialiste des Lumières, est tout autre : les vrais « radicaux » de la Révolution sont ceux qui ont défendu radicalement les principes fondateurs de la Déclaration des droits de 1789, à savoir la démocratie, ou la République et le constitutionnalisme démocratique, les libertés et l’égalité, l’universalisme des droits, la (future) laïcité de l’État et le pluralisme confessionnel. En d’autres termes, ce sont les opposants à la Terreur, « Brissotins » et « Idéologues » que l’historiographie jacobine, dominante, a disqualifiés comme trop modérés, ou trop peu « révolutionnaires » finalement. Ils étaient pourtant, selon J. Israel, seuls fidèles à l’idéal des « Lumières radicales » (dont il est le représentant dans l’historiographie internationale sur cette période) à l’origine de la démocratie moderne. Elles seraient pour l’essentiel dues à Spinoza et au spinozisme, compris comme un rationalisme radical, moniste et matérialiste. Les idées de J. Israel (les siennes et celles d’une Révolution menée par des idées à réaliser, et non par sa dynamique propre) ont été fortement contestées. Il en résulte en effet une lecture qui se sépare fortement de l’école « jacobino-marxiste » (Albert Mathiez, Georges Lefebvre, Albert Soboul), et finalement tout autant de l’interprétation « libérale » de François Furet, plus « clairvoyant », mais chez lequel J. Israel croit déceler rien moins que « de grossières erreurs, parfois même ridicules », pour reprendre les mots de la postface très combative où il répond à ses critiques. Quoi qu’on pense de ses positions (qui font la part belle à la force des idées), elles induisent une historiographie originale des courants et des développements successifs de la Révolution française. Le long récit qu’il en fait, suivant la chronologie des événements, illustre sans surprise sa thèse d’une Révolution infidèle à ses objectifs initiaux et donc, en ce sens, d’une révolution « manquée ».