Le 68 français, moment de suspension et mise en suspens de la Révolution
Les événements de mai en France concentrent de nombreux paradoxes : ce temps de révolution est aussi celui de l’épuisement de la culture révolutionnaire à la française, la critique de l’autorité a préludé en philosophie à un tournant éthique, la volonté de retour au réel se double de l’idée que celui-ci n’est plus qu’un simulacre.
À quarante ans de distance, on comprend mieux l’obsession que représentent les événements de mai 1968. Les événements, voilà un pluriel auquel il faut donner tout son sens. Si la légende d’un milieu soixante-huitard s’est imposée, ce milieu était d’emblée contradictoire, hybride. Et le soixante-huitard était lui-même un individu aux identités multiples, un dogmatique sur le plan du savoir qui pouvait cohabiter avec un libertaire sur le plan des mœurs1. Ce fut donc, dans le contexte hexagonal, un événement aux contrastes multiples, ce qui explique les tensions, les incertitudes et les indécisions qui le parcoururent.
Au-delà du comportement des acteurs eux-mêmes et de leur hétérogénéité, les événements ne signent pas un commencement ni un recommencement. Indissocia