
L’hospitalité à géométrie variable
La politique européenne d’asile à l’égard des personnes déplacées d’Ukraine
L’application de la directive sur la protection temporaire prise après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, si elle rompt avec le système Dublin, ne constitue pas un revirement majeur de la politique européenne d’asile. D’autant que la détermination de ses bénéficiaires témoigne d’une hospitalité à géométrie variable, qui exclut les travailleurs et les étudiants étrangers.
Depuis ce qu’il est convenu d’appeler la « crise des migrants1 » de 2015, la politique européenne d’asile est régulièrement décriée. Les causes en sont connues2 : la confusion entre réfugiés et migrants, qui a conduit à faire pâtir les premiers de la volonté de réduire l’arrivée des seconds ; la disparité de situations des pays européens au regard des routes migratoires, encore accrue par le « système Dublin3 », qui fait peser la charge de l’accueil sur les États de première entrée ; l’absence de solidarité entre les États européens, qui s’est traduite par le renvoi dans les limbes du mécanisme de protection temporaire imaginé en 20014 pour partager le fardeau en cas d’afflux massif de personnes déplacées. Les conséquences le sont aussi : durcissement des voies légales d’accès à l’« Europe forteresse » et encouragement corrélatif de l’industrie des passeurs ; externalisation de l’asile en direction des pays d’origine et de transit et émergence de la notion controversée de « pays sûr ».
Alors que la conventionnalité du système Dublin a été sérieusement pointée du doigt en 2011 par la cour de Strasbourg5, conduisant les États membres à devoir cesser les renvois vers la Grèce6, puis vers l’Italie, il a fallu attendre 2015 pour que soit mis en œuvre, avec d’immenses réticences, le premier mécanisme de quotas de répartition des réfugiés, permettant de soulager un peu ces deux États7.
La crise ukrainienne a pu faire croire que cette page était tournée et que l’Europe avançait désormais sur la voie kantienne de l’hospitalité, ce « droit qu’a l’étranger, à son arrivée dans le territoire d’autrui, de ne pas y être traité en ennemi8 ». Même les États qui ont longtemps été les plus opposés à l’accueil des réfugiés sur leur territoire, Pologne et Hongrie en tête9, semblent ouvrir largement leurs frontières aux ressortissants ukrainiens fuyant la guerre d’agression menée par la Russie sur leur territoire.
Certains observateurs ont salué ce qu’ils considèrent être l’annonce d’un virage dans la politique européenne d’asile. D’autres, plus lucides, y ont vu le signe du cynisme de la Hongrie et de la Pologne10. Ces deux États, engagés dans un bras de fer avec l’Union européenne sur la question de l’État de droit, sont en mesure d’exploiter à leur profit l’avantage comparatif que leur confère leur statut de pays d’accueil des réfugiés ukrainiens.
Et de fait, ces deux États ont bien compris tout l’intérêt qu’ils pourraient tirer de la crise ukrainienne. Sitôt réélu, le 3 avril 2022, pour un quatrième mandat consécutif, Viktor Orbán a amorcé une volte-face dans son attitude à l’égard des flux migratoires, annonçant être le deuxième pays accueillant le plus de réfugiés ukrainiens sur son territoire après la Pologne et réclamant à la Commission européenne, en échange, l’octroi de 300 millions d’euros en provenance du fonds REACT-EU, initialement créé pour la relance économique après la pandémie de Covid-19. Cela n’a toutefois pas empêché la Commission européenne de déclencher, le 27 avril 2022, le récent mécanisme de conditionnalité budgétaire, institué par le règlement du 16 décembre 202011, qui vise à protéger le budget de l’Union et les intérêts financiers de celle-ci en cas de violation, par un État membre, des principes de l’État de droit. Visiblement non convaincue par les mesures correctives proposées par la Hongrie, la Commission a proposé, le 18 septembre dernier, de suspendre 65 % des engagements financiers pris par l’Union au titre de la politique de cohésion ainsi que d’interdire de contracter des engagements juridiques avec toute fiducie d’intérêt public12. Le Conseil dispose désormais d’un mois (deux en cas de circonstances exceptionnelles) pour décider d’adopter ou non ces mesures, à la majorité qualifiée. La Pologne n’a pas été soumise au même régime. Alors que des réformes du système judiciaire, portant atteinte à l’indépendance des juges, ont été pointées par la Cour de justice de l’Union européenne13, par le Parlement européen14 et par la Commission européenne15, cette dernière n’a pas enclenché le mécanisme de conditionnalité à son égard. La Pologne est en effet l’État qui accueille le plus de réfugiés ukrainiens sur son territoire, et n’a de cesse de réclamer l’augmentation des aides européennes afin de faire face aux besoins élémentaires de ces populations. Argument qu’elle oppose, avec succès semble-t-il, aux prétentions de la Commission à faire jouer le mécanisme de conditionnalité budgétaire à son encontre. La crainte que la Pologne renvoie les ressortissants ukrainiens en demande de protection a apparemment suffi pour que l’État de droit, dont la Cour a pourtant rappelé la valeur fondamentale16, fasse office de variable d’ajustement – contraignant le Parlement européen à introduire un recours en carence à l’encontre de la Commission européenne17, en cours d’examen par la Cour de justice de l’Union européenne.
