
L’empire du signal de Pierre-Antoine Chardel
Les conséquences des réseaux numériques et des technologies de l’information, du temps de vie passé sur les écrans, de l’hyper-connexion quotidienne d’innombrables contemporains ont été et sont encore l’objet d’analyses multiples, souvent fines et explicatives, notamment de divers phénomènes de violence. La question de l’auteur de ce livre, qui semble les connaître parfaitement et n’est pas un contempteur des écrans, serait plutôt : comment en sortir ? Ou plutôt, comment prendre distance, dans la société des flux, par rapport à cette omniprésence, cette pression massive, qui imposent leur proximité, leur intrusion dans l’intimité, leurs formes d’identification avec elles – qui bannissent tout recul, toute réserve, toute compréhension (et tout usage) différée, toute altérité finalement ? L’auteur suggère paradoxalement de revenir à une « éthique de l’interprétation », à des réflexions antérieures, totalement évacuées, venues des théories de l’écriture et de la distance qu’elle implique, avec la fabrication des textes et l’altérité qui s’y déploie, la lecture et la réception, l’identité narrative… L’enjeu est évidemment que ces théories de la distance herméneutique ou déconstructrice, unies dans un même combat, ne viennent pas résister au monde numérique de l’extérieur et en surplomb. Sans surprise, ce sont Derrida, Ricœur, Gadamer, Levinas, Arendt, Jean-Luc Nancy, Bauman, Stiegler et beaucoup – trop ? – d’autres qu’on rencontre dans ces parages.