Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !

Portrait d’Olivier Roy, 2017. Photo : Center for the Study of Europe Boston University from Boston, USA
Portrait d'Olivier Roy, 2017. Photo : Center for the Study of Europe Boston University from Boston, USA
Dans le même numéro

Y a-t-il un avenir pour l’Afghanistan ?

entretien avec

Olivier Roy

octobre 2021

Olivier Roy répond ici aux questions du chercheur et journaliste turc Ruşen Çakır, dans un entretien réalisé le 18 août 2021 pour la plateforme d’information indépendante Medyascope. Ensemble, ils reviennent sur les guerres successives qui ont ravagé l’Afghanistan, les effets délétères de l’occupation américaine, et les scénarios envisageables aujourd’hui.

Ruşen Çakır – Nous sommes très heureux de pouvoir évoquer l’avenir de l’Afghanistan avec un si fin connaisseur de l’islam politique, et de l’Afghanistan en particulier. Personnellement, je vous ai connu avec votre premier livre sur l’Afghanistan, L’Afghanistan. Islam et modernité politique (Seuil, 1985). Vous avez une expérience du pays longue de plus de quarante ans ; vous y avez habité pendant l’occupation soviétique et le djihad afghan. Pouvez-vous nous faire un bref résumé de l’histoire du pays durant cette période ?

Avant toute chose, il faut savoir qu’il y a cinquante ans, dans les années 1960 et 1970, l’Afghanistan était un pays paisible, qui jouissait d’un gouvernement relativement stable, malgré une administration très légère. La situation a commencé à se dégrader avec le coup d’État communiste de 1978, suivi par l’invasion soviétique de 1979. Depuis cette date, l’Afghanistan est en guerre constante : guerre contre les étrangers – les Soviétiques puis, plus tard, les Américains – et guerre civile, qui oppose des factions très différentes, divisées par des critères idéologiques, religieux, ethniques, tribaux, etc. Au cours de ces quarante années de guerre, il ne s’est jamais clairement détaché de vainqueur, sinon en 1996, quand les talibans venus du sud du pays ont conquis la ville de Kaboul. Il faut savoir aussi qu’on ne se bat pratiquement jamais dans Kaboul. Les habitants sont des spectateurs, qui assistent sans combattre à la prise du pouvoir. Ils ont laissé les Soviétiques entrer en 1979, et les moudjahidines reprendre la ville en 1992 ; ils ont laissé les talibans la récupérer en 1996, l’Alliance du Nord en 2001, et ils viennent de laisser les talibans reprendre la ville.

Je crois qu’il y a deux événements essentiels à prendre en compte. Premièrement, le départ des Soviétiques en 1989. Deuxièmement, la prise de Kaboul par les talibans en 19962. Après avoir vaincu les Soviétiques, les moudjahidines ont été incapables de mettre sur pied un gouvernement d’union nationale. Il s’en est suivi une guerre civile qui opposait, schématiquement, l’Alliance du Nord, rassemblée autour du commandant Massoud, à un parti majoritairement pachtoune, dont le chef était Gulbuddin Hekmatyar. Les talibans ont profité de cette guerre civile et de l’exaspération des Afghans vis-à-vis des anciens moudjahidines, qui se comportaient comme des brigands, comme des bandits dans les campagnes. Ils ont tiré bénéfice d’un besoin de loi, d’ordre et de probité de la part de la population, ou du moins dans les campagnes. En d’autres termes, la marque des talibans est d’abord leur prétention, fondée sur la charia, à assurer la loi et l’ordre tout en refusant la corruption. Dans le sud du pays, cette stratégie a très bien fonctionné. Les talibans ont pu prendre Kaboul en 1996, mais se sont vu opposer des résistances dans le Nord, sur une base bien plus ethnique qu’idéologique. En effet, les talibans sont majoritairement issus de l’ethnie pachtoune, alors que les Afghans du Nord sont avant tout des Tadjiks, des Ouzbeks et des Hazaras, donc des chiites. L’opposition a donné lieu à une guerre civile qui a duré jusqu’en 2001.

La marque des talibans est d’abord leur prétention, fondée sur la charia, à assurer la loi et l’ordre en refusant la corruption.