Ces éléments contextuels, qui témoignent du pragmatisme à l’œuvre dans l’Union européenne, conduisent à relativiser le prétendu virage dans la politique d’asile européenne. Si le déclenchement de la protection temporaire est incontestablement une avancée, il ne marque pas un assouplissement de la politique d’asile européenne, qui fait l’objet de variations incompatibles avec la valeur d’hospitalité dont elle est censée être la garantie.
La protection temporaire, un assouplissement ?
« Entre et sois le bienvenu, toi que je ne connais pas18. » C’est par ces mots que la philosophe Anne Dufourmantelle décrit la valeur d’hospitalité qui est par essence inconditionnelle, même si elle est régie par les lois que se donne toute société humaine19.
Celles dont s’est dotée l’Union européenne en la matière sont particulièrement rigoureuses pour ceux qui fuient les persécutions et prétendent à la qualité de réfugié. Drastiques dans les conditions de fond qu’elles posent à la reconnaissance de la qualité de réfugié, elles ont été critiquées du fait de la procédure de gestion intégrée des demandes d’asile, plus connue sous le nom de système Dublin. Ces règles mettent en place des critères de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée aux frontières de l’Union, qui conduisent à concentrer l’essentiel de la gestion des demandes d’asile et donc de l’accueil des personnes en demande de protection internationale sur les États de première entrée (la Grèce, l’Italie, Malte et l’Espagne, principalement). Ceux-ci devaient être délestés d’une partie du fardeau en cas d’afflux massif de personnes déplacées. Une directive de 2001 prévoyait en effet un mécanisme de protection temporaire, en cas d’afflux massif de personnes déplacées fuyant des zones de conflit ou victimes de violations systématiques ou généralisées des droits de l’homme20. Le but était double : éviter un effondrement des systèmes d’asile des États membres de l’Union européenne et assurer une protection immédiate – mais limitée dans le temps et ne conférant pas le statut de réfugié – aux personnes en demande de protection.
Alors que la crise syrienne, considérée par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés comme la plus grande crise de réfugiés au monde depuis des décennies21, n’avait pas permis de déclencher ledit mécanisme correctif, les États membres de l’Union européenne ont décidé de lui donner une première application à l’occasion des événements en Ukraine.
Par une décision du 4 mars 202222, le Conseil de l’Union européenne a décidé d’activer ce mécanisme, afin de marquer son « soutien résolu à l’Ukraine et à ses citoyens, face à un acte d’agression sans précédent de la part de la Fédération de Russie23 ». Si les motivations politiques ne sont pas absentes de cette décision, d’autres éléments témoignent d’une lecture plus pragmatique de la situation. La pression migratoire sans précédent aux frontières orientales de l’Union24 et la difficulté de la maîtriser du fait de l’exemption de visa dont bénéficient les ressortissants ukrainiens25 ont incontestablement joué, d’autant que les États membres les plus concernés (Pologne, Slovaquie, Hongrie et Roumanie), traditionnellement peu enclins à la solidarité en matière migratoire, voyaient pour la première fois l’intérêt de ce mécanisme, qui a permis d’alléger quelque peu la tension sur leur système d’asile.
