
Espace d'accueil
Pour qu’un espace soit accueillant, ses limites doivent être perméables, à l’encontre de l’obsession sécuritaire contemporaine ; la précarité urbaine doit être valorisée, à l’encontre de l’obsession de la rentabilité ; et les instances démocratiques locales doivent être renforcées, à l’encontre de la bureaucratie fonctionnelle actuelle.
Lors des réunions publiques du Front national, à l’occasion des élections présidentielles de 2017, il arrivait que les militants et sympathisants rassemblés scandent, l’air à la fois martial et ravi : « On est chez nous, on est chez nous ! » Voilà qui en dit long sur ce qui réunit les adeptes des thèses du parti d’extrême droite français – on trouverait des équivalents partout en Europe et bien au-delà. Il exprime la hantise d’un espace social, culturel et politique (un territoire) traversé et traversant, qu’on aurait à partager avec des individus de passage(s) et même avec toute personne appréhendée comme « étrangère » en raison de ses origines ou de celles de ses ascendants et de leur incompatibilité proclamée avec un « génie du lieu » – tous ceux qu’on considère comme intrus, à qui il convient de faire savoir qu’on ne peut les souffrir, ce que ce slogan dénote sans ambages.
Ouvert et traversant
Une des conditions nécessaires pour qu’un espace soit accueillant est son ouverture, c’est-à-dire la perméabilité de ses limites extérieures et intérieures et donc sa « traversabilité », fût-ce au prix d’un encadrement qui exclut certains périmètres, et ce quelle que soit la taille de l’espace considéré (un quartier, une agglomération, une région urbaine ou un État).
La perméabilité autorise à concilier une certaine homogénéité des espaces résidentiels avec le souci de justice et d’accueil. Par exemple, on trouvera, certes, dans un campement spontané, de la diversité d’origines, d’âges, éventuellement de statuts sociaux, mais on ne va pas y implanter des riverains pour poursuivre une hypothétique politique de « mixité résidentielle ». En revanche, on peut être très exigeants sur la traversabilité, la possibilité d’insérer, dans les porosités de l’espace, des coprésences, des pratiques communes, et de faire naître des échanges entre des co-habitants qui sont alors considérés comme des pairs. On postule là une égalité de dignité et de droits entre les « passants » – qui ne sont que des « installés » pour un laps de temps plus ou moins long, ce qui ne signifie pas qu’ils vont aspirer à une vie d’intensité et de qualité faibles en cette localité de passage – et des « établis ». Dans la plupart des cas, cette parité n’est jamais réellement acceptée : au mieux, le migrant clandestin qui campe est un pauvre hère qu’il faut aider, dans le cadre d’une démarche compassionnelle et/ou humanitaire, le plus souvent, un hors-la-loi qu’il faut contrôler et contenir, fût-ce au prix du déni de son humanité et de la richesse de son expérience biographique.
L’obsession sécuritaire menace aussi le potentiel d’« accueillance [1] » d’une situation urbaine et elle va de pair avec la volonté d’entre-soi et l’imperméabilisation des passages, qui articulent la logique d’uniformisation sociale et la logique de contrôle. Stephen Graham a étudié une telle évolution dans son livre City Under Siege [2]. À ses yeux, le dispositif sécuritaire de plus en plus contraignant développé depuis une vingtaine d’années et imposé aujourd’hui un peu partout dans le monde, y compris en situation démocratique, n’installe pas un état de sûreté, mais un état de siège. À cet égard, souvenons-nous de l’émotion qui a saisi la plupart des analystes observant le déploiement et les actions des forces de police lorsque, à Ferguson, une banlieue à majorité noire de Saint-Louis s’embrasa à la suite de la mort d’un jeune noir, Michael Brown, abattu le 9 août 2014 au soir par un policier. Les photographies mettant en parallèle les mesures de maintien de l’ordre utilisées par les forces de police locales, avec le renfort de troupes de l’État du Missouri, et celles mises en œuvre par l’armée américaine en Irak stupéfièrent par la parenté visuelle des deux situations[3] ; elles posaient explicitement la question d’une certaine militarisation de la police et de la capacité à pouvoir partager un espace commun dans un tel contexte de quasi-guerre intérieure, construit volontairement comme tel par le pouvoir politique, où chacun paraissait devoir se méfier de chacun et s’armer en conséquence.
