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Notes de lecture

Dans le même numéro

Mélancolies identitaires de Mark Fortier

janv./févr. 2020

À l’avant-dernière page du Figaro, tous les samedis, une chronique est assurée par un certain Mathieu Bock-Côté, jeune sociologue québécois (il n’a pas 40 ans), porte-parole de tous les conservatismes de l’heure. Omniprésent, paraît-il, dans les médias de la Belle Province, il pourfend inlassablement, selon une rhétorique bien rodée, le combat en faveur de l’identité et de la civilisation occidentales, contre la gauche culturelle et «  bienpensante  ». Il lui arrive même de ­s’inventer des adversaires pour enfoncer le clou. Parmi ses cibles les plus obsessionnelles, il y a avant tout la crise de la culture européenne menacée de partout, rongée de l’intérieur par le multiculturalisme et l’immigration, gangrénée par les pathologies de l’émancipation. Il admire et défend Alain Finkielkraut – pourquoi pas ? – et Éric Zemmour est de ses amis. Excédé par l’«  univers en expansion qu’est le bock-côtisme  », Mark Fortier, sociologue et éditeur, a décidé de s’en imprégner, pour ainsi dire, en lisant tout ce qu’écrirait Bock-Côté pendant un an. Ce petit livre est le résultat de ses lectures. D’un côté, y sont recueillies et commentées avec ironie, voire ­drôlerie, les idées bock-côtistes déversées au long de l’année 2018 dans la presse québécoise ou française. Sous le discours volubile d’un intellectuel à la faconde talentueuse, Fortier croit pouvoir déceler beaucoup de vide et de creux intellectuel, et en fin de compte la nostalgie d’un «  chef  » et d’une «  nouvelle élite  », l’envie d’une politique où tout serait tributaire de quelques-uns, «  tenus pour les meilleurs  ». L’autre versant du livre est fait de réflexions fines et d’intuitions pertinentes, servies par de bonnes connaissances en anthro­pologie, quelque peu douces-amères par moments, sur ­l’intérêt d’une société ouverte, «  multi  », accueillante, ou sur la difficulté des sociétés actuelles à vivre dans le réel (la réalité est fantasmée, d’où les controverses permanentes autour de symboles à sauvegarder ou à rejeter). Il y a aussi le récit de générosités inédites, vécues au Québec et ailleurs par des amis de l’auteur. Ce petit livre au ton juste et léger prête plus d’une fois à sourire. C’est au fond un rempart aimable et un secours rafraîchissant contre la violence des bavards en tout genre qui occupent le devant de la scène.

Lux, 2019
176 p. 12 €

Jean-Louis Schlegel

Philosophe, éditeur, sociologue des religions et traducteur, Jean-Louis Schlegel est particulièrement intéressé par les recompositions du religieux, et singulièrement de l'Eglise catholique, dans la société contemporaine. Cet intérêt concerne tous les niveaux d’intelligibilité : évolution des pratiques, de la culture, des institutions, des pouvoirs et des « puissances », du rôle et de la place du…

Dans le même numéro

Le partage de l’universel
L'universel est à nouveau en débat : attaqué par les uns parce qu'il ne serait que le masque d'une prétention hégémonique de l'Occident, il est défendu avec la dernière intransigeance par les autres, au risque d'ignorer la pluralité des histoires et des expériences. Ce dossier, coordonné par Anne Dujin et Anne Lafont, fait le pari que les transformations de l'universel pourront fonder un consensus durable : elles témoignent en effet de l'émergence de nouvelles voix, notamment dans la création artistique et les mondes noirs, qui ne renoncent ni au particulier ni à l'universel. À lire aussi dans ce numéro : la citoyenneté européenne, les capacités d'agir à l'ère numérique, ainsi que les tourmentes laïques, religieuses, écologiques et politiques.