L’intérêt principal, pour ces États, du mécanisme de protection temporaire est qu’il permet aux personnes susceptibles d’en bénéficier d’accéder à l’État de l’Union de leur choix, contrairement au système Dublin. La directive ne prévoit en effet aucun mécanisme de détermination d’un État responsable de la protection temporaire et exige même que les États membres facilitent l’accès à leur territoire des personnes en demande de protection26. Pour le dire autrement, une personne déplacée peut solliciter la protection temporaire de la part de tout État membre de l’Union, quel que soit l’État dans lequel elle est entrée ou par lequel elle a transité.
D’autres points nodaux de la décision du 4 mars 2022 témoignent d’une rupture radicale avec la ratio legis du système Dublin. Il en va ainsi des droits, uniformisés sur l’ensemble du territoire de l’Union, qui accompagnent la protection temporaire conférée à ses bénéficiaires. Le premier est le droit de séjourner dans l’État d’accueil sous couvert d’un titre de séjour27, qui ouvre également des droits au travail et à la formation professionnelle, à l’hébergement, à l’accès aux aides sociales et aux soins médicaux, à la scolarisation et à la poursuite des études.
Cette protection temporaire n’est toutefois pas équivalente à une protection internationale, à laquelle elle ne se substitue pas28. Elle est par ailleurs temporaire, la décision du 4 mars 2022 prévoyant que la durée de la protection temporaire devrait être initialement d’une année, durée prorogeable par périodes de six mois pour une durée maximale d’un an. La Commission, qui est chargée du suivi et du réexamen constants de la situation, peut en outre et à tout moment proposer au Conseil de mettre fin à la protection temporaire, en se fondant sur la constatation que la situation en Ukraine permet un retour sûr et durable des personnes bénéficiaires. Aux termes de la décision, elle pourra s’appuyer pour ce faire sur les services de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile mais aussi, de manière plus contestable, sur ceux l’agence Frontex (dont le comportement à l’égard des personnes migrantes a été pointé du doigt29) et sur ceux de l’agence Europol chargée de coordonner la coopération des services répressifs et dont on peine à comprendre la valeur ajoutée.
Difficile dans ces conditions de voir dans le mécanisme, certes inédit, mis en place l’amorce d’un revirement majeur de la politique européenne d’asile. D’autant plus que la décision du 4 mars 2022 n’est pas exempte de toute critique, notamment quant à la détermination du cercle des personnes pouvant en bénéficier, témoignant d’une hospitalité européenne à géométrie variable.
Les « oscillations de l’hospitalité30 » européenne
Tout l’enjeu de la décision du 4 mars 2022 était de déterminer le cercle des bénéficiaires de la protection temporaire mise en place. Sur ce terrain, les discussions au sein du Conseil ont été âpres, les États membres ayant bataillé ferme pour que le cercle des bénéficiaires soit entendu strictement, au détriment notamment des étrangers présents en Ukraine au moment du déclenchement des hostilités.
La décision du 4 mars 2022 englobe ainsi les ressortissants ukrainiens, les apatrides et les réfugiés statutaires ainsi que les membres de la famille de ces personnes. Elle englobe également les ressortissants de pays tiers disposant d’un droit de séjour permanent en Ukraine et qui ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays ou leur région d’origine dans des conditions sûres et durables. Les membres de la famille de ces derniers ne sont toutefois pas éligibles à la protection temporaire.
Travailleurs et étudiants ont été exclus du dispositif finalement adopté, qu’ils soient en mesure ou non de rentrer chez eux de manière « sûre et durable ».
En outre, alors que les premières propositions présentées par la Commission européenne visaient les ressortissants d’États tiers en séjour régulier de courte durée (travailleurs, étudiants), ces derniers ont été exclus du dispositif finalement adopté, qu’ils soient en mesure ou non de rentrer chez eux de manière « sûre et durable31 ». La décision ne mentionne que la faculté (et non l’obligation), pour les États membres, de les accueillir.
