Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !

Dans le même numéro

Politique de Simone Weil

Les positions politiques de Simone Weil donnent lieu à des malentendus et des polémiques tant qu’on ne prend pas soin de les replacer dans les débats et les divisions de son temps. Ses origines familiales, sa formation philosophique auprès d’Alain, ses rapports précoces avec le marxisme, la découverte de la condition ouvrière et de la guerre sont indissociables de l’effervescence intellectuelle et politique des années 1930, d’où elle tira une pensée qui échappa aux grands mythes de son époque.

Un mélange d’anarchiste et de calotine

Bouglé, cité par Gustave Thibon, préface à la Pesanteur et la Grâce1

Plutôt que de voir en Simone Weil une exception radicale, une « sainte » à laquelle ne s’appliquent pas les humbles catégories de l’histoire profane, il convient de la resituer – ce qui ne veut pas dire la banaliser – dans une écologie philosophique, spirituelle, politique… plus large qu’on ne le fait d’ordinaire. C’est ce que fait depuis de nombreuses années Domenico Canciani, un des meilleurs connaisseurs de Simone Weil, déjà connu des lecteurs français par son livre l’Intelligence et l’Amour2 et de nombreuses contributions aux Cahiers Simone Weil. Canciani n’est pas seulement un redoutable dénicheur d’archives, il est aussi un chercheur qui connaît admirablement les courants intellectuels de la première moitié du xxe siècle. Il a bénéficié au surplus de nombreux entretiens avec de grands témoins, à commencer par le père Perrin. Ce travail d’enquête lui a permis de rompre avec les raccourcis d’une certaine apologétique. L’originalité d’une biographie, comme le génie qui est la marque d’une pensée, se nourrit du même humus que les anonymes qui forment une génération, une époque. Il reste, cela dit, un mystère Simone Weil. Peu d’auteurs ont, depuis plus de soixante ans, suscité des réactions aussi passionnées, alors que sa courte vie ne lui a certainement pas permis de donner toute sa mesure dans l’action, et que même son œuvre est restée inachevée, difficile d’accès longtemps et, surtout, sujette à des difficultés d’interprétation qui sont loin d’être minces. Sans oublier le poids des querelles familiales autour de l’héritage moral et intellectuel de l’icône, lesquelles, jusqu’à tout récemment, restaient voilées dans le silence, mais que nous connaissons aujourd’hui grâce au témoignage sans fard de Sylvie Weil3 sa nièce. Simone Weil partage avec Albert Camus, qui fit tant pour la tirer de l’oubli, la particularité d’avoir des admirateurs inconditionnels, dans des clans que rien ne réunit par ailleurs, libertaires, traditionalistes, chrétiens progressistes ou non, ou simplement humanistes en quête de pensée forte. Idolâtrée, parfois au-delà du raisonnable, par les uns, elle a aussi ses détracteurs acharnés. Certains milieux juifs l’accusent de « haine de soi4 », de trahison, alors que la question de ses rapports avec sa propre identité et le judaïsme, qui se pose effectivement, ne saurait se résoudre de façon brutale et, surtout, anachronique. Des marxistes, parmi lesquels un de ses biographes, Philippe Dujardin, émerge du lot, lui ont par ailleurs intenté un procès posthume en droitisation et en « vichysme ». Là aussi, des travaux moins cavaliers, au premier rang desquels figurent non seulement les livres de Domenico Canciani, mais aussi les travaux émanant de Robert Chenavier, de Patrice Rolland, et en général de nombre de collaborateurs des Cahiers Simone Weil, ont permis de remettre les pendules à l’heure, autrement dit de replacer l’évolution de Simone Weil politique dans les contextes qui ont été les siens dans une période propice à toutes les équivoques, tout en insistant sur certaines fidélités intangibles, par exemple à la cause des colonisés.

Ni « sainte » ni renégate, mais grande figure intellectuelle et morale des « sombres temps » (Hannah Arendt), Simone Weil laisse une œuvre qui n’est pas faite d’ouvrages définitifs polis pour l’éternité mais se présente avant tout comme une mosaïque d’aphorismes et de notes éparses sur des feuillets arrachés à l’oubli et peut-être non destinés à la publication – on pense aux Cahiers de prison d’une autre gloire posthume, Antonio Gramsci.

Les identités choisies

Quiconque s’intéresse sérieusement au parcours de Simone Weil ne peut que constater l’ampleur des problèmes qu’on appellerait aujourd’hui « identitaires », auxquels elle a eu à faire face toute sa vie. Celle que la société ne pouvait voir que comme une jeune femme juive issue d’un milieu républicain a passé finalement son temps à déconstruire ces identités imposées. Jusque-là, rien ne distingue vraiment Simone Weil d’autres contemporaines. Nous savons ainsi qu’elle a vécu sa jeunesse sous le signe du négatif, de la révolte, comme beaucoup de jeunes femmes de sa génération. Mais alors que les Années folles ont été un grand moment de dissidence féminine, parfois silencieuse, parfois scandaleuse (des garçonnes à Simone de Beauvoir, ou à Colette Peignot, qu’elle a toutes deux croisées), elle ne vit pas sa révolte en mettant en avant son identité sexuelle, mais en la mettant entre parenthèses, pour ne pas dire plus. Sa récupération par le féminisme se révèle difficile, même si l’opération a parfois été tentée. Son rapport au judaïsme, son appartenance ou non à la gauche, sa conversion réelle ou supposée au catholicisme romain, son rapport exact à certaines réalisations de Vichy ont suscité d’interminables controverses.

Les identités, même complexes, ne sont pas des données brutes ; elles sont aussi des constructions dans le travail desquelles entrent en jeu des facteurs dont le type de formation intellectuelle n’est pas le moins important. Dans le cas qui nous occupe, il faut donc, comme Canciani le fait et d’autres chercheurs5 avec lui, se pencher sur les années khâgneuses et normaliennes de Simone Weil. Autrement dit : de quoi Alain est-il le nom ? Il faut d’abord se souvenir, sans être pour autant un disciple inconditionnel de Pierre Bourdieu, que Simone Weil fut un pur produit de l’excellence scolaire à la française, qui a sa grandeur mais connaît aussi des tragédies.

Pour se représenter la mentalité du milieu où elle a grandi, nous disposons d’un grand nombre de témoignages. Celui de Julien Benda dans la Jeunesse d’un clerc est particulièrement éclairant. Celui que nous a laissé Raymond Aron également, issu d’un milieu républicain de juifs lorrains (comme Pierre Nora ou Annie Kriegel), assimilés très patriotes, dont le judaïsme était réduit à « un certain nombre de rites, de pratiques et de symboles », mais conjoignant, comme dans beaucoup de familles « assimilées », l’attachement à la République et aux valeurs de justice, marqués par l’affaire Dreyfus dont, dira Aron, le souvenir ne l’a jamais quitté. On ne saurait en dire autant de Simone Weil, bien que son frère André, l’illustre mathématicien, ait témoigné que ce mythe fondateur était présent au foyer familial. En 1942, elle reprendra, sans doute en toute inconscience, l’argumentaire antidreyfusard des Barrès et des Brunetière contre les « Universitaires » que leur science n’autorise nullement à juger des affaires publiques étrangères à leur spécialité. La recherche du salut par le savoir la conduit à un parcours sans faute dans l’excellence universitaire qui la mène à l’École normale supérieure et à l’agrégation de philosophie, à une époque où les normaliens d’Ulm prennent volontiers des postures inspirées de l’enseignement d’Alain (« Le citoyen contre les pouvoirs »). On peut donc dire, comme l’a fait récemment Jean-Claude Milner, qu’elle a fourni « l’épreuve expérimentale de ce que pouvait produire l’enseignement des khâgnes6 ».