Toute obsession sécuritaire se fonde sur une opposition entre « eux » et « nous », entre un extérieur à contrôler et un intérieur à protéger des intrus menaçants. En ce sens, l’urbain contemporain devient de plus en plus « immunitaire » : on veut créer des espaces immunisés de l’intrusion, se protéger de la pathologie de l’entrant, alors que l’urbain de la communauté politique accueillante est au contraire fondé sur la possibilité d’assurer des passages et des contacts libres et diversifiés.
Des modèles d’habitation hétérodoxes
Les politiques publiques et les investissements privés s’avèrent fondés de longue date sur la rentabilisation de l’immobilier et du foncier. Or, pour établir un espace hospitalier, il faut se déprendre de l’idée que la qualité d’évolution d’un terrain vacant est mesurée au seul quantum de sa constructibilité, de son intégration dans le jeu du marché immobilier foncier spéculatif. En effet, proposer et légitimer politiquement une ville accueillante impose de maintenir la possibilité d’avoir des espaces de marge, de vide, de respiration, ouverts à des utilisations temporaires et réversibles, non marchandes, non planifiées. Pour cela, on doit échapper à la règle de la valorisation systématique du foncier et de l’immobilier qui veut que toute étendue soit un vecteur possible de production de valeur ajoutée.
La réflexion sur l’accueil conduit à une pensée différente du foncier et de l’immobilier qui commence par accepter un urbain doté d’une pluralité de métriques d’espaces et de temps et de multiples références en matière d’occupation humaine possible. C’est aller à rebours des tendances actuelles des stratégies urbaines (notamment métropolitaines) qui consistent à rechercher la mise en œuvre d’un espace normé par le design, rendu fashion, ludique et sécurisé, repeint sans cesse aux couleurs uniformes de la « métropole qui réussit » et censé répondre aux aspirations des acteurs-clefs de la mondialisation – selon les promoteurs et les diffuseurs de cette imagination géographique dominante, les « classes créatives » et les « gentrifieurs » les plus aisés.
On pourrait en profiter pour travailler un discours cohérent, valorisant l’urbanité populaire et même précaire. Aujourd’hui, lorsque vous résidez dans un quartier de logement social, quel est le seul destin enviable qu’un certain nombre d’autorités vous destine ? Devenir propriétaire et/ou sortir du « quartier », dans lequel les personnes en échec et les indésirables seront confinés. Il n’existe plus vraiment en France de « carrières populaires [4] » légitimes, celles des catégories modestes et pauvres, qui sont des actrices majeures de l’urbanisation mondiale – ce qu’on tend à oublier en ne les présentant que comme celles des « laissés-pour-compte ». Que signifie aujourd’hui pouvoir cohabiter dans l’urbain mondialisé en n’étant ni « petit-bourgeois » installé ni rentier spéculatif ni membre de la jet-set ? Pour qui pense-t-on, conçoit-on, dessine-t-on et narre-t-on l’urbain de référence ? Parce que la vision de la réussite collective et personnelle est univoque et tournée vers les modèles des vainqueurs (fussent-ils de modestes vainqueurs) de la globalisation économique et financière, on s’interdit de prendre au sérieux l’idée que des campements, comme la jungle de Calais ou la zone-à-défendre (Zad) de Notre-Dame-des-Landes, constituent des expérimentations intéressantes, voire réussies, parce que ces périmètres sont justement ceux de l’accueil possible des plus démunis pris en considération dans leur capacité d’agir.