La pratique montre que les États membres, Pologne en tête, n’ont pas fait usage de cette possibilité… et cette exclusion touche principalement les étudiants étrangers venus faire leurs études en Ukraine, dont 20 % viennent d’Afrique, d’Inde et du Moyen-Orient, et qui, après avoir rejoint la frontière polonaise dans des conditions extrêmement éprouvantes, ont été invités à repartir dans leur pays d’origine. Il en va de même de travailleurs étrangers venus en Ukraine pour une courte durée, invités également à repartir chez eux. De nombreux observateurs ont fait état de pratiques discriminatoires à l’égard des personnes d’origine africaine, relayées sur les réseaux sociaux par le #AfricansinUkraine et qui ont conduit l’Union africaine à condamner officiellement, par la voie d’un communiqué de son président Macky Sall, le « traitement différent inacceptable, […] choquant et raciste » appliqué aux Africains en violation du droit international.
Certains pays (l’Allemagne et l’Espagne notamment) ont été plus généreux dans leur accueil, ouvrant le droit à la protection temporaire à ces étudiants étrangers. La France, qui avait pourtant appuyé les premières propositions de la Commission européenne lorsqu’elle assurait la présidence du Conseil des ministres de l’Union européenne, a opté, elle aussi, dans les premiers temps du moins, pour une interprétation stricte de la décision du 4 mars 202232, confirmée par la circulaire du 22 mars 2022 qui exclut les étudiants étrangers du bénéfice de la protection temporaire33. Il a fallu que la communauté universitaire se mobilise34 pour que le gouvernement adopte, le 5 juillet 2022 (soit après la fin de l’année universitaire…) une circulaire permettant aux établissements d’enseignement supérieur d’examiner les candidatures de ces étudiants étrangers déplacés d’Ukraine35.
Ce traitement différencié des personnes déplacées d’Ukraine, qui n’a jusque-là pas été soumis au contrôle de la Cour de justice, semble difficile à justifier au regard du principe de non-discrimination, dès lors qu’on voit mal quelle différence de situation objective pourrait être invoquée pour justifier la mise à l’écart des personnes précitées, soumises aux mêmes risques que les autres. Elle entretient également un flou quant aux catégories de bénéficiaires de ladite protection temporaire, préjudiciable à l’ensemble des personnes déplacées d’Ukraine. En France, la préfecture des Bouches-du-Rhône a ainsi refusé de délivrer des autorisations provisoires de séjour à des ressortissants d’États tiers, conjoints de ressortissants ukrainiens et qui demandaient le bénéfice de la protection temporaire, en violation de la décision du 4 mars 2022 précitée. Saisi par la voie du référé-liberté, le tribunal administratif de Marseille a donné gain de cause aux requérants, et a enjoint la préfecture de réexaminer leur demande et de leur délivrer les documents demandés36.
Plus généralement, on assiste, à l’occasion de la crise ukrainienne, à une résurgence de discours qui essentialisent et opposent les « bons réfugiés » (les Ukrainiens, dont les qualités – facilité d’intégration dans la société d’accueil, proximité avec les valeurs européennes, niveau d’études et compétences garantissant une meilleure employabilité, désir de réintégrer leur État d’origine à terme, etc. – sont souvent soulignées dans les médias) des « mauvais réfugiés », souvent suspectés – sur fond de préjugés racistes37 – d’appartenir à des réseaux criminels ou terroristes et auxquels il conviendrait de fermer la porte de l’« Europe forteresse ». De tels discours participent de la perpétuation des discriminations socio-économiques dont pâtissent l’ensemble des personnes en demande de protection. Des gouvernements d’États membres ont ainsi pris prétexte de l’arrivée de personnes en provenance d’Ukraine pour refouler illégalement d’autres migrants, en invoquant l’argument fallacieux selon lequel il faudrait choisir entre ces groupes, selon la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Celle-ci a sévèrement critiqué ce « deux poids, deux mesures », soulignant le caractère « cruel, contradictoire et contreproductif des violations graves des droits de l’homme qui sont devenues inhérentes aux pratiques de contrôle des frontières mises en œuvre par nombre d’États membres38 ».