Son premier milieu fut le groupe formé par Sartre, Nizan, Canguilhem, et leurs compagnes. Mais elle s’en sépara par une démarche qui s’apparente au « refus de parvenir » des syndicalistes révolutionnaires. Et c’est d’ailleurs avec ces derniers qu’elle entretint des liens très étroits dès le début de sa brève carrière de professeur agrégée. Comme Albert Camus quelques années plus tard, elle devient l’amie des Monatte, des Louzon, des Mercier-Véga, de la rédaction de La Révolution prolétarienne, ce qui la « vaccine » de toute tentation de rejoindre le parti communiste. Par leur intermédiaire, elle connaît très tôt la réalité du régime soviétique. Quant au trotskisme, le fait que le « Vieux » soit hébergé à son arrivée sur le sol français au 3, rue Auguste-Comte (domicile de la famille Weil), où elle aura un choc frontal avec lui, suffira à la prémunir de toute tentation de ce côté-là. Bref, il est remarquable qu’elle n’ait en rien suivi le cursus habituel de « l’engagement » illustré tant par les dreyfusards de 1900 que par les intellectuels de sa promotion. Simone Weil a toujours pensé assister au crépuscule d’une civilisation qui, depuis la Renaissance, a fait fausse route. Elle répudie donc ce qui lui apparaît comme des illusions rationalistes, elle ne croit pas qu’il y ait une Science qu’on pourrait mettre au « service du peuple », ni une science de la révolution qui permettrait à un parti prolétarien ventriloque de sauver l’humanité. Elle se choisira donc une identité non de prolétaire, mais d’esclave. Bien entendu, cela a pu correspondre un temps à l’esclavage moderne qu’est pour elle, pour une fois en plein accord avec Marx, la condition ouvrière. Mais cette autodéfinition sera à ses yeux valable jusqu’à son dernier jour. Les résonances christiques d’un tel choix sont évidentes. Mais en épuisent-elles toute la signification ? Ce n’est pas sûr. Ce qui l’est, en revanche, c’est que les identités choisies, lorsqu’elles le sont avec une telle radicalité, ne laissent guère de place à celles qui apparaissent plaquées de l’extérieur. Ainsi sa « judéité », qui a fait couler tant d’encre, et ne semble pas prête d’arrêter de le faire… Sur ce terrain miné, les témoignages de son frère7 et de sa nièce Sylvie8 corrigent utilement la doxa issue de Simone Pétrement9. Nous savons maintenant que les familles Weil et Reinharz, certes libérales, étaient en fait beaucoup moins détachées de toute pratique religieuse qu’on ne l’a répété à la suite de l’amie biographe. Une connaissance moins superficielle de la judéité française de cette époque, et aussi une lecture plus attentive des écrits de l’intéressée, permettraient d’éviter ces approximations.

Athènes versus Rome-Jérusalem

Tout le monde connaît le célèbre aphorisme de Sartre selon lequel un Juif est un homme que les autres appellent ainsi10. Or, s’il est un « regard de l’autre » que Simone Weil a récusé – on se souvient par exemple de ses lettres faussement naïves aux autorités de Vichy au moment du premier statut des Juifs –, c’est bien celui qui aurait voulu la renvoyer à une identité dépourvue pour elle de sens. Elle se sentait esclave à un niveau existentiel profond et culturellement grecque, au sens évidemment d’une civilisation qui lui apparaissait (nonobstant l’institution de l’esclavage !) comme l’horizon indépassable de l’histoire humaine. Après tout, elle n’est pas la seule dans ce cas, et il serait grotesque, pour cette seule raison, de parler de « haine de soi » – comment haïr un « soi » dont on ne veut rien savoir ? – ou de « juif de négation », à la manière de certains censeurs contemporains. Mais il y a un paradoxe chez l’auteur de l’Enracinement. Le judaïsme comme objet philosophique historique et religieux occupe une grande place dans son œuvre, une place entièrement négative, nul ne l’ignore. Et cela ne peut pas ne pas provoquer un certain malaise chez tous ses lecteurs honnêtes et impartiaux. Aujourd’hui en effet, un certain type de dénégation, grâces en soient rendues à des chercheurs probes comme Thomas R. Nevin11 ou Canciani lui-même, semble clos. Simone Weil manifeste donc non seulement un refus obstiné d’accorder la moindre importance au fait contingent d’être née dans une famille juive mais, sans qu’on puisse établir un lien automatique de cause à effet, elle présente ce qu’il est convenu d’appeler au sens rigoureux un « antijudaïsme », c’est-à-dire un refus du judaïsme en tant que corpus religieux, en particulier sur le fait de savoir s’il doit être intégré ou non au sein du corpus chrétien. La position du refus radical, qui peut aller jusqu’à la disqualification de l’Ancien Testament (c’est-à-dire les Écritures juives) a été illustrée dès le iie siècle par le gnostique Marcion. C’est une position purement théologique qui n’implique pas obligatoirement l’antisémitisme (refus des Juifs en tant que collectivité humaine) et encore moins à l’antisémitisme politique. Mais le fossé n’est pas infranchissable.

Dans le cas de Simone Weil, l’antijudaïsme est indubitable, tant sa violence saute aux yeux. Par ailleurs, il y a des bouffées d’antisémitisme d’État proche de Maurras, lorsqu’elle envisage un « statut des minorités non chrétiennes » ciblant évidemment les Juifs, dans la France future, qu’elle préconise pour eux l’interdiction d’enseigner, bref tout ce qui est déjà contenu dans le sinistre statut des Juifs de Vichy. Encore une fois, ce n’est pas à l’aune d’une identité qu’elle récusait en toute bonne foi (voir ses lettres aux autorités de Vichy, en particulier à Xavier Vallat) qu’il faut mesurer ses positions. Car c’est bien la disciple d’Alain qu’il faut voir en elle lorsqu’elle parle du problème juif. Certes, contrairement à d’autres, elle n’est pas restée pacifiste, et elle ne va donc pas incriminer le « bellicisme » égoïste des fils d’Israël. Mais reste l’empreinte d’une pensée, que nous appellerions aujourd’hui « catho-laïque » (oxymore dû à Jean Baubérot) pour laquelle n’est pas vraiment français ce qui ne ressort pas de la civilisation gréco-chrétienne. Observons au surplus qu’il existe dans la généalogie de l’anticléricalisme – en fait de l’anti­christianisme – un « gène » d’antijudaïsme très actif, qui remonte au moins à Voltaire. Mais Voltaire et les matérialistes du xviiie siècle reprochaient au judaïsme d’avoir « engendré » le christianisme. Alain et la philosophie spiritualiste française lui font grief d’avoir perverti l’admirable enseignement de Jésus… L’enseignement philosophique français dominant (Lagneau, Lachelier, Alain) est profondément « marcionite », hostile au Dieu de l’Ancien Testament.