L’étude des problématiques de l’accueillance met aussi au jour les faiblesses des instances démocratiques locales. Une politique tournée vers l’hospitalité exige une institution territoriale (une municipalité, un gouvernement local) efficace, à tout le moins « outillée » pour la porter, même si cela peut ne pas suffire. Lorsque des institutions s’avèrent défectueuses, sans compétences spécifiques et/ou rechignent – voire répugnent – à vouloir s’engager dans l’organisation de l’accueil, rien ne peut se passer. Si les gouvernements locaux restent des machines technocratiques et politiques qui visent à reproduire leurs manières de fonctionner et à satisfaire des clientèles du cru, la ville hospitalière est impossible, ne serait-ce que parce que personne ne parviendra à légitimer, dans la sphère publique, les nouveaux récits de l’accueil des « passants » – pourtant indispensables à faire partager au plus grand nombre des résidents d’un territoire afin que l’hospitalité soit choisie, et non imposée ou subie. Dans les (rares) cas réussis d’accueil, les instances démocratiques locales agissent, elles sont adaptatives, capables d’interagir, d’entendre un certain nombre de choses et d’assurer la « diplomatie [5] » nécessaire. Pour permettre celle-ci, il faudrait des parlements : des structures (ouvertes aux migrants eux-mêmes) où l’on parle et parlemente de l’accueil, où l’on ne cherche pas le consensus à tout prix, mais plutôt la mise en scène et en paroles du différend. En effet, comme le rappelle Bruno Latour, le diplomate garde l’espoir de l’existence d’un monde commun et de positions commensurables mais, par principe méthodologique, « doute des valeurs » intangibles et universelles ; il se tient dans le relatif, dans la relativité de toute position avec une autre.
On a essayé de neutraliser une crise par une conception sécuritaire et fonctionnelle.
Une institution municipale efficace ne doit pas se croire omnisciente et omnipotente, mais au contraire être capable de ne pas agir, de laisser filer les choses quand il le faut. Imaginons que la ville de Calais, l’agglomération, l’État ou, mieux, les trois réunis eussent voulu être efficaces dans le sens ici proposé. Cela aurait permis à ces autorités de déployer une diplomatie spécifique, d’accompagner une auto-organisation, par des apports de moyens et de matériaux, par la fourniture ad hoc d’un certain nombre de services, par la régulation des conditions sanitaires, la scolarisation des enfants, par une attention également à ce que, en retour, l’organisation du campement pouvait apporter à la réflexion sur Calais et son avenir. C’eût été une démarche – certes contraire aux logiques classiques des instances du géo-pouvoir[6] – où des institutions, parties prenantes parmi d’autres, auraient mis leurs connaissances, compétences, méthodes et instruments au service des habitants, installés comme passants, impliqués dans un processus collectif de co-construction territoriale qui les concernait au premier chef. Un tel processus leur aurait permis de mettre au mieux en valeur leurs ressources, fussent-elles faibles en apparence, et leurs capacités et, par cela même, d’en apprendre de nouvelles – ce qui correspond à la définition de l’empowerment.
Sans une visée de valorisation des initiatives et les aptitudes des individus, des accueillis comme des accueillants, rien ne peut se faire. Le traitement de l’accueil est alors souvent conçu de la plus mauvaise manière qui soit : on se préoccupe de gérer un stock et un flux d’« items » (les « migrants clandestins » chosifiés) et pour cela, on pense qu’il suffit de développer un service rationnel. En développant, en « lieu(x) et place(s) » de la Jungle, des centres d’accueil et d’orientation (Cao) en région et une procédure bureaucratique et technique, en apparence soucieuse d’efficacité, on a essayé de neutraliser une crise par une conception sécuritaire et fonctionnelle.
La mondialité et ses histoires
Les situations de campements, que l’on observe avec les lunettes de la « crise », ne constituent-elles pas des implantations humaines à un stade précoce de leur dynamique, comme il en a toujours existé depuis l’origine des peuplements urbains ? Si on les laissait se déployer dans le temps sans la menace permanente de l’évacuation, elles évolueraient peut-être vers des configurations plus consolidées, suivant un processus que l’on a déjà observé dans l’histoire.
Dans une certaine mesure, toute ville est composée d’occupations de fortune « qui ont réussi » ; réfléchissons conséquemment aux « conditions de félicité » pour qu’un campement perdure, se stabilise, évolue favorablement. Une telle proposition n’est pas vraiment acceptable aujourd’hui pour les pouvoirs publics en France et ailleurs en Europe, comme si, en observant hier la jungle de Calais et aujourd’hui d’autres cas comparables, nous ne pouvions tolérer que nous avons connu jadis, dans une certaine mesure, la même condition habitante ; comme si nous ne pouvions souffrir qu’en vérité toute installation humaine à ses moments initiaux (et parfois pendant fort longtemps) fût marquée par la promiscuité, la précarité, la fragilité, l’impossibilité de contrôler quoi que ce soit, la saleté, la difficulté d’existence, la violence possible. Sans compter que les campements montrent aussi qu’il en faut peu pour que les espaces humains reviennent à cet état de dénuement, de fonctionnement erratique et de vulnérabilité ; ils exposent donc à la fois le « spectacle » d’une situation originelle et celui d’une faillite possible, ils ouvrent la possibilité de raconter d’autres histoires passées et futures de la cohabitation. Cela inquiète les tenants (ils sont nombreux) des « romans » nationaux et des légendes dorées locales, qui ne peuvent accepter ni que des récits différents soient convoqués pour expliquer l’actualité et son évolution, ni que le futur ne soit point tout tracé et maîtrisable.
