
L’ours polaire et le droit. Signaux d’alerte de Jean-Marc Neumann
Préface d’Astrid Guillaume
L’ours polaire est le plus beau symbole d’une région, l’Arctique, et d’une planète aux espèces animalières de plus en plus menacées, que le droit peut contribuer à protéger. Le « seigneur de l’Arctique », éternel vagabond des solitudes glacées du Grand Nord, Nanuq, est un esprit dans la mythologie inuit. Il nous fascine par sa formidable adaptation à un milieu inhospitalier et nous interroge sur l’empreinte laissée par l’humain sur l’écosystème du plus grand carnivore terrestre. L’ours polaire, dont l’habitat disparaît sous nos yeux depuis plusieurs décennies, est devenu le symbole du réchauffement climatique. L’existence de l’ours polaire et son droit légitime à vivre dans un écosystème préservé sont largement admis. Cela n’empêche pas des prélèvements ciblés, des abattages justifiés par la légitime défense et l’instauration de quotas de chasse « durable » dans certains États de l’Arctique. Pourtant, la volonté de préserver le grand prédateur ne fait pas obstacle à un développement économique « durable » de l’Arctique nécessaire aux peuples autochtones. Après avoir constaté que la population d’ours polaires était gravement mise en danger à la suite d’une chasse excessive entre la fin du xixe et les années 1960, les pays « riverains » de l’Arctique ont réagi à temps, en pleine guerre froide, par la mise en place d’accords et de réglementations. Mais la protection de l’ours polaire suppose des estimations fiables de sa population, qui font l’objet de vifs débats entre défenseurs de l’espèce et climato-sceptiques, scientifiques et peuples autochtones. L’Arctique, dernière frontière de l’humanité, est une région stratégique, non seulement pour les huit États riverains, réunis depuis 1996 dans le Conseil de l’Arctique, mais également pour la Chine, qui cherche à développer ses « routes de la soie polaires ». La richesse de son sous-sol, notamment en hydrocarbures, et la perspective d’une libération des glaces d’été rendant possible le développement du transport maritime, constituent des menaces pour l’ours polaire. Le défi de sa protection est d’autant plus important que l’Arctique se réchauffe quatre fois plus vite que les autres régions de la planète.