
La France sans les juifs de Danny Trom
Le point de départ de ce livre est la résurgence d’un « problème juif » en France à la fin du xxe siècle : « l’évidence » du fait que les juifs quittent la France – même si l’auteur avoue qu’« on ne sait presque rien de l’émigration » –, parce qu’une « guerre » est menée contre eux, en particulier après les attentats de 2015. L’auteur prend soin d’identifier les responsabilités : « Les juifs ne sont pas poussés à la sortie par quelques islamistes fanatiques mais par le terreau sur lequel ils prospèrent […] une culture du ressentiment à l’égard des juifs qui n’a rien à voir avec l’islam » et qui s’exprime par le slogan « deux poids, deux mesures », notamment chez les Indigènes de la République et leurs soutiens à gauche. La prise en considération de ce terreau permet à l’auteur de dénoncer les limites de la transaction proposée par Pierre Manent entre la République et l’islam. Interrogeant la profonde solidarité de Hannah Arendt et de Raymond Aron pour l’État d’Israël, en dépit de leurs divergences sur les rapports de l’État-nation avec le totalitarisme (la première y voit un germe, le second un rempart) et des différentes modalités nationales d’intégration des juifs (contribution à la culture nationale en Allemagne, alignement sur l’œuvre républicaine en France), il y décèle la crainte d’une nouvelle destruction, et donc la demande d’une « protection par surcroît », illégitime en régime démocratique, même si justifiée historiquement, et obtenue politiquement avec la création d’Israël. Si l’ouvrage déploie avec beaucoup de finesse les tensions subjectives des juifs en France et relie de façon pertinente les crimes antisémites à l’idée que les juifs sont des oppresseurs, on s’étonnera de son insistance sur les populations « allochtones » – accusées de « parachever » la Shoah –, de son silence sur le sort des Palestiniens et de sa remise en question du principe d’un accueil inconditionnel des réfugiés.