Une autre préhistoire de Mai 68 : les mouvements institutionnels
La critique des institutions au moment de 68 ne peut être réduite à quelques slogans situationnistes. Elle découle d’un mouvement plus large, issu des années de guerre et de résistance où la violence de l’institution asilaire joue le rôle déclencheur. Mais la réflexion dépasse rapidement le cadre psychiatrique et médical, pour toucher l’école et plus généralement les dynamiques de groupe.
Ce n’est pas le « gauchisme » politique qui a préparé Mai 68. Tout au plus a-t-il essayé d’en faire fructifier les dividendes. Ce ne sont pas non plus les têtes d’affiches de la soi-disant « Pensée-68 ». Les Bourdieu et les Foucault ont enfoncé des clous plantés depuis longtemps… Les origines du mouvement sont ailleurs. Elles ne sont pas seulement à rechercher du côté des grands noms de la contestation « antibourgeoise » (les surréalistes, Sartre) qui ont eu évidemment un rôle, mais limité aux « héritiers ». Tout un secteur auquel on pense moins a sans doute été plus décisif. Des transformations locales, graduelles, ignorées du grand public avaient affecté depuis 1945 les professions de la santé mentale, de l’éducation, du travail social.
Les acteurs de ces révolutions silencieuses ont eu des profils très divers. On y trouve aussi bien des psychiatres respectables marqués par le surréalisme que des marginaux, des « en-dehors » porteurs d’un désir