Selon Simone Pétrement12, Alain, auquel il faut toujours remonter comme à la source princeps pour la pensée weillienne, n’était ni irréligieux, ni même foncièrement antichrétien. André Maurois, qui fit partie de ses élèves, a même confié qu’il lui avait fait connaître, et même fait accepter « pour une large part », la doctrine du christianisme. Il n’y a donc pas lieu d’être surpris de ce que, toujours selon le témoignage de Simone Pétrement, sa camarade ait éprouvé dès la khâgne de la sympathie pour le christianisme, et singulièrement, pour le catholicisme13. En plein cœur de sa période la plus « gauchiste », la jeune agrégée confiait à ses élèves, à ses correspondants et à ses journaux intimes des preuves non équivoques de cette empathie christianophile. Sans tomber dans le sociologisme, on peut éclairer les positions (et les méconnaissances manifestes !) de Simone Weil en les remettant dans le contexte plus large de son milieu familial.

La crise du « franco-judaïsme » pendant l’entre-deux-guerres, ou plus exactement l’épuisement de l’« israélitisme » à cette époque sont aujourd’hui des lieux communs. Comme toute idée reçue, il faut la relativiser, sans que toutefois soit perdu de vue un noyau de véracité. Car cette époque est à la fois celle où les conversions d’intellectuels se multiplient, mais aussi celle où un certain « renouveau juif », stimulé par l’arrivée de nouveaux venus du yddishland est-européen – on a pu parler d’une « Vilna-on-the-Seine » à propos de l’immigration des intellectuels – puis d’Allemagne national-socialiste, devient palpable. Dans la France d’alors, il n’existe pas une mais des communautés juives qui s’ignorent, et parfois nourrissent des sentiments réciproques d’hostilité. Les vieux « Israélites », souvent d’origine alsacienne, lorraine ou allemande se méfient des nouveaux venus d’Europe orientale (les « Polaks ») qu’ils accusent de faire renaître l’antisémitisme, d’être trop arriérés et fanatiques ou, au contraire, perméables aux idéologies révolutionnaires. Les remarques de George Steiner sur l’élite juive européenne qui se « réfugie » dans un catholicisme paré de vertus esthétiques et civilisationnelles (Walter Benjamin et le baroque, Karl Kraus et son « tournant christique », Gustav Mahler, Marcel Proust et les églises, Hannah Arendt et Augustin, Franz Werfel et Bernadette) sont précieuses pour remettre en perspective le « cas » Simone Weil14. On pourrait ajouter Bergson et Brunschvicg dans cette prestigieuse liste de « juifs non-juifs » (expression due à Isaac Deutscher). L’attirance vers le christianisme, et singulièrement le catholicisme, n’est pas rare chez les intellectuels juifs des jeunes générations. Elle va souvent jusqu’à la conversion. La vague 1925 : Max Jacob, Jean de Menasce, Maurice Sachs, Alexandre Marc, les épouses de Maritain, Stanislas Fumet (Histoire de Dieu dans ma vie). Plus tard : l’abbé Glasberg. La conversion du jeune Aharon Lustiger… Ce mouvement n’est pas unilatéral, car il est souvent concomitant avec une ouverture au fait juif, tout à fait nouvelle, du côté chrétien. Les noms d’Aimé Pallière et du père Joseph Bonsirven peuvent symboliser cette évolution, qui deviendra massive au moment du concile Vatican II. Les écrits du jeune Emmanuel Levinas, futur père de l’Église in partibus, et la découverte de Franz Rosenzweig par le milieu issu des Éclaireurs israélites de France qui débouchera juste après la Seconde Guerre mondiale sur l’École d’Orsay montrent à l’évidence que l’hostilité au christianisme n’est plus la règle chez les intellectuels juifs de cette génération. Les Éclaireurs israélites de France, fondés en 1926, accompagnent le virage d’un certain franco-judaïsme vers Barrès et la recherche des « racines ».

Mais de tout cela, Simone Weil n’avait pas connaissance. Il faut comprendre que, dans son système, Israël comme Rome sont responsables du grand dérapage de l’Occident, et singulièrement de l’État français et de l’Église romaine vers une sorte de « totalitarisme » (elle a tendance à user de ce mot sans modération). « Moïse comme Maurras », écrit-elle, ce qui peut laisser sans voix un lecteur plus averti du Pentateuque. Steiner n’a pas tort de parler d’un « dialogue de sourds » à propos du débat, hélas posthume, entre Simone Weil et ses critiques juifs, ou tout simplement informés. Mais les entretiens qu’elle avait eus avec l’admirable père Perrin donnent une idée des difficultés à lui faire entendre une autre version de l’histoire spirituelle occidentale. Elle reproche aussi au judaïsme (dont elle a une connaissance plus que lacunaire) d’avoir étouffé le trésor religieux de l’humanité. C’est ici qu’il faut souligner l’importance de René Guénon sur l’évolution spirituelle de Simone Weil. En 1941, René Daumal, son ancien camarade de khâgne retrouvé à Marseille, lui fait étudier le sanskrit et lui conseille de lire l’Homme et son devenir selon le Vedanta. Guénon n’a sans doute pas beaucoup moins marqué les intellectuels du xxe siècle que Marx ou Maurras. Il a été lu avec attention, parfois avec enthousiasme par l’école néothomiste, les intellectuels d’Action française et les surréalistes, mais aussi les « rollandistes » fascinés par l’Inde ou les promoteurs variés d’une renaissance orientale à coloration souvent méditerranéenne. Sans oublier les Mircea Eliade, Ernst Jünger, Carl Schmitt et autres grandes figures de la révolution conservatrice européenne15. Simone Weil part du même diagnostic que Nietzsche sur le christianisme, mais en inverse les conclusions. La religion de Paul est bien celle des esclaves. Mais, s’étant toujours vécue elle-même comme telle, et solidaire de tous les esclaves du passé (Rome !) et des temps présents (ouvriers d’usine, enfants martyrs, colonisés, opprimés des régimes totalitaires), Simone Weil fait gloire à l’Église de rendre un culte à un esclave crucifié.

Sur le seuil de l’Église et du marxisme

Canciani nous aide à comprendre à quel point on commet un contresens grossier en s’imaginant que la religion de Simone Weil était celle de l’Église romaine, un peu hétérodoxe seulement sur les bords. Elle a été elle-même d’une clarté absolue : « Non pas : ce qui n’est pas chrétien est faux, mais : ce qui est vrai est chrétien », note-t-elle en lisant le Nicolas de Cues de Maurice de Gandillac. En réalité, Canciani le montre dans l’Intelligence et l’Amour16, Simone Weil croit dans l’Évangile, tout en pensant que les vérités qu’il contient ont été connues par des civilisations qui l’ont précédé, essentiellement la source grecque et la pensée de l’Inde. Il n’y aurait donc pas à proprement parler de Révélation dans le christianisme, mais assomption de la tradition épurée de ses scories. Mais il faut remarquer que pour Simone Weil, y compris à travers le catharisme, le génie d’Oc a également joué ce rôle. Et qu’on ne lui objecte pas que l’Église a condamné les Parfaits. Elle a peu de révérence pour l’Église-institution qui, à ses yeux, a hérité des défauts conjoints de Rome et de Jérusalem. Si elle a refusé la conversion en bonne et due forme, si elle est restée sur le seuil, ce n’est pas seulement parce qu’en bonne héritière de Marcion, elle refuse le Dieu jaloux de l’Ancien Testament. C’est d’abord parce qu’elle juge que l’Église romaine, bien qu’elle compte en son sein des individualités admirables comme le père Perrin ou des groupes exemplaires comme les « jocistes » ouvriers, est globalement du côté des fantasmes impériaux.

