
Le Brexit. Une histoire anglaise d’Aurélien Antoine
Quelles leçons tirer du Brexit, alors qu’il semble isoler la Grande-Bretagne mais que l’un de ses instigateurs est encore Premier ministre ? Le juriste Aurélien Antoine propose un double constat en s’appuyant sur une connaissance précise du droit, de la vie politique et de l’histoire britanniques. D’abord, le Brexit n’est pas tout à fait une surprise pour un pays qui s’est toujours construit dans l’ouverture hors du continent et dont le ralliement européen a fait figure d’une exception, certes profitable aux deux côtés de la Manche. En descendant vers le juridique, l’auteur montre comment la tradition de common law a eu du mal à s’acclimater aux régulations bruxelloises, quand bien même elle y a paradoxalement installé un certain libéralisme, avec l’idéal de la rule of law et la conception de l’intervention publique dans l’économie (nourrissant au passage l’argumentaire des eurosceptiques continentaux). Si les élites – et déjà Churchill – s’intéressent à l’Europe dans les années 1970, c’est qu’elles comprennent que le Commonwealth ne présente pas de liens suffisamment forts pour faire tourner l’économie britannique face aux instabilités mondiales et que l’allié états-unien n’est pas toujours fiable, ce que les défenseurs contemporains de l’Empire ont fait mine d’oublier. Ensuite, la négociation chaotique de cette sortie inédite de l’Union européenne montre qu’elle n’avait jamais été vraiment pensée. Sans doute parce que les juristes, centraux dans l’organisation depuis ses commencements, avaient imaginé une intégration progressive et technique qui ne pouvait supporter l’idée d’une rupture aussi brutale, c’est-à-dire éminemment politique. De même, les négociations côté européen sont menées presque exclusivement du point de vue commercial. Or, au-delà du Brexit, les peurs identitaires s’encombrent peu du pragmatisme économique et juridique.