
Primo Levi. Figures
Galleria Civica d'Arte Moderna (GAM), Turin, Italie
Primo Levi artiste plasticien ? Nous connaissons Primo Levi comme l’auteur de Si c’est un homme (1947), un livre rédigé immédiatement après son retour d’Auschwitz pour témoigner des camps de la mort et de l’assassinat des Juifs d’Europe par les nazis. Né en 1919 à Turin, Primo Levi a exercé la profession de chimiste dans sa ville natale après la guerre. Ce n’est qu’à partir de la deuxième édition du livre en 1958 qu’il est devenu célèbre et qu’il s’est imposé comme un écrivain de premier plan avec des romans, des nouvelles et des essais. Sa créativité est impressionnante, d’autant plus qu’il est également l’auteur de courts récits de science-fiction (Histoires naturelles, 1966), écrits sous pseudonyme. C’est dans cette perspective que le musée d’art contemporain de Turin (Galleria Civica d’Arte Moderna, GAM) nous a fait découvrir cet hiver un large choix de sculptures de Primo Levi, rassemblées et présentées pour la première fois au public à l’occasion du centenaire de sa naissance. Cette exposition, élaborée par Fabio Levi et Guido Vaglio, en collaboration avec le International Primo Levi Studies Center, a fait le choix d’une présentation sobre, mettant en regard les sculptures et des extraits de textes de l’écrivain, ainsi que des photographies qui remettent les œuvres dans le contexte du laboratoire de chimie ou de la vie domestique de la famille Levi. Les visiteurs découvrent alors la forme tissée de fils de cuivre d’un papillon, plus loin un alligator, une tête de chouette ou de hibou, un requin, des insectes. Dextérité manuelle de l’artiste ? Oui, mais le talent de Lévi s’exprime également à travers la conception de créatures fantastiques, parmi lesquelles le centaure s’impose à la fois dans sa majesté et sa fragilité. Légèrement penché, le centaure semble blessé ou se protéger de quelque chose, à moins qu’il ne se cabre pour se préparer à bondir. Le lecteur de Primo Levi est familiarisé avec cette figure mythologique mi-homme mi-animal, à laquelle l’écrivain a donné vie dans l’espace de la fiction (« Quaestio de centauris », 1961). Le centaure l’a fasciné comme hybride, au point de s’y identifier en formulant la question de sa double identité après Auschwitz : dualité juive et italienne, mais aussi dualité du chimiste et de l’écrivain. Espérons que cette exposition pourra voyager après l’épidémie qui a durement touché le nord de l’Italie et que les sculptures de Primo Levi seront montrées au public dans d’autres parties du monde.