Simone Weil a vraiment lu le Capital et, très tôt, a été marxiste. Bien mieux, elle a semblé aux yeux de nombre de révolutionnaires qu’elle a fréquentés comme « le seul cerveau que le mouvement ouvrier ait eu depuis des années » (Boris Souvarine). On l’a souvent comparée dans ces milieux à une nouvelle Rosa Luxemburg ! Elle-même ne cachait pas son admiration pour la grande révolutionnaire, aussi peu soucieuse qu’elle-même, soit dit en passant, de sa judéité. D’autant que, même dans sa courte période « orthodoxe » (qui correspond grosso modo à la période 1931-1934 où elle collabore à la Critique sociale de Souvarine), elle est aussi sensible que l’auteure de l’Accumulation du capital à certaines impasses de la théorie. C’est que la période est très ambivalente. L’idée qu’on assiste à une crise du marxisme est très répandue, aussi bien à gauche qu’à droite des léninistes du parti communiste. Il y a évidemment paradoxe à ce que la crise semble en même temps donner raison aux prédictions marxiennes au moment même où les crimes du communisme commencent à être connus. Certains, à la suite d’Henri De Man, proposent d’aller Au-delà du marxisme, c’est-à-dire de donner leur place, à côté des facteurs économiques et sociaux, aux motivations psychologiques et aux besoins « spirituels » de l’être humain. Mais comme le dira Simone Weil en 1937, avant de dépasser le marxisme, encore faudrait-il savoir ce qu’il est exactement. Là-dessus, les avis divergent. De Kautsky à Bordiga, en passant par Korsch et Trotski, sans oublier évidemment la Troisième Internationale de Staline et Lukács, l’offre est surabondante. L’originalité du Cercle communiste démocratique (Ccd) de Boris Souvarine et de la Critique sociale consiste à poser le problème de ce qu’on appellera plus tard le marxisme réel. Comment analyser le « mensonge déconcertant » des lendemains d’Octobre et de l’Union soviétique « patrie des travailleurs », pays où le marxisme est censé avoir été « vérifié par la pratique » ? Comment rester fidèle au marxisme, voire au léninisme (le Ccd s’est d’abord appelé « Cercle Marx et Lénine ») et en même temps s’opposer au totalitarisme, prôner un « communisme démocratique », au risque d’être pris dans un oxymore ? Ce dilemme a eu la vie dure ; il était encore d’actualité au lendemain de 1968.

Il semble que Simone Weil ait failli s’inscrire au Parti. Mais pouvait-elle supporter la discipline d’un appareil, quel qu’il fût ? Les démêlés incessants avec toutes sortes d’institutions, y compris l’Église catholique et la France libre, qui ont jalonné sa courte vie, permettent d’en douter sérieusement. Dotée d’un tempérament rebelle, elle avait appris d’Alain une répugnance systématique à tout embrigadement. Cela s’appliquait aussi aux dogmes, dont elle cherchait systématiquement à connaître l’envers. Ainsi du marxisme comme de tout autre système de pensée. Certes, le thème de la révision nécessaire du marxisme est revenu avec force depuis la parution du livre-manifeste d’Henri De Man, Au-delà du marxisme. Il s’agit d’ailleurs, comme déjà lors de la première vague (Bernstein) du révisionnisme, d’un terme ambigu puisqu’il peut aussi bien renvoyer à une volonté refondatrice qu’à une entreprise de réfutation. La décomposition du marxisme, terme qui reflétait bien (Andler, Sorel) une certaine ambiance des années d’avant-guerre, ne serait pas forcément le terme approprié pour rendre compte du débat autour de 1930. Mais de quel marxisme parle-t-on ? Il y a celui de la Deuxième Internationale qui continue, toujours avec Karl Kautsky comme figure tutélaire, mais aussi les « austro-marxistes » de Vienne-la-Rouge. En France, de jeunes agrégés de philosophie pleins d’avenir (Raymond Aron, Claude Lévi-Strauss) font leurs premières armes avec l’ambition affichée de rénover la théorie marxiste. Et il y a surtout un marxisme de la Troisième Internationale qui se baptise lui-même du nom de « marxisme-léninisme », auréolé du prestige quasiment intact de la Révolution d’octobre et de l’Union soviétique, qui bénéficie depuis 1930 d’une mystique du « plan » concurrençant celle des demanistes. Et la liste n’est pas close. Les « marxismes imaginaires », comme dira plus tard Raymond Aron, fleurissent. Ainsi les jeunes gens du Grand Jeu (René Daumal, Roger Gilbert-Lecomte) unissent dans une même admiration Guénon et Marx. Les tentatives de révision se heurtent donc à un besoin de croire qui n’a pas encore subi de façon décisive le choc du réel. Certes, l’avènement d’Hitler en Allemagne a été un traumatisme. Mais il n’entraîne pas une décrue fatale des illusions révolutionnaires, puisque la « trahison des chefs » (la comparaison avec août 1914 est fréquente) reste une clef rassurante pour expliquer la passivité de la « classe ». Simone Weil fait partie de cette extrême gauche très minoritaire, mais riche en talents, qui refuse la facilité trotskiste consistant précisément à enterrer les Deuxième et Troisième Internationales, pour en bâtir une quatrième qui, elle, promis juré, ne « trahira pas ».

Les manques de la culture républicaine

Réviser le marxisme ? Encore aurait-il fallu que le « marxisme » existât ! Voilà la réponse iconoclaste de Simone Weil à la sempiternelle question. Bien avant qu’on parle de marxismes « introuvables17 », elle ose dire que le roi est nu. Alain parlait de Marx dans ses cours, la chose vaut la peine d’être relevée, tant elle est exceptionnelle pour l’époque. Elle en avait donc entendu parler, et par quelle voix, bien avant de s’engager dans la cause révolutionnaire. Cela dit, Chartier n’était évidemment pas marxiste, car, de son propre aveu, sa « politique était celle de la République [de Platon] corrigée par Aristote18 ». Mais il suivait également de très près le cours des affaires en Urss. Alain en sortait plus convaincu que jamais (la Grande Guerre l’en avait déjà persuadé) que le peuple n’est guère capable, malgré les efforts d’intellectuels de bonne volonté, de s’assimiler les vérités éternelles. Le « Gros animal » populaire était, tout autant que les « Importants », l’objet de sa méfiance. Le pouvoir spirituel devait à ses yeux rester l’apanage d’une élite de sages. Son élève avait bien retenu sa leçon, même au moment de ses engagements les plus ouvriéristes. Si l’on compare maintenant le geste philosophique de Simone Weil à d’autres entreprises contemporaines de déconstruction du marxisme (Raymond Aron), on s’aperçoit en effet que ce n’est pas le côté « religieux », dogmatique, de la doctrine qui l’afflige le plus, mais le lien qui le rattache à l’illusion scientiste héritée des Lumières et du positivisme.

Dès 1934, elle écrit :

l’expérience prouve que nos aïeux se sont trompés en croyant à la diffusion des lumières, puisqu’on ne peut divulguer aux masses qu’une misérable caricature de la culture scientifique moderne, caricature, qui, loin de former leur jugement, les habitue à la crédulité19.