Cette peur des campements est manifeste dans la propension à les considérer comme des périmètres « hors de l’ordre républicain », hors de tout ce qui, aux yeux des pouvoirs publics, serait seul acceptable pour des co-habitants établis d’un même territoire. Cela participe d’une sorte de « géographie morale » légitime, définie par les autorités et leurs relais, qui consisterait à discriminer, d’un côté, les bons espaces, reconnus, cadrés, normés, régulés et, de l’autre côté, l’informel, hors-zone, délictueux, malfaisant. Or une telle géographie morale s’avère une mythologie qui participe d’une tentative de normalisation du « monde de la vie spatiale » des individus et des collectifs en discriminant les « bons » espaces d’existence des « mauvais » ; les premiers conçus, édifiés et « tenus » par les géo-pouvoirs, les seconds par les passeurs, les mafias, les puissances néfastes qui auraient intérêt au trouble dans le genre spatial officiel. Par conséquent, doté d’une telle grille de lecture, on s’autorise à tancer les individus eux-mêmes : « Vous n’allez quand même pas résider dans la Jungle, alors que l’on vous propose un centre de rétention ou un centre d’accueil ! Vous y serez beaucoup mieux, vous aurez des douches… Regardez à quel point vous allez souffrir à Calais ! » Sauf que, pour les migrants, compte tenu de leur stratégie spatiale qui vise à passer en Grande-Bretagne, la nécessité d’emplacement tactique fait loi et ils furent nombreux à préférer la difficulté de la Jungle et même celle de l’errance à la sécurité trompeuse du Cao.
Les campements sont des fenêtres ouvertes sur la mondialisation et ces mouvements, des cristallisés de mondialité[7] – raison pour laquelle il faudrait les considérer non pas comme des espaces « hors-de », habités par des personnes à remettre dans le droit chemin, à insérer dans les cadres administratifs et les procédures, ou sinon à exclure, mais comme une fraction de monde installée dans toute sa complexité équivoque.
En somme, cette idée de hors-droit et de désordre menaçant, souvent brandie pour condamner sans appel les quartiers de fortune, n’est jamais efficace pour en comprendre les réalités. Souvent, les acteurs officiels sont choqués que des gens y réussissent à faire des bénéfices considérables. Mais pourquoi en serait-il autrement ? Bon nombre des habitants des campements sont des « entrepreneurs » et ils « optimisent » leurs affaires. Faudrait-il que l’optimisation fiscale et économique des individus et des entreprises qui, lorsqu’elle passe par des paradis fiscaux, joue avec les limites de la légalité, soit de longue date acceptée avec une certaine complaisance et qu’on s’émeuve alors uniquement des trafics dans la jungle de Calais et de son économie de la débrouille ? La question essentielle ici n’est pas de partitionner l’économie du campement entre le licite et l’illicite (toujours en relation, au demeurant), mais de comprendre comment assurer que les valeurs produites permettent d’enclencher des spirales vertueuses pour un plus grand nombre d’habitants. La difficulté n’est pas tant celle de la création de valeur ajoutée que celle de sa confiscation par quelques-uns. Pour éviter cela, pour éviter la soumission des hommes, des femmes et des enfants à des responsables de trafics, on doit tenter de comprendre ce qui se passe et de l’accompagner, avec les habitants et en pleine conscience des principes éthiques qu’il faut promouvoir.
