Ironie partout, critique nulle part. Introduction
« Sorry, I’m Greek », répète l’humoriste grec Lakis Lazopoulos, qui a fait le tour de l’Union européenne pour mettre en scène la crise que traverse son pays. « Moi, Premier ministre, je tuerais un tiers des Portugais », écrit pour sa part le journaliste José Vítor Malheiros dans le très sérieux quotidien Publico, évoquant de façon parodique et grinçante les efforts d’austérité exigés de ses compatriotes par le gouvernement, l’Union européenne et le Fmi. Dans ces conditions, « comment épouser un milliardaire ? » demande la jeune humoriste Audrey Vernon, qui s’est produite notamment devant les salariés de Mittal et ceux de Fralib, confrontés aux licenciements économiques... De qui se moque-t-on ? Ou plutôt, de quoi ? Parce qu’on se moque, tout le temps – la dérision n’est pas le privilège exclusif des comiques professionnels. On se moque d’un monde en crise, du moins dans nos démocraties libérales où l’ironie a bonne presse. De fait, elle y bénéficie d’un puissant préjugé favorable : au même titre que l’indignation (celle de Stéphane Hessel et celle des Indignés), on vante volontiers ses vertus « corrosives », « décapantes ». Dans un contexte politique hexagonal marqué aussi par l’indifférence, le scepticisme et de brusques accès