Ce sont là des jugements péremptoires. On peut évoquer en contrepoint de cet aristocratisme intellectuel doublé d’un pessimisme radical qui reflète le moment 1933 du mouvement ouvrier (« Nous vivons dans une époque privée d’avenir. L’attente de ce qui viendra n’est plus espérance, mais angoisse20 »), les jeunes socialistes italiens après la prise du pouvoir par Mussolini qui seront moins timides que les révisionnistes allemands et les « socialistes universitaires » français. En 1922, Carlo Rosselli fonde, avec Pietro Nenni, le journal Il Quarto Stato. Il adhère au Psi sur la base d’un certain nombre de refus. Rosselli ne se considère pas comme un révisionniste. Il polémique contre Rodolfo Mondolfo (1877-1976), illustre représentant du révisionnisme en Italie. Mondolfo, comme beaucoup de marxistes italiens passés par l’école des Croce et des Gentile, veut sauver Marx du marxisme positiviste et scientiste dit – non sans simplification – « de la Deuxième Internationale », croit pouvoir opposer au déterminisme économique le « renversement de la praxis » qui réintroduit, tel un deus ex machina, l’élément de la volonté humaine. Rosselli veut aller au-delà du marxisme et du révisionnisme. Il a appris de Gobetti, le théoricien de la Révolution libérale, que le mal italien n’est pas la conséquence du capitalisme. « Le fascisme est l’autobiographie de la nation. » L’absence de la Réforme, et donc d’un sens de la liberté et de la responsabilité individuelle, a fait le malheur de l’Italie.

Or ce genre de considération est fâcheusement absent chez Simone Weil, qui analyse les contradictions du marxisme de Marx, non sans cacher l’admiration qu’elle lui garde, et lui gardera jusqu’à la fin. Mais elle réfute la « doctrine marxiste », qu’elle distingue soigneusement de ce marxisme authentique, sub specie æternitatis, sans tenir compte des spécificités nationales et religieuses. À la fin des années 1930, le discrédit du marxisme est beaucoup plus sensible qu’au début de la décennie. Dès 1934, Drieu la Rochelle pouvait évoquer la victoire de Nietzsche contre Marx (Socialisme fasciste). Ce diagnostic se révèle justifié au fil des années. Il n’est que de considérer l’activité du Collège de sociologie sacrée, dont une partie des animateurs vient du Cercle communiste démocratique. Le déclin de l’utopie révolutionnaire ne conduit pas toujours au choix de la démocratie et des droits de l’homme. Chaque génération est amenée à éprouver cette dure vérité. Encore nos contemporains vivent-ils une époque où la démocratie, libérale ou libertaire, a des défenseurs qui bénéficient d’une audience non négligeable. Tel n’était pas le cas dans l’entre-deux-guerres. Comme Simone Weil le dit très simplement, le triomphe des « mouvements autoritaires et nationalistes » en Europe remettait en cause les illusions démocratiques et pacifistes. Elle va même plus loin, mettant en cause le cœur de l’idéologie républicaine : « Nos aïeux se sont trompés en croyant à la diffusion des lumières. » Il est frappant de constater que la confusion de l’État monarchique souverain à tendances despotiques avec le totalitarisme contemporain, qui est devenu de nos jours un lieu commun de l’école foucaldienne, est un motif récurrent chez Simone Weil. L’« erreur » a un noyau rationnel. La philosophe Catherine Larrère évoque avec sagacité

une des clés de l’exception française […] du fait que la République y ait un rapport si intime avec la monarchie, et le plus grand mépris pour les Républiques historiques qui ont existé avant elle.

Et la philosophe s’interroge sur l’équivocité même du mot :

Si la République française a pu se placer en héritière de la monarchie, n’est-ce pas parce que cette dernière s’était auparavant pensée comme République ? La République française à son tour ne s’est-elle pas pensée comme République générique21 ?

Toujours Aristote : la politeia a deux sens chez le Stagirite : régime « régulier » en général, et régime non despotique en particulier. Montesquieu avait dit que l’Angleterre était une monarchie en apparence et une république en réalité. Un peu dans la même veine, Simone Weil détecte sous la surface de la République française un empire. Un empire fondé sur la force comme la monarchie de Louis XIV dont elle est la digne héritière. Cette monarchie louis-quatorzième est elle-même la copie de Rome, autant dire la mère de tous les totalitarismes, « rouges » ou « bruns », selon ses propres termes.

Nous sommes beaucoup plus avancés aujourd’hui que naguère dans notre connaissance des « troisièmes voies » et autres « révolutions conservatrices ». Mais l’histoire idéologique de la France libre, dont Simone Weil fait partie à un titre non négligeable, reste difficile à faire, parce que prise dans ces écheveaux équivoques que nous avons une fâcheuse tendance à oublier. Peu nombreux sont les Raymond Aron qui ont pu lever un coin du voile. L’historien Pierre Laborie a eu raison à mon sens de parler d’« années troubles22 ». On pouvait s’opposer à l’armistice et considérer que tout n’était pas à jeter dans la Révolution nationale. Simone Weil ne fut pas la seule, dans la Résistance, à envisager une sorte de statut des Juifs après la défaite des nazis. Du moins reconnaît-on aujourd’hui qu’autour du général de Gaulle se sont agrégés par vagues successives des hommes et des femmes que tout opposait a priori, puisqu’on trouvait à la fois des démocrates pur sucre, socialistes ou héritiers de la tradition dreyfusarde et des monarchistes d’Action française, des cagoulards et des partisans du Front populaire.

Ce rassemblement hétéroclite était donc tout naturellement traversé par des fractures portant sur des sujets essentiels concernant l’avenir de la France libérée. En particulier, il était capital de savoir si les réalisations de la Révolution nationale devaient être rejetées en bloc. N’oublions pas en effet que la France libre était née du refus de l’armistice, et pas du tout de la mise à mort de la IIIe République, qui n’intervient que trois semaines après l’appel du 18 Juin. Comme beaucoup d’héritiers de la troisième voie des années 1930, ex-marxistes ou transfuges de l’Action française plus ou moins marqués par Péguy, Sorel ou le catholicisme social, Simone Weil rêve d’une sorte de « nouveau Moyen Âge » (on se souvient du fameux livre de Nicolas Berdiaev23). « Ordres » d’un nouveau type, sans clôture mais semant le bon grain dans le monde, qu’elle appelle de ses vœux. Savait-elle qu’en France occupée les anciens animateurs de la fameuse École des cadres d’Uriage tentèrent de réaliser le même idéal ? Domenico Canciani note qu’elle s’intéressait à l’expérience de ceux que l’historien canadien John Hellman a appelés des « moines-chevaliers » modernes24. Organisations fraternelles et hiérarchiques à la fois, formant une jeunesse à l’abri des miasmes de la décadence, comme la jeunesse ouvrière chrétienne (Joc), les Compagnons, les Chantiers de la jeunesse française, voilà les cellules de la société future telles que les voit l’auteur de la Lettre sur la révolte. Si l’on y ajoute Témoignage chrétien et le groupe Économie et humanisme (dans la revue duquel elle publie, selon ses propres mots d’autodérision khâgneuse – dans une lettre à son frère – des articles « talas »), on voit à quel point la dernière Simone Weil est immergée dans cette avant-garde chrétienne d’où sortira une grande partie de notre France contemporaine25. Il faut en effet noter que, malgré son aversion pour le thomisme, Simone Weil se sent manifestement plus proche de la mouvance néocatholique animée en particulier par les Dominicains que des petits « prophètes » (ainsi les nomme-t-elle ironiquement) nietzschéens de l’Ordre nouveau26.