À cette date, le 11-Septembre a marqué un tournant décisif avec l’intervention des États-Unis. Les Américains n’ont nullement pris part au conflit pour créer un État stable en Afghanistan ; ils ne sont pas intervenus pour libérer les femmes afghanes ou pour mettre fin à l’exercice de la charia. Ils sont intervenus pour tuer Ben Laden et se venger du 11-Septembre, pour détruire le régime taliban qui a soutenu Ben Laden et qui lui a donné asile. Évidemment, leur victoire a été très facile. En 2001, les talibans sont détruits et Ben Laden s’exile au Pakistan. Puis les Américains se trouvent chargés de la gestion de l’État afghan. Ils déversent d’abord des milliers de milliards de dollars sur le pays, puis essaient de mettre en place un État « moderne », autrement dit technocratique (en organisant des élections par exemple) sans tenir compte de ce que j’appellerais l’anthropologie politique afghane, et sans s’intéresser aux problèmes des tribus, des clans ou des ethnies. Ils font du state-building, et tâchent de construire un État à partir de zéro. En vain.

Le premier problème auquel se sont heurtés les Américains est celui de la corruption. La corruption était extraordinaire. On l’a vu par exemple avec l’effondrement de l’armée afghane. J’ai vu moi-même, en 2004, un bataillon afghan censé compter huit cents soldats, qui n’en comportait que vingt ! Les soldes étaient payées, puis récupérées par les fonctionnaires du ministère ou par les officiers. Sur le papier, il existait bel et bien un bataillon de huit cents personnes, mais dans la caserne il n’y avait que vingt soldats. Voilà qui explique très largement l’effondrement de l’armée afghane face aux talibans. Les Américains croyaient qu’avec l’argent on pouvait tout arranger. Mais c’est précisément l’argent qui corrompt. Et les talibans, eux, ont su conserver leur image d’incorruptibles, qui leur a valu le soutien de la population dans les campagnes. L’avenir dira ce qu’ils ont décidé d’en faire.

L’autre point capital est l’habileté avec laquelle les talibans savent jouer du système tribal, ou clanique. Ils savent négocier selon les règles traditionnelles de la société afghane. Que fait-on avant une bataille ? On négocie. Tel est l’usage. On va voir le commandant ennemi, on va voir les barbes grises, ou les mollahs, et on s’efforce de trouver un accord. Quand le premier coup de feu est tiré, c’est fini. Il n’y a pas de bataille s’il existe un accord préalable. Cela, les Américains ne l’ont pas compris. Ils ont débarqué en Afghanistan avec une idée fixe : « Nous sommes face à des terroristes islamiques, il faut les tuer. On ne négocie pas avec les terroristes islamiques. » Ils ont donc tué beaucoup de chefs talibans ; ils ont également infligé beaucoup de dégâts à la population civile. En conséquence, ils n’ont jamais réussi à rallier la population des campagnes. Parmi les urbains, en revanche, et notamment à Kaboul, on a assisté à une révolution culturelle. Kaboul a complètement changé en à peine vingt ans. Quand je me suis approché de Kaboul en venant du Tadjikistan en 1999, il n’y avait pas de téléphone portable, pas d’Internet, il n’y avait rien. Quand j’y suis retourné en 2004, cinq ans après, tout le monde avait un téléphone mobile, Internet se développait partout, puis tout le monde a ouvert un compte Facebook et tous les habitants de Kaboul ont commencé à communiquer sur les réseaux sociaux. Les moins de 30 ans, à Kaboul, ne se rappellent pas l’époque des talibans. Ils ont été élevés dans une culture très occidentale ; les filles sont allées à l’université, elles ont obtenu des postes dans l’administration, sont devenues cheffes d’entreprise, etc. Kaboul incarne donc une poche de culture tout à fait différente. C’est là que se situe le problème à présent, dans le contraste entre la ville de Kaboul, où les femmes en particulier ont pu jouir d’une promotion assez remarquable, et les campagnes qui sont restées extrêmement traditionnelles et conservatrices.

