
Arches du vent et Les bois calmés de Pierre Voélin
Dessins d’Alexandre Hollan
Le poète sait prendre au passage ce qui donne au dur le désir de durer.
En des poèmes qui sont autant des récits que des descriptions, blotti dans « un simple pays de viorne et de lierre aux collines quadrillées par des haies », où se reconnaît le pays natal, Pierre Voélin convoque des temps enfantins, douloureux ou extatiques. Le verbe contient à la fois la disparition et la naissance, la fuite des gestes et les heures perdues en même temps que le germe des sentiments à naître. Tout se construit en une suite de méditations, souvent ramassées, sur la Shoah. Après elle, la littérature occidentale ne pouvait plus avoir la même sensibilité. Bien des mots-dits maudits ont contaminé jusqu’au silence et au rêve. En ce sens, l’œuvre du Franco-Suisse se rapproche de celle de Charlotte Delbo. Elle propose une présence directe au monde, avec ses enfants perdus, ses collines, ses oiseaux dans les chênes noirs, l’ombre immobile des chiens, le bal des étoiles aux fenêtres de la nuit. Tout cela devient un décorum pour l’âme d’un poète qui ignore la nostalgie. La mort rôde, mais Éros n’est pas oublié. Entre buissons ardents et millions d’astres qui contemplent le monde de leur splendide indifférence, Voélin poète peut avancer : « Il n’est que de marcher aveugle / quitter la nuit osseuse / L’esprit s’ouvre à des puits de neige / Des voix disent que des mains saignent. » Le poète sait prendre au passage ce qui donne au dur le désir de durer (face aux tonnerres humains). Mais il sait se laisser couler au flanc des collines, où un arbre en appelle un autre et où une femme aux yeux de feu rend le cœur plus léger. Elle donne à la survivance sa chance au milieu des trépas et des terres gelées.