Le crépuscule des mythes

En 1941, le philosophe catholique Yves Simon, un des disciples les plus proches de Jacques Maritain, publie au Canada un livre, qui a pu être tenu comme l’équivalent chrétien de l’Étrange Défaite de Marc Bloch. Ce témoignage brûlant d’une colère froide, la Grande Crise de la République française. Observations sur la vie politique des Français de 1918 à 1938, revient sur l’atmosphère politique et spirituelle des années 1930. En anglais, le titre choisi a été, de façon explicite : The Road to Vichy. Reprenant de célèbres analyses de Georges Sorel, il parle alors d’un « crépuscule des mythes ». Il vise en premier lieu les mythes fondateurs républicains. Cette remarque va loin et autorise de mettre en perspective l’effacement de l’« israélitisme » évoqué plus haut. Le franco-judaïsme marque le pas (bien qu’il ait encore des défenseurs actifs comme Georges Wormser, le chef de cabinet de Georges Mandel) parce que la foi dans la France démocratique et sa mission est elle-même épuisée. Simon écrit, relisant Notre jeunesse de Péguy :

L’esprit de la Révolution française a survécu de plus d’un siècle à la défaite de Napoléon. Il a soufflé sur le monde entier pendant la première guerre mondiale. Il a vaincu, puis il s’est éteint sans que personne ne s’en aperçût le 11 novembre 1918. La Révolution française ? 1789-191827.

Née en 1909, Simone Weil est, si l’on suit la thèse de Simon, très représentative puisque à aucun moment de sa trajectoire on ne trouve chez elle un véritable élan d’enthousiasme pour 1789 et encore moins pour les Lumières. Même la mémoire de l’Affaire (Dreyfus), capitale pour les milieux juifs jusqu’en 1914, ne semble pas lui avoir été transmise. Comment ne pas penser à l’amertume de Léon Brunschvicg déclarant en 1932, comme en écho à Yves Simon :

Notre génération a connu deux victoires : l’affaire Dreyfus et 1918, et aujourd’hui toutes deux sont remises en cause.

Aucune de ces victoires n’a jamais ému une jeune femme qui s’implique d’abord dans le combat pacifiste et voit dans les idéaux républicains de pieux mensonges. Aussi ne faut-il pas s’étonner qu’elle n’ait pas versé beaucoup de larmes, contrairement aux hommes de la génération de Brunschvicg (mais en communion avec Alain et beaucoup de ses disciples) sur la chute de la IIIe République. A-t-elle pour autant accueilli avec faveur le nouveau régime ? On ne saurait en aucun cas le dire. Mais elle n’a pas non plus tout rejeté, comme il était fréquent pendant les premiers mois qui ont suivi la défaite. Le discrédit du régime parlementaire était tel, il faut toujours s’en souvenir, que l’appel du pétainisme au « réel », au retour à la terre, à la jeunesse, aux communautés régionales, aux groupes professionnels suscitait beaucoup d’échos favorables, y compris chez certains des premiers résistants. Le rapport à Vichy suscite toujours les mêmes perplexités lorsqu’il s’agit de penser l’attitude des intellectuels. Une vigilance oublieuse des faits historiques risque même de nourrir en retour des négations inversées. Pour autant, il ne faut pas dissimuler les faux pas, les ambiguïtés. Simone Weil distingue entre le mensonge qu’est de fait la « prétendue Révolution nationale28 » et la vérité contenue dans certains de ses « mots, souvent par eux-mêmes d’un niveau très élevé ». Cette méthode en termes d’opposition de la pratique à la théorie ne s’applique pas qu’à Vichy. Patrice Rolland le reconnaît avec une honnêteté qui tranche avec certains discours hagiographiques : « l’Enracinement est un ouvrage déroutant » qui comporte de nombreux thèmes en rupture avec la culture républicaine et démocratique29.

Encore faudrait-il, une fois de plus, remonter à l’enseignement d’Alain qui, Raymond Aron l’a établi il y a longtemps déjà, n’était pas exempt de réserves très fortes quant aux bases philosophiques de la culture en question. Aron faisait remarquer qu’en refusant l’histoire, Alain adoptait une théorie conservatrice de l’ordre naturel et immuable des sociétés, finalement proche de la « statique » d’Auguste Comte. Il n’y a pas lieu de s’indigner ou de s’étonner de ce que les catastrophes révolutionnaires du xxe siècle aient engendré l’envie de relire d’un œil neuf les grands penseurs contre-révolutionnaires, Burke, de Maistre, Maurras. Camus, qui n’est pas franchement de leur bord, le fera aussi. Un texte comme l’Homme révolté en témoigne. Après tout, l’extrême droite des années 1930 lit Marx et Lénine, comme ses rejetons des années 1970 liront Gramsci ! Le « traditionalisme révolutionnaire » est une posture aussi répandue à gauche que la « révolution conservatrice » l’est à droite. Nous en avons connu une version récente avec certains aspects du situationnisme, chez le dernier Debord en particulier. Simplement elle s’avoue plus rarement comme telle. Pourtant le socialisme, comme l’avait noté Élie Halévy, est né en grande partie de la « théocratie contre-révolutionnaire » des De Maistre, des Ballanche et des Bonald. De plus Alain, dont on sait les réserves vis-à-vis de la civilisation technicienne n’a pu que renforcer chez son élève la pulsion traditionaliste. Dans ces conditions, peut-on penser que le Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain (le titre qu’elle-même avait choisi pour ce texte, dont la vocation était de rentrer dans le corpus programmatique de la France libre) traduit l’impact de la « Révolution nationale » sur sa pensée ? La question ne peut recevoir une réponse univoque. Certes, elle a plus d’une fois rejeté en bloc ce qu’elle nomme « la prétendue Révolution nationale », et choisi sans équivoque la France libre. Mais elle ne s’est pas interdit, pareille en cela à beaucoup de résistants, y compris gaullistes, d’approuver certaines mesures ou certaines créations institutionnelles. Le rejet de la IIIe République était massif dans ces milieux, et ne se limitait pas à la « droite ». Au-delà de ces considérations, il y a un problème de méthode plus général. Puiser dans des sources communes est-il interdit à des gens qui vont en tirer des conclusions qui ne sont pas obligatoirement convergentes ? Rien ne le dit, sinon une conception surpolitisée de la vie intellectuelle.