RC – Je voudrais revenir sur le grand fiasco du state-building par les Américains, les Occidentaux et l’Otan. La grande question pour l’avenir paraît être la suivante : les talibans ou les autres forces afghanes authentiques peuvent-ils établir un État fonctionnel en Afghanistan, ou une telle entreprise est-elle impossible, auquel cas il nous faut prendre acte de la division du pays selon les ethnicités ?

Il faut bien avoir conscience qu’il existe déjà une tradition étatique en Afghanistan. L’Afghanistan comme pays s’est construit autour de l’émirat de Kaboul, au début du xixe siècle. Ce sont d’abord les émirs de Kaboul qui ont créé un appareil étatique – superficiel, certes – à même d’unifier l’Afghanistan et d’apporter une forme de résolution à la question ethnique : ce sont les Pachtounes qui, historiquement, ont dominé l’appareil d’État et l’armée, mais la langue nationale et la langue de culture était le persan. Autrement dit, les émirs de Kaboul n’ont jamais tenté d’imposer le pachtoune, ils ont toujours utilisé le persan comme langue de culture et comme langue d’administration. Or le persan est une langue d’intégration, puisqu’elle est commune à toutes les ethnies d’Afghanistan. Le persan n’est pas une langue ethnique. Je crois que les talibans vont reprendre cette stratégie à leur compte. Au fond, je crois qu’ils vont réactualiser des modes de gouvernement qui ne sont pas spécialement islamiques, mais qui relèvent plutôt de cette tradition historique afghane où, certes, le pouvoir est aux mains des Pachtounes, mais où ces derniers s’appuient sur une bourgeoisie et une intelligentsia persanophone et, surtout, parviennent à articuler le pouvoir central aux pouvoirs locaux. Voilà ce qui me semble décisif. Car les pouvoirs locaux ne sont pas des pouvoirs ethniques. Si vous allez à Kandahar ou à Mazâr-e Charîf, vous ne trouverez pas d’Ouzbeks ou de Pachtounes, mais ce que les Afghans appellent des qawm, des « groupes de solidarité », qui peuvent appartenir à n’importe quelle ethnie, et sont en constante rivalité dans des jeux d’équilibre et de conflits pour la terre, pour l’eau, pour le pouvoir local, etc. À mon sens, l’État afghan ne peut fonctionner que s’il sait composer avec les équilibres entre ces groupes locaux. Or les talibans savent très bien faire cela, et peuvent s’appuyer sur une longue tradition. En ce sens, plutôt qu’un éclatement selon des lignes ethniques, je crois qu’on s’achemine vers une sorte de revivalisme de la nation afghane, avec un État apparemment fort mais en vérité assez faible, qui sera toujours en train de négocier avec les autorités locales, et fera référence à la fois à l’islam et à l’afghanité. Je crois que les talibans sont des nationalistes. C’est pour cela qu’ils se sont engagés à respecter les frontières, qu’ils ont reconnu celle qu’ils partageaient avec le Pakistan – ce qui n’était jamais arrivé avec les régimes précédents – et qu’ils veulent construire un émirat islamique à l’intérieur des frontières reconnues de l’Afghanistan. Ils ont été très clairs là-dessus ; c’est d’ailleurs ce qu’ils ont fait quand ils étaient au pouvoir pendant cinq ans, de 1996 à 2001. Ils ont tiré les leçons de leur défaite de 2001, quand le mollah Omar a soutenu Ben Laden.

L’État afghan ne peut fonctionner que s’il sait composer avec les équilibres entre groupes locaux.

À titre personnel, je suis donc relativement optimiste. Non pas pour les femmes afghanes, qui vont payer le prix de cette reconstruction étatique, au moins dans un premier temps. Mais je crois qu’il y a ici une chance de stabiliser l’Afghanistan comme État-nation – à condition toutefois qu’il n’y ait pas d’ingérence étrangère. Au fond, le problème de l’Afghanistan, ce sont les ingérences étrangères.

RC – Avant même la victoire des talibans, on voyait déjà arriver en Turquie des milliers de jeunes hommes d’Afghanistan qui passaient par l’Iran. Aujourd’hui, à l’aéroport de Kaboul, ce sont surtout des jeunes hommes – pas de femmes, pas d’enfants, pas de personnes âgées – qui essayent de s’échapper de leur pays. Habituellement, les réfugiés sont avant tout des familles. Ici, on voit des jeunes hommes quitter à la fois leur famille et leur pays. Comment interpréter cela ?

