
Aux sources de la radicalisation
Les espaces sociaux du djihadisme
Entre le terrorisme d’al-Qaïda dans les années 1990 et celui de l’Etat islamique, l’ennemi n’est plus l’Etat mais l’ensemble de la société, le djihad armé n’est plus la défense de l’islam mais l’utopie califale, et la stratégie ne consiste plus à commanditer des actions mais à susciter des carrières terroristes. Ce n’est pas l’offre idéologique qui génère une demande, mais certains profils sociaux qui s’emparent de la doctrine pour s’engager dans la violence
Le djihadisme est une offre idéologique forgée durant la seconde moitié du xxe siècle dans le contexte de la crise de légitimité touchant les États musulmans accusés de se soustraire à leurs devoirs religieux, tels que la défense de l’ensemble de l’oumma et l’application des prescriptions contenues dans une charia souvent comprise de manière « intransigeantiste[1] ». Les phénomènes actuels d’engagement violent, qualifiés (à tort ou à raison) de processus de radicalisation[2], ont achevé de placer cet imaginaire djihadiste au cœur des débats et, partant, des angoisses de nombreux gouvernements et sociétés du monde. Depuis plusieurs années, effectivement, des mouvements puisent dans le référentiel de la religion musulmane les sources de la légitimation d’une véhémence politique qui peut aussi bien prendre les traits d’une insurrection militaire que d’une action terroriste. Cependant, la décennie 2010 a été celle d’une mutation sociologique et idéologique. L’avènement de l’organisation État islamique a ainsi pu donn