Le même procès en hérésie sera fait à Albert Camus, lequel n’a pas voulu publier l’Enracinement par hasard, c’est-à-dire au moment même (en 1949) où il mettait la dernière main, ou presque, à son propre Homme révolté. Quand ce dernier livre paraîtra en 1951, certains, soit pour s’en réjouir, soit pour le stigmatiser, le dénonceront, sur la foi de certaines citations ou allusions, pour s’être soi-disant rallié à la contre-révolution, à Barrès, voire à Maurras. Or cela ne tient pas une seconde, si l’on songe qu’au même moment le combat antifranquiste reste une priorité pour un Camus plus proche que jamais des libertaires. On peut faire le même type d’observation pour Simone Weil pour qui l’anticolonialisme radical, la cause des réfugiés traqués (à l’exception notable des Juifs, il est vrai), des détenus, des ouvriers écrasés par la machine et autres « esclaves » modernes sont restés non négociables. Il ne faut pas trop vite s’émouvoir des contradictions entre une veine qui reste libertaire et le rejet de plus en plus marqué de la délibération démocratique, de la liberté de penser, et autres droits de l’individu. Ce temps fut une époque de confusion et chassés-croisés. « Révolutionnaires devenus conservateurs et conservateurs tentés par la Révolution », dit de son côté Domenico Canciani dans un brillant aphorisme à propos de certains inclassables contemporains. Encore faut-il comprendre que le fait d’abandonner le désir de révolution, d’une révolution conçue peu ou prou comme une Apocalypse, ne signifie nullement qu’on ait fait son deuil d’un idéal de justice. Mais pour cette « Ancienne » (au sens de Leo Strauss, admiratrice de la République des Anciens) par choix, la justice est au-dessus du droit (aujourd’hui, nous dirions : le bien au-dessus du juste) comme la sagesse excède la raison. Bien qu’elle n’ait pas été avare, dans les derniers mois de sa vie, de projets de Constitution et autres « Déclarations fondamentales », sa conception de la démocratie reste obscure, et tout ce qu’on peut en dire, pour parler encore avec nos mots d’aujourd’hui, renverrait au caractère foncièrement « illibéral » de sa pensée politique ou métapolitique. Rousseau tout autant que Proudhon l’inspirent lorsqu’elle récuse les droits de l’homme et supprime d’un trait de plume les partis politiques et l’affrontement majorité/minorité. Il est vrai, soit dit à sa décharge, qu’elle témoigne d’une grande lucidité lorsqu’elle voit revenir, dans une France libérée, « les structures de la IIIe République » et leur déficit tragique de légitimité. En fait, il faut la prendre au sérieux lorsqu’elle se réclame d’une troisième voie, et qu’elle précise :

Pas de libéralisme, pas de totalitarisme, dire pourquoi30.

Anti-hébraïsme, antijudaïsme ou antisémitisme* ?

Il y a dans le christianisme, « presque depuis l’origine », un « malaise de l’intelligence » (Attente de Dieu, p. 57). Jusqu’où remonter pour trouver cette « origine » ? Un élément de la réponse est dans un passage qui donne le ton sur ce que le père Perrin a appelé une « horreur pour Israël1 » de la part de Simone Weil : « Tout ce qui dans le christianisme est inspiré de l’Ancien Testament est mauvais, et d’abord la conception de la sainteté de l’Église, modelée sur celle de la sainteté d’Israël » (Pensées sans ordre, p. 52). Même lorsqu’elle se montre positive, sur certains personnages bibliques ou sur certains livres considérés comme plus admirables que d’autres, c’est pour retourner contre Israël ce qu’elle juge « assimilable par une âme chrétienne » (Lettre à un religieux, p. 71). Ainsi, elle considère que, « jusqu’à l’exil, il n’y a pas un seul personnage de race hébraïque mentionné dans la Bible dont la vie ne soit pas souillée de choses horribles », excepté Daniel, mais il avait été « initié à la sagesse chaldéenne » (Pensées sans ordre, p. 57). Job, autre exemple, « était un Mésopotamien, non un Juif » (Œuvres complètes, t. IV, vol. 1, p. 381). Cette méthode d’interprétation conduit à voir dans la première partie de la Genèse « une transposition de récits égyptiens plus ou moins bien compris et adaptés » (Œuvres complètes, t. VI, vol. 4, p. 287). Les passages de l’Ancien Testament acceptables pour un chrétien devraient donc être arrachés à la tradition juive2.

Tous les griefs de Simone Weil sont rassemblés par son interprétation de la conception de Dieu dans l’Ancien Testament. Elle avoue ne pas comprendre « comment il est possible à un esprit raisonnable de regarder le Jéhovah de la Bible et le Père invoqué dans l’Évangile comme un seul et même être » (Pensées sans ordre, p. 64). La mission d’Israël a été de reconnaître l’unicité de Dieu, mais cette unicité serait restée inséparable d’une cécité morale chez les Hébreux, qui ont cru en un « Dieu unique sans distinction des personnes ni des principes de bien et de mal » (Œuvres complètes, t. VI, vol. 3, p. 296). Les Hébreux attribuent à Dieu tout ce qui est supranaturel, ce qui est divin comme ce qui est démoniaque, confusion qui tient à ce qu’ils perçoivent Dieu « sous l’attribut de la puissance et non pas sous l’attribut du Bien » (Pensées sans ordre, p. 55). Or, s’il est un principe absolu selon Simone Weil, c’est que la « connaissance essentielle concernant Dieu est que Dieu est le Bien » (p. 47). Les Égyptiens avaient cette connaissance, les Grecs l’avaient, mais pas les Hébreux. Le Dieu des Hébreux était un Dieu « charnel et collectif », un Dieu « lourd », qui faisait des promesses temporelles. En rejetant un « dieu national », Simone Weil refuse la notion d’un peuple élu, « incompatible avec la connaissance du vrai Dieu », car elle est la pire des idolâtries (p. 51). Une conception de Dieu sous l’attribut de la seule puissance conduit à le penser sans intermédiaire. Or, « il ne peut y avoir de contact de personne à personne entre l’homme et Dieu que par la personne du Médiateur » (Œuvres complètes, t. VI, vol. 3, p. 297). Sans un Médiateur, qui signifie que « nul ne va à Dieu, créateur et souverain, sans passer par Dieu vidé de sa divinité » (Œuvres complètes, t. VI, vol. 2, p. 393), Dieu devient une réalité directement accessible, raciale, sociale ou nationale3.

Simone Weil ne connaissait pas grand-chose du judaïsme, mais là n’est pas l’essentiel. Que nous apprennent des essais comme « Les trois fils de Noé et l’histoire de la civilisation méditerranéenne », la « Note sur les relations primitives du christianisme et des religions non hébraïques » ou « Israël et les “Gentils4” » ? Leur lecture révèle surtout une distorsion dans la méthode de Simone Weil. Dans une lettre au père Perrin, elle concède que des passages de l’Évangile qui la choquaient autrefois sont devenus « extrêmement lumineux », et que, si elle ne les avait pas « lus et relus avec amour, [elle] n’aurait pas pu parvenir à cette vérité » qui s’y trouve (Attente de Dieu, p. 249). Elle affirme avoir la « même attitude d’esprit à l’égard des autres traditions religieuses ou métaphysiques et des autres textes sacrés ». Ce qui signifie qu’elle lit les mythologies, Pythagore, Platon et les stoïciens grecs, le folklore universel, les Upanishads et la Bhagavad-gîtâ, les écrits taoïstes chinois, ceux du courant bouddhiste Zen, les écritures sacrées d’Égypte et même certaines hérésies5, dans l’attitude d’esprit qui est la sienne lorsqu’elle lit les Évangiles. Elle n’a pas lu l’Ancien Testament dans cet esprit. Face à divers courants religieux ou métaphysiques l’intelligence doit être en mesure de recevoir la lumière de l’amour, expérience qui définit la foi. Or, s’agissant de l’Ancien Testament, l’amour, « organe en nous par lequel nous voyons Dieu » (Œuvres complètes, t. VI, vol. 2, p. 340), ne trouve pas à s’investir sur le Dieu des Hébreux. Tout se passe alors comme si les conditions d’une bonne orientation de l’attention faisaient défaut, comme si s’effaçait le « devoir de probité intellectuelle » que Simone Weil tenait pour inséparable de sa vocation. Quel est ce risque de l’intelligence ou de l’amour qu’elle n’a pas pu convertir en un projet conforme à sa vocation, dans sa relation à l’Ancien Testament et à la judéité ? Parler de « haine de soi » ou d’anti­sémitisme6 ne permet pas de comprendre, lorsqu’elle rencontre la « question juive », ce racornissement d’une orientation intellectuelle et spirituelle qui ne manque par ailleurs ni d’intelligence ni d’amour.

