
La poésie ludique du rap
Irréductible à une fonction de porte-parole d’une jeunesse en souffrance, le rap explore avec exigence et fantaisie l’équivocité du langage.
Dans le film Les Étoiles vagabondes, sorti à l’été 2019 et réalisé avec Syrine Boulanouar, le rappeur Nekfeu raconte la genèse de son album du même nom. Si le succès du film signale que le rap s’est imposé au-delà de l’industrie musicale, il donne aussi à voir et à entendre un rap profondément pluriel, par un public jeune qui manifeste un besoin de mots. De fait, le rap a partiellement perdu de ses revendications originelles au profit du jeu sur le langage et de tonalités intimistes. Entre danse des mots et force du dire, le rap constitue un espace susceptible d’exprimer et de répondre à différentes crises par un maniement ludique de la langue. La source combative du rap se serait-elle tarie ? Le rap répond-il aujourd’hui davantage à une crise individuelle qu’à une crise collective ?
Vers un rap mou ?
Le message politique du rap – originellement véhiculé par une parole rythmée, énergiquement proférée et nouée aux pulsations musicales – se détache aujourd’hui de cette forme précise et investit d’autres champs artistiques. L’on peut ici penser au dernier livre d’Abd al Malik, Méchantes Blessures (Plon, 2019), publié quelques semaines à pei