
Menaces sur les petites salles de cinéma
Pour survivre à une possible perte d’appétence des spectateurs, les petites salles de cinéma doivent mettre l’accent sur l’animation, l’expérience sociale et l’éducation artistique des jeunes.
En octobre 2019, je prépare une conférence sur le Mishima (1985) de Paul Schrader et regarde à peu près tout l’œuvre de ce cinéaste sur l’écran de ma télé puisque la « longue traîne1 » d’Internet m’en permet l’accès. Une séquence de First Reformed (2018) me fait sourire : un couple enfin uni entre en lévitation et, pendant sa longue étreinte, survole la Terre : ringard. Par principe, je retourne voir ce film en salle. Et là, stupéfaction : cette scène ne relevait plus du kitsch, mais d’une véritable épiphanie. Ampleur et définition de l’image et du son, taille des personnages sur la toile qui me renvoyait à ma finitude de spectatrice, forclusion du reste du monde par le noir de la salle et communion avec la collectivité éphémère qui m’entourait ont fait qu’une émotion intense m’a envahie. Alors, même si la « copie » numérique donne un accès aisé aux œuvres, après presque quatre mois de diète liée à la pandémie et au moment où l’on craint que les salles les plus fragiles ne fassent faillite après leur réouverture, il faut le réaffirmer : la perception d’une œuvre cinématographique n’est pas la même selon les conditions matérielles de sa réception et c’est pour cela que nous sommes attachés à sa diffusion en salle.
Une menace inédite
La menace n’est pas nouvelle. À plusieurs reprises déjà, dans l’histoire du septième art, la diffusion du film en salle s’est trouvée en danger