Robert Chenavier

*.

Robert Chenavier, extrait de Simone Weil. L’attention au réel, Paris, Michalon, coll. « Le bien commun », 2009, p. 81-85.

1.

Joseph-Marie Perrin, Introduction à Attente de Dieu, Paris, Éd. du Vieux Colombier, 1950, p. 32.

2.

Les dix premières propositions et les propositions 29 à 35 de la Lettre à un religieux confirment le refus de la révélation de l’Ancien Testament.

3.

L’Islam illustrerait le même refus du Médiateur. Allah, dans le Coran, est aussi le « Dieu des Bédouins armés ». En revanche, « Le Bien-Aimé des mystiques du xe siècle n’est pas cet Allah. Il est le Médiateur » (Œuvres complètes, t. VI, vol. 3, p. 297).

4.

Essais reproduits respectivement dans Œuvres complètes, t. IV, vol. 1, p. 375-389, et dans Pensées sans ordre, p. 47-62.

5.

La lettre à J. Wahl énumère les courants dans lesquels S. Weil décèle l’expression d’une « pensée identique […] exprimée avec des modalités à peine différentes » (Œuvres, p. 979).

6.

C’est le cas chez Paul Giniewski (Simone Weil ou la haine de soi, Paris, Berg International, 1978) et George Steiner (De la Bible à Kafka, Paris, Bayard, 2002). Pour une mise au point récente, voir le dossier « Simone Weil antisémite ? Un sujet qui fâche ? », Cahiers Simone Weil, septembre 2007.

  • 1.

    Simone Weil, la Pesanteur et la Grâce, Paris, Plon, 1948, rééd. Paris, Pocket, coll. « Agora », 1993.

  • 2.

    Domenico Canciani, l’Intelligence et l’Amour. Réflexion religieuse et expérience mystique chez Simone Weil, Paris, Beauchesne, 2000.

  • 3.

    Sylvie Weil, Chez les Weil, Paris, Buchet-Chastel, 2009.

  • 4.

    Voir par exemple Paul Giniewski, Simone Weil ou la haine de soi, Paris, Berg international, 1978, qui suscita une vive réaction de Vladimir Rabinovitch dans Esprit en septembre 1978. Voir aussi George Steiner, De la Bible à Kafka, Paris, Bayard, 2002.

  • 5.

    Emmanuel Gabellieri, Simone Weil, Paris, Ellipses, 2001.

  • 6.

    Jean-Claude Milner, les Penchants criminels de l’Europe démocratique, Paris, Verdier, 2003, p. 53.

  • 7.

    André Weil, Souvenirs d’apprentissage, Birkhaüser, 1991. On trouvera l’intégralité des lettres échangées par S. Weil et son frère dans la Correspondance familiale, t. VII, vol. 1 des Œuvres complètes, Paris, Gallimard, à paraître en novembre 2012.

  • 8.

    Sylvie Weil, Chez les Weil, op. cit.

  • 9.

    Simone Pétrement, la Vie de Simone Weil, Paris, Fayard, 1973, 2 vol.

  • 10.

    Jean-Paul Sartre, Réflexions sur la question juive, Paris, Gallimard, 1954.

  • 11.

    Thomas R. Nevin, Simone Weil: Portait of a Self-Exiled Jew, Chapel Hill, University of North California Press, 1991.

  • 12.

    S. Pétrement, la Vie de Simone Weil, vol. I, op. cit., p. 75-76.

  • 13.

    Ibid., p. 92.

  • 14.

    George Steiner, Lectures, Paris, Gallimard, 2010, p. 322, fait un compte rendu du livre de Thomas R. Nevin, Simone Weil…, op. cit.

  • 15.

    Depuis des années, Xavier Accart étudie, comme l’équipe de la revue Politica hermetica dont il fait partie, les pensées qui se disent elles-mêmes « traditionnelles », avec les instruments combinés de la science des religions et de l’histoire intellectuelle.

  • 16.

    D. Canciani, l’Intelligence et l’Amour, op. cit.

  • 17.

    Daniel Lindenberg, le Marxisme introuvable, Paris, Calmann-Lévy, 1975.

  • 18.

    Alain, Portraits de famille, Paris, Mercure de France, 1961, p. 144.

  • 19.

    S. Weil, Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression, dans Œuvres, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 1999, p. 1276.

  • 20.

    Ibid.

  • 21.

    Catherine Larrère, « Libéralisme et républicanisme », dans Cahiers de philosophie de l’université de Caen, Presses universitaires de Caen, 2000, no 34.

  • 22.

    Pierre Laborie, les Français des années troubles. De la guerre d’Espagne à la Libération, Paris, Desclée de Brouwer, 2001.

  • 23.

    Nicolas Berdiaev, Un nouveau Moyen Âge. Réflexions sur les destinées de la Russie et de l’Europe, Paris, Plon, coll. « Le roseau d’or », 1927.

  • 24.

    John Hellman, The Knights-Monks of Vichy France: Uriage, 1940-1945, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1992.

  • 25.

    Je me permets de renvoyer à mon ouvrage : les Années souterraines, 1937-1947, Paris, La Découverte, 1990.

  • 26.

    Ordre nouveau qu’elle exécute dès 1934 dans un article resté inédit à l’époque : « Le groupement de l’“Ordre nouveau” », dans Œuvres complètes, t. II, vol. 1 : Écrits historiques et politiques. L’engagement syndical (1927-juillet 1934), Paris, Gallimard, 1988, p. 324.

  • 27.

    Yves Simon, la Grande Crise de la République française. Observations sur la vie politique des Français de 1918 à 1938, Montréal, Éditions de l’Arbre, 1941, p. 20.

  • 28.

    S. Weil, l’Enracinement, Paris, Gallimard, coll. « Espoir », 1949, p. 166.

  • 29.

    Patrice Rolland, « Simone Weil et la politique au xxe siècle », dans Valérie Gérard (sous la dir. de), Simone Weil, lectures politiques, Paris, Éd. Rue d’Ulm, 2011.

  • 30.

    S. Weil, Écrits de Londres et dernières lettres, Paris, Gallimard, 1957, p. 173.

Daniel Lindenberg

Historien, ses travaux de prédilection portent sur l'histoire des idées politiques et les controverses intellectuelles. Son livre sur le Marxisme introuvable (Paris, Calmann-Lévi, 1975) a participé d'une relecture de la place du marxisme dans les idées politiques en France. Il a consacré de nombreuses études aux interférences et aux croisements entre visions religieuses et idées poitiques,…

Dans le même numéro

Simone Weil, notre contemporaine

Le travail, la décolonisation et la pensée du malheur

Camus, Orwell, Levinas, Blanchot: lectures croisées

Le sentiment du tragique et le goût de la beauté