
Se ressaisir. Enquête autobiographique d’une transfuge de classe féministe de Rose-Marie Lagrave
La photographie placée en couverture de l’ouvrage (une création graphique de Valérie Gautier) est saisissante, voire « ressaisissante » ! Une fillette à l’apparence si sage, avec sa jupe plissée à carreau de lycéenne et son pull bien chaud, se penche en arrière jusqu’à peut-être « faire le pont ». Mais la position des bras montre qu’il s’agit plutôt de frôler la chute, selon un de ces jeux sérieux de l’enfance, où le point de déséquilibre est le lieu de l’exploit. La souplesse encore enfantine est dénuée de toute tactique de séduction, de même que, dans l’ouvrage de Rose-Marie Lagrave, le portrait de soi est sans complaisance. Au contraire, l’image et le texte révèlent le sérieux de l’entreprise, la sobriété du « je » et le jeu d’équilibre. L’identité positive, volontaire et brillante, est tendue contre la pesanteur des retombées sur le sol, ce « par terre » des trajectoires de vie sans mobilité sociale qui ne sortent jamais de l’ornière de naissance. Mais leurs formidables possibles sont pris en compte dans cette « enquête autobiographique d’une transfuge de classe féministe ».
L’écriture du livre, claire et bien rythmée, épouse ce même exercice énergique à contre-courant, ce renversement vers l’arrière des destins attendus et ce même ressaisissement sans cesse à l’œuvre contre les attentes théoriques convenues. Cette forme de réflexivité, au rythme d’une valse à l’envers, était aussi l’une des manières de faire de Pierre Bourdieu, maître de Rose-Marie Lag