
Les Écrits de Kracauer sur la propagande d'Olivier Agard
La 5e conférence Franz-Hessel sur l’histoire et l’actualité des relations culturelles franco-allemandes est consacrée aux écrits de Siegfried Kracauer sur la propagande nationale-socialiste, notamment au manuscrit datant de la fin des années 1930 sur « la propagande totalitaire ». La lecture qu’en propose Olivier Agard permet de situer Totalitäre Propaganda dans le contexte de la pensée critique dominante de la première moitié du xxe siècle et de la poétique du cinéma du théoricien proche de l’École de Francfort. La propagande apparaît comme l’outil incontournable de la politique nationale-socialiste, qui cherche en permanence à perpétuer sa propre existence en effaçant la réalité sociale. Le cinéma est le lieu du divertissement où se crée la pseudo-réalité qui permet de tromper l’ennui chez le spectateur, sentiment qui est le « grand ennemi de la propagande » puisqu’il peut mener à des tentations dangereuses, comme suivre les intérêts de classe. La vision fonctionnaliste de l’esthétique de la propagande fait peu de place aux contenus idéologiques parce que, selon Agard, les analyses de Kracauer visent la masse et non les intellectuels. L’auteur souligne le fait que, malgré le peu de connaissance de Kracauer sur le national-socialisme dans les années 1930, ses intuitions théoriques trouvent un terrain d’application favorable une fois qu’il est aux États-Unis dans les années 1940. Dans ses écrits de cette période, Kracauer donne une assise pragmatique à ses analyses formelles sur la propagande et à ses composants filmiques, notamment celles qui touchent au montage qui, dans les mains des nazis, devient un outil de maîtrise et d’effacement de la réalité. Or, pour Kracauer, le cinéma permet aussi d’observer les limites de la propagande parce que les images excèdent leur cadre. Kracauer instaure ainsi une vision dialectique du cinéma qui représente un intérêt indéniable pour l’historien contemporain.