
La durée des frontières
L’hospitalité est un concept controversé. On peut l’inscrire dans l’horizon politique de la communauté si l’on prend en considération son rapport au temps : réputée temporaire, l’hospitalité est marquée par l’attente, une forme de violence symbolique, mais aussi par la formation d’attachements.
L’hospitalité fait désormais partie de ces « concepts fondamentalement controversés », sur lesquels on peut s’accorder en principe, mais qui provoquent des dissensions sitôt qu’on cherche à les définir ou à les appliquer[1]. Si les Français peuvent, par exemple, s’accorder approximativement sur les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, il n’est pas une discussion qui ne finisse en dispute dès que l’on aborde les problèmes de la liberté à l’école, de l’égalité dans l’entreprise ou de la fraternité avec les étrangers. Les idées politiques et morales sont au cœur de luttes, où chacun tente d’articuler (voire de substituer) une conception particulière au sens général du concept. Cela ne signifie pas que ces idées sont confuses, indéfinissables ou abstraites, mais qu’elles expriment des conflits, donc des positionnements, et se définissent à travers eux. On peut néanmoins trouver des terrains d’entente. D’une part, à propos de la valeur d’un concept, aussi controversé soit-il : c’est lorsque des convictions contraires s’affrontent en mobilisant un même concept d’égalité par exemple, que son sens même s’affine ou se transforme, et que ces convictions se situent. D’autre part, à propos des moyens mis en œuvre, même lorsque l’on ne partage pas les fins ultimes[2], on peut par exemple se rejoindre sur la nécessité d’une certaine du