La politique territoriale ne consiste pas à purger les situations de tout ce qui dérange mais, à rebours, à prendre en considération et au sérieux tout ce qu’un milieu spatial assemble, pour le meilleur, pour l’ordinaire et pour le pire. Dès lors, on peut s’attacher à définir un certain nombre de règles. Et là, on a besoin d’un État de droit afin de stabiliser ces règles et de ne pas tolérer ce qui, dans les campements, remettrait en question les droits humains fondamentaux, ce qui est fréquent en cas de dérive mafieuse. Cela posé, les États ne sont pas irréprochables, c’est le moins qu’on puisse dire, en matière d’éthique et de respect des droits humains.
Alors qu’on ne devrait pas placer a priori des individus et/ou des périmètres « hors de » l’urbain, on observe en général l’inverse en France et en bien d’autres contrées. Les habitants des campements sont marginalisés car on ne les considère jamais comme des (inter)locuteurs, on les tient en dehors du fonctionnement langagier des humains en société. Ainsi, on ne se contente pas de les cantonner, on les ostracise, on les congédie du banquet de l’humanité politique, on les déshumanise parce qu’on les dépolitise en les privant de la possibilité de s’affirmer en tant que sujets de droits.
Dans la jungle de Calais (comme dans d’autres campements), on parlait aux résidents, lorsqu’on s’adressait à eux (notamment les journalistes qui affluèrent sur place, mais aussi certaines Ong), seulement en anglais, comme s’ils n’avaient plus de langue maternelle. Ainsi dépossédé de son lieu initial, de ses jeux de langage, de son statut de personne parlante et entendue, comment peut-on exister dans la communauté des humains ? La condition première pour mettre en œuvre l’accueillance, c’est d’abord la reconstitution d’une capacité de ces individus d’être des acteurs politiques à part entière – et cela doit se faire sans demander des gages à l’exilé, par la simple reconnaissance de son humanité.
L’avenir de notre mondialité se constitue en partie dans le creuset du campement.
Le migrant aujourd’hui, comme jadis l’apatride analysé par Hannah Arendt[8], s’avère une figure subversive qui pose le plus de problème aux États et aux sociétés et fait exploser leurs cadres idéels, brise les récits et les imaginations territoriales classiques en mille morceaux. En ce sens, l’avenir de notre mondialité se constitue en partie dans le creuset du campement. Du coup, si nos sociétés veulent cesser – mais le veulent-elles ? – d’être douces avec les puissants et rudes avec les faibles, il importerait d’abord de reconnaître aux migrants leurs conditions d’habitants du monde, dotés d’une dignité humaine égale à celles de tous les autres, et dont les besoins et les désirs devraient être considérés comme aussi légitimes que ceux des résidents du cru. Voilà un chemin, sans doute difficile et même délicat, à arpenter pour définir une éthique de la cohabitation – message envoyé à qui voudrait se rappeler que le mot ethos signifiait aussi, en grec ancien, « lieu de vie ».
[1] - Entendue comme capacité d’un espace à accueillir. Voir Thierry Paquot, « De l’accueillance », dans T. Paquot et Chris Younès (sous la dir. de), Éthique, architecture, urbain, Paris, La Découverte, 2000, p. 68-83.
[2] - Stephen Graham, Cities Under Siege. The New Military Urbanism, New York, Verso, 2010.
[3] - “Ferguson or Iraq ?”, mashable.com, 13 août 2014.
[4] - Pour reprendre l’expression proposée par le géographe et politologue Philippe Estèbe dans -« -L’impossible réforme territoriale », Tous urbains, no 10, juin 2015, p. 40-53.
[5] - Voir Bruno Latour, Enquête sur les modes d’existence. Une anthropologie des Modernes, Paris, La Découverte, 2012.
[6] - Concept que je forge par référence au « bio-pouvoir » de Michel Foucault. Je le définis comme le pouvoir de spatialiser l’activité humaine (et, de plus en plus, celle des non-humains), c’est-à-dire de construire des espaces matériels d’existence, qui s’avèrent toujours, peu ou prou, des dispositifs prescriptifs et entendent proposer des voies pour une « bonne » vie sociale par le travail sur la forme architecturale et urbaine et sur l’ingénierie fonctionnelle.
[7] - Michel Lussault, Hyper-lieux. Les nouvelles géographies de la mondialisation, Paris, Seuil, 2017.
[8] - Hannah Arendt, « Nous autres réfugiés » [1943], dans la Tradition cachée, trad. par Sylvie Courtine-Denamy, Paris, Christian Bourgois, 1987.