
Politique et justice au Kosovo : entre intrigues et vérités
L’instruction menée par le tribunal spécial du Kosovo bouleverse les partages politiques, en touchant plusieurs membres de l’ancien mouvement de libération du pays encore au pouvoir, à commencer par le président Thaçi lui-même. L’enquête, entravée de toutes parts, exacerbe les ambigüités du pays vis-à-vis de sa classe dirigeante et de la justice internationale.
L’arrestation en Belgique, le 16 mars 2021, de Pjeter Shala, surnommé le « commandant Wolf », étend la liste des accusés – déjà sept – poursuivis par les chambres spécialisées sur le Kosovo. Ce tribunal spécial, intégré au sein du système législatif kosovar mais composé de juges internationaux, est chargé d’enquêter sur des crimes commis par l’ancien mouvement de libération du Kosovo (l’UCK) entre 1998 et 2000. Il s’agit du pendant des procès de hauts responsables militaires et politiques serbes tenus devant le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie dans les années 2000-2010. Il a été prescrit en 2015 aux autorités kosovares par l’Union européenne pour compenser l’échec des poursuites engagées à l’encontre de dirigeants de la guérilla indépendantiste. Ces derniers sont accusés de tortures et d’exécutions sommaires de prisonniers lors du conflit avec la Serbie (des crimes de guerre) et de représailles généralisées ou systématiques à l’encontre de Serbes, de Roms et d’opposants kosovars après la fin du conflit (des crimes contre l’humanité). Plus de deux décennies après la fin de la guerre, le travail de la justice n’est donc pas encore achevé, manifestation positive de sa persévérance que l’imprescriptibilité des crimes rend possible, mais aussi signe que quelque chose s’est grippé dans le processus de reconstruction. Surtout, à la différence de la Bosnie-Herzégovine voisine où les procès des criminels de guerre (comme celui de deux soldats serbes, Novović et Pjano, qui vient de s’