Il faudrait y regarder de plus près, mais je crois qu’il existe deux catégories de personnes qui quittent le pays. La première regroupe tous ceux qui étaient impliqués dans le régime précédent – qui travaillaient avec les Américains, avec les ONG occidentales, etc. – et ceux qui étaient impliqués dans les activités économiques dépendantes de l’armée américaine, ou dans des pratiques de consommation rejetées par les talibans – la musique par exemple. Il y avait beaucoup de petits business qui fonctionnaient, et dont les propriétaires estiment non seulement qu’ils n’ont pas d’avenir, mais aussi que rester à Kaboul présente un risque pour leur vie. La seconde catégorie, selon moi, réunit celles et ceux qui ne sont pas politisés, qui n’étaient ni du côté des Américains, ni de celui du gouvernement d’Ashraf Ghani, mais qui pensent qu’il n’y a pas d’avenir. Ceux-là ne s’en vont pas parce qu’ils craignent pour leur vie, mais parce qu’ils estiment que l’Afghanistan va subir une terrible régression, et qu’il n’y a pas d’avenir pour la jeunesse.

Pour stabiliser cette émigration, plusieurs choses seraient nécessaires. La plus urgente étant une amnistie, autrement dit que les talibans annoncent qu’il n’y aura pas de représailles. C’est très important, et cela constitue un premier test. Il y aura nécessairement des règlements de compte à tous les niveaux, mais tant que ces règlements de compte se situent « à la base », si l’on veut, ils ne présentent pas de problème majeur. En revanche, si l’État commence à pourchasser les anciens opposants, ou à arrêter les jeunes pour les forcer à s’enrôler dans l’armée, la situation risque de se dégrader rapidement. À défaut de pouvoir faire pression sur les talibans, la priorité sera donc de suivre leur politique d’amnistie vis-à-vis des anciens soutiens du gouvernement.

RC – On attend déjà une grande vague migratoire venue d’Afghanistan vers les pays frontaliers comme le Pakistan, l’Iran, et peut-être les Républiques de l’Asie centrale. Mais la grande question internationale concerne le déplacement de ces migrations vers l’Occident. Angela Merkel a déjà abordé le sujet, tout comme Emmanuel Macron, qui a assuré qu’il essayerait de travailler avec le Pakistan, l’Iran et la Turquie. Il est intéressant de noter que la Turquie et l’Afghanistan ne sont pas des pays limitrophes. Mais la Turquie est un point de chute pour les réfugiés transitant par l’Iran, que l’État iranien laisse passer. En ce sens, la Turquie peut devenir – comme on l’a vu avec les réfugiés syriens – un État d’accueil financé par l’Occident. C’est déjà un important enjeu civil et national en Turquie. Comment résoudre le problème posé par les nouveaux réfugiés afghans ?

La situation n’est pas tout à fait la même qu’en Syrie, où des familles entières partaient parce qu’elles étaient sous les bombes. Il y avait alors une pression militaire et physique, une peur de mourir qui poussait à émigrer avec toute sa famille. En Afghanistan, les migrants sont plutôt des jeunes, qui partent en explorateurs – c’est-à-dire qu’ils partent par précaution, et qu’ils feront peut-être venir leur famille plus tard. Ce n’est pas la même chose. Je crois que ces jeunes Afghans partent par précaution, et pas par désespoir. C’est pour cela que les deux éléments essentiels pour stabiliser la situation sont, d’une part, la cessation des conflits armés en Afghanistan et, d’autre part, un développement économique suffisant pour que les gens trouvent du travail.

Les coordonnés du problème n’ont donc rien à avoir avec la Syrie, où l’on sait qu’il n’y aura pas la paix, et où l’on sait que l’économie ne va pas repartir. Les talibans sont décidés à faire la paix, et ils sont intéressés par la reprise économique – ce sont aussi des hommes d’affaires. Donc, si la situation se stabilise en Afghanistan, on peut espérer que la vