
Dans la détresse de Michel Naepels
Dans cet ouvrage, l’anthropologue Michel Naepels entend « engager une réflexion sur la violence en mettant en œuvre une anthropologie de la vulnérabilité et de la détresse, en retournant à l’ordinaire des gens ordinaires, en prêtant attention aux subjectivités, aux temporalités, aux expériences ». Réfléchir sur la détresse, c’est aussi « écrire dans la détresse » : les modalités de l’écriture – désordonnée, fragmentaire, troublée – se font ainsi à l’image de la « confusion du monde ». L’apport propre à l’ethnographie, fondée sur l’observation et l’entretien, permet de mettre au jour les vulnérabilités ordinaires, par exemple les incertitudes qui pèsent sur les cycles productifs et reproductifs, les déplacements forcés et la transformation des arbitres de la conflictualité de voisinage dans la province du Katanga en République démocratique du Congo. Mais ces méthodes sont remises en question par la littérature, notamment dans l’œuvre de Claude Simon : « Il y a bien de quoi se demander si la curiosité [de l’ethnographe] relève de la violence, de la générosité, de la jouissance du voyeur. » Quand la transparence de la rencontre fait défaut et que les sources se contredisent, il reste la possibilité fragile d’« exposer la discordance » sans rien sacrifier de la « passion du réel » qui anime le chercheur. Il en résulte « un jeu d’échos », un ensemble de « correspondances », qui éclaire le trouble du présent et offre aux épreuves de la solitude « l’esquive » de l’amitié.