À la question de savoir si la politique d’asile européenne a amorcé le virage que certains ont pu voir dans le déclenchement de la protection temporaire, la réponse est assurément négative, au vu des mesures que prend par ailleurs l’Union européenne pour se prémunir de nouvelles crises migratoires. Qu’on songe ainsi au financement de hotspots en Grèce, à la criminalisation du sauvetage en mer ou encore au renforcement des pouvoirs de l’agence Frontex, dont l’activité est pour l’heure insuffisamment contrôlée39. L’hospitalité européenne demeure en effet une valeur à géométrie variable, dont la plus ou moins grande ouverture est soumise à des facteurs dont on peine à comprendre la logique. Ces facteurs peuvent être temporels, comme en témoigne le traitement différencié que subissent, en France, les demandeurs d’asile ukrainiens déjà présents sur le sol français avant le déclenchement des hostilités et qui ont vu leur dossier gelé à la Cour nationale du droit d’asile40. Mais ces facteurs sont le plus souvent géographiques, l’accueil des personnes déplacées d’Ukraine – pays voisin désormais candidat à l’adhésion – contrastant fortement avec celui réservé aux demandeurs de protection syriens, kurdes ou afghans, qui font l’objet de pratiques de pushback à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie ou qui, en France, errent dans la jungle calaisienne.
- 1. Ce terme désigne l’augmentation constante, depuis 2010 mais surtout 2015, du nombre de migrants arrivant dans l’Union européenne via la mer Méditerranée et les Balkans. Elle désigne également, improprement, l’arrivée massive de personnes en demande de protection internationale en provenance de la Syrie.
- 2. Voir notamment Frédéric Tiberghien, « Europe, droit d’asile et crise migratoire », Après-demain, no 39, 2016, p. 7-9.
- 3. Règlement no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, Journal officiel de l’Union européenne (JOUE), L 180/31, 29 juin 2013.
- 4. Voir, en ce sens, la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil (JOUE, L 212, 7 août 2001). Ce texte, imaginé dans les années 1990 pour faire face à l’afflux massif de réfugiés provenant d’ex-Yougoslavie, devait permettre de fournir un statut de protection temporaire immédiat en cas d’incapacité des pays de première entrée à gérer le flux des demandeurs d’asile, ainsi qu’un système de répartition des bénéficiaires entre les différents États selon leurs capacités d’accueil. Adoptée en 2001, cette directive n’avait jusqu’à présent jamais été appliquée.
- 5. Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, req. no 30696/09.
- 6. Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), 21 décembre 2011, N. S., affaires jointes C-411/10 et C-493/10.
- 7. Voir en ce sens la décision (UE) 2015/1523 du Conseil, du 14 septembre 2015, instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce, qui a décidé de la relocalisation temporaire et exceptionnelle, sur deux ans, depuis l’Italie et la Grèce vers d’autres États membres, de 40 000 personnes ayant manifestement besoin d’une protection internationale (JOUE, L 239, 15 septembre 2015), et la décision (UE) 2015/1601 du Conseil, du 22 septembre 2015, instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce, qui prévoit la relocalisation temporaire et exceptionnelle de 120 000 personnes ayant besoin d’une telle protection internationale (JOUE, L 248, 24 septembre 2015). Cette dernière a fait l’objet d’un recours en annulation, rejeté par la Cour dans l’arrêt CJUE, 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie c. Conseil, affaires jointes C-643/15 et C-647/15.
- 8. Emmanuel Kant, Projet de paix perpétuelle. Esquisse philosophique [1795], trad. par Jean Gibelin, Paris, Vrin, 1999, p. 55.
- 9. Ces deux États ont d’ailleurs fait l’objet d’un recours en manquement pour non-respect des décisions de relocalisation temporaire de 2015 précitées : CJUE, 2 avril 2020, Commission c. Pologne, Commission c. Hongrie, Commission c. République tchèque, affaires jointes C-715/17, C-718/17 et C-719/17.
- 10. Voir György Folk, « L’accueil des réfugiés ukrainiens, entre l’humanisme hongrois et le cynisme du gouvernement » [en ligne], traduit par Beranger Dominici, VoxEurop, 14 avril 2022.
