
Le peuple et les experts
Professeur à l’université de Cambridge et spécialiste de l’intégration européenne, Christopher Bickerton s’intéresse également à l’émergence du techno-populisme. À l’heure où les partis populistes prospèrent aux quatre coins de l’Europe, son regard permet de mettre ce phénomène en relation avec l’intégration européenne et le déclin de la démocratie des partis.
La notion de populisme est-elle appropriée pour désigner les développements politiques récents ?
Cela ne me surprend pas qu’un mot comme « populisme » ait tellement de succès, parce qu’il est vrai que nous vivons une époque politique particulière. S’il se passe « quelque chose », il est naturel que l’on essaie de nommer cette « chose ». Pour différentes raisons, le populisme est devenu le terme pour nommer cette « chose » qui se passe. Le problème, c’est qu’on n’est pas toujours d’accord sur ce qui est exactement en train de se passer. Pour cette raison, il y a tout un tas de débats autour de la notion de populisme. Personnellement, je suis assez ouvert à l’idée d’utiliser ce terme, et il faut être précis quand on le fait.
Le concept de populisme qu’on utilise généralement comporte deux éléments. D’une part, il y a un élément discursif : la façon dont certains politiques s’expriment, en particulier leur discours de légitimation (ce à quoi ils se réfèrent exactement pour se légitimer, pour légitimer leur autorité, leur pouvoir). Sur ce plan discursif, le populisme utilise le concept du peuple pour renforcer l’autorité du personnage politique. Un discours autour de l’idée du peuple crée un clivage entre le peuple et ce que l’on appelle en anglais l’establishment, l’élite politique, et considère que c’est là le clivage principal.
Il y a aussi une dimension organisationnelle ou institutionnelle du populisme, la fa