
Guy Petitdemange, l’arpenteur des paroles amies
La disparition de Guy Petitdemange, en septembre 2021, est l’occasion de se pencher sur l’œuvre de ce lecteur infatigable, à qui Olivier Mongin rend ici hommage. Homme de revues, il fut un collaborateur assidu d’Études et d’Esprit, ainsi que le rédacteur en chef de d’Archives de philosophie.
Guy Petitdemange n’en avait jamais fini avec les textes, les siens ou ceux des autres. Il ne cessait de les lire et de les relire, il aimait la figure de l’arpenteur qui explore, découvre, mesure, peint et repeint par couches successives des paroles qui ne doivent pas « geler » et finir comme des « arbres asséchés » : « Tout serait à reprendre, à recommencer à partir de cette chose si scellée et secrète, sonore pourtant : un texte ; arpenter à nouveau, redevenir champion de jeûne, la taupe, l’accusé, ces figures du lecteur vivant chères à Kafka et à Benjamin1. »
Guy Petitdemange, étranger à un monde intellectuel vindicatif et satisfait qui le faisait sourire, incapable de suivre le mouvement des modes, vivait dans l’univers des textes de ses « maîtres » en lecture. Il n’hésitait pas à citer ces « paroles amies » qu’il a réunies, non sans hésitation, dans un ouvrage précieux : elles se nomment Franz Rosenzweig, Emmanuel Levinas, Walter Benjamin, Michel de Certeau, Francfort (pour Theodor Adorno et Max Horkheimer), Jacques Derrida, mais aussi Maurice Merleau-Ponty, Jean-Toussaint Desanti ou Paul Ricœur. « Qu’il s’agisse de la sainteté divine, de l’autre, de l’être sauvage, de l’extase mystique, de la radicale critique benjaminienne, toujours il est question d’un excès, d’une démesure, d’un dénivellement qui bouleverse les mises en ordre, les souveraine