- 11. Voir les arrêts rendus par la Cour (CJUE, 16 février 2022, Pologne c. Parlement européen et Conseil de l’Union européenne, affaire C-157/21 et Hongrie c. contre Parlement européen et Conseil de l’Union européenne, affaire C-156/21) à la suite du recours en annulation introduit par la Pologne et la Hongrie à l’encontre du règlement instituant un mécanisme de conditionnalité budgétaire (règlement [UE, Euratom] 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union, JOUE, L 433I, 22 décembre 2020).
- 12. Commission européenne, Proposition de décision d’exécution du Conseil pour la protection du budget de l’Union contre les atteintes à l’État de droit en Hongrie, 18 septembre 2022, COM(2022) 485 final.
- 13. CJUE, 24 juin 2019, Commission c. Pologne (indépendance de la Cour suprême), C-619/18 ; CJUE, 5 novembre 2019, Commission c. Pologne (indépendance des juridictions de droit commun), C-192/18 ; CJUE, 2 mars 2021, A. B. e.a. (nomination des juges à la Cour suprême – Recours), C-824/18 ; CJUE, 14 juillet 2021, ord., Commission c. Pologne (indépendance et vie privée des juges), C-204/21 R ; CJUE, 15 juillet 2021, Commission c. Pologne, C-791/19 ; CJUE, 27 octobre 2021, ord., Commission c. Pologne (indépendance et vie privée des juges), C-204/21 R.
- 14. Voir la résolution du Parlement européen du 1er mars 2018 sur la décision de la Commission de déclencher l’article 7, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne en ce qui concerne la situation en Pologne, JOUE, C 129, 5 avril 2019.
- 15. Voir la proposition de décision du Conseil relative à la constatation d’un risque clair de violation grave, par la République de Pologne, de l’État de droit, COM/2017/0835 final – 2017/0360, 20 décembre 2017. Voir aussi les rapports de la Commission sur l’État de droit du 30 septembre 2020 (COM[2020] 0580) et du 20 juillet 2021 (COM[2021] 0700).
- 16. CJUE, 16 février 2022, arrêts Pologne et Hongrie c. Parlement européen et Conseil de l’Union européenne, précités.
- 17. Recours en carence introduit dans l’affaire C-657/21, Parlement européen c. Commission, 29 octobre 2021.
- 18. Anne Dufourmantelle, « L’hospitalité, une valeur universelle ? », Insistance, no 8, 2012, p. 57-62.
- 19. Voir Jacques Derrida, avec A. Dufourmantelle, De l’hospitalité, Paris, Calmann-Lévy, 1998.
- 20. Voir, en ce sens, la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001, précitée.
- 21. La guerre civile qui fait rage en Syrie depuis 2011 a eu pour conséquence un exode de la population, avec plus de 6, 7 millions de déplacés internes et 6, 6 millions de réfugiés dans le monde, faisant des Syriens la plus importante population de réfugiés au monde.
- 22. Décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d’introduire une protection temporaire, JOUE, L 71, 4 mars 2022.
- 23. Considérant no 4 de la décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022, précitée.
- 24. La décision du 4 mars 2022 fait état du chiffre de 650 000 personnes arrivées le 1er mars 2022 dans l’Union en provenance d’Ukraine via la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie et la Roumanie. Ces chiffres ont atteint jusqu’à 7 millions de personnes déplacées dans les quatre mois suivant l’agression russe.
- 25. L’Ukraine figure sur la liste de l’annexe II du règlement (UE) 2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation (JOUE, L 303, 28 novembre 2018). En vertu de ce texte, les ressortissants sont exemptés de l’obligation de visa lors du franchissement des frontières extérieures des États membres pour des séjours n’excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours.
- 26. La Commission européenne a d’ailleurs encouragé les États membres, par ses lignes directrices, à favoriser la libre circulation des ressortissants ukrainiens dans l’Union européenne afin qu’ils puissent librement accéder au territoire de leur choix. Voir, en ce sens, la communication no 2022/C104I/01, JOUE, C 104, 4 mars 2022, et la communication no 2022/C126I/01, JOUE, C 126, 21 mars 2022.
- 27. En France, l’autorisation provisoire de séjour pour les personnes bénéficiaires, délivrée par le préfet, est valable pendant une durée de six mois, renouvelable sans condition jusqu’à la fin de la protection temporaire.
- 28. Les personnes souhaitant faire une demande d’asile sont de ce fait soumises à la procédure classique.
- 29. Voir, notamment, “Frontex failing to protect people at EU borders: Stronger safeguards vital as border agency expands” [en ligne], Human Rights Watch, 23 juin 2021. Face à ces allégations, le Parlement européen a mis en place, le 29 janvier 2021, un groupe de travail visant à contrôler la manière dont l’agence Frontex utilise ses compétences et à vérifier le respect, par cette agence, des droits fondamentaux garantis par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
- 30. Pour reprendre l’expression de Julien Damon, « Les oscillations de l’hospitalité. Le cas de la prise en charge collective des SDF », Communications, no 65, 1997, p. 121-129.
- 31. La communication de la Commission européenne du 21 mars 2022 est très claire sur ce point. En vertu de ce texte, « les catégories suivantes de personnes déplacées n’ont pas non plus droit à la protection temporaire prévue par la directive 2001/55/CE ou à une protection adéquate en vertu du droit national : (4) les apatrides et les ressortissants de pays tiers autres que l’Ukraine qui étaient en séjour régulier de courte durée en Ukraine avant le 24 février 2022, tels que les étudiants et les travailleurs, et qui ne sont pas en mesure de retourner dans leur pays ou région d’origine dans des conditions sûres et durables ; (5) les apatrides et les ressortissants de pays tiers autres que l’Ukraine qui étaient en séjour régulier de courte durée en Ukraine avant le 24 février 2022, tels que les étudiants et les travailleurs, et qui sont en mesure de retourner dans des conditions sûres et durables dans leur pays ou région d’origine ». Voir communication de la Commission relative aux lignes directrices opérationnelles pour la mise en œuvre de la décision d’exécution 2022/382 du Conseil constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d’introduire une protection temporaire 2022/C126I/01, C/2022/1806, JOUE, C 126I, 21 mars 2022.
- 32. Voir l’instruction du 10 mars 2022 du ministère de l’Intérieur relative à la mise en œuvre de la décision du Conseil de l’Union européenne du 5 mars 2022, prise en application de l’article 5 de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001.
- 33. Circulaire du 22 mars 2022 du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation portant sur l’accueil des étudiants déplacés d’Ukraine bénéficiaires de la protection temporaire.
- 34. Voir, notamment, la tribune d’un collectif de présidents d’université, de professeurs et de maîtres de conférences : « Guerre en Ukraine : “Continuons à former les étudiants que l’Ukraine avait choisi d’accueillir” », Le Monde, 3 avril 2022.
- 35. Lettre du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation concernant l’accueil des étudiants ressortissants de pays tiers présents en France et déplacés d’Ukraine après le 24 février 2022.
- 36. Voir, en ce sens, Tribunal administratif de Marseille, ord., Mme A. et M. Z., 16 juin 2022.
- 37. Voir, en ce sens, les déclarations d’un député du parti conservateur grec soulignant le fait que « les Ukrainiens sont des Blancs chrétiens orthodoxes, et pas des Africains d’une autre religion », cité dans Claire Rodier, « Réfugiés d’Ukraine : le “deux poids, deux mesures” de l’Europe », Esprit, mai 2022.
- 38. Voir la recommandation de la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, « Repoussés au-delà des limites. Quatre domaines d’action urgente pour faire cesser les violations des droits de l’homme aux frontières de l’Europe » [en ligne], mars 2022.
- 39. Voir, en ce sens, Romain Tinière, « Le règlement 2019/1896 et le renforcement des compétences de Frontex », Journal de droit européen, no 275, 2021.
- 40. Selon un document interne à la Cour nationale du droit d’asile en date du 8 mars 2022, relayé par les médias (Nejma Brahim et Faïza Zerouala, « À la Cour nationale du droit d’asile, les dossiers d’Ukrainiens suspendus » [en ligne], Mediapart, 15 mars 2022) et les associations de défense des droits des migrants (voir le site InfoMigrants.net), la présidente de la Cour (aujourd’hui remplacée) aurait donné des instructions à ses services afin de repousser les audiences prévues pour les ressortissants ukrainiens déjà en France et de geler la rédaction des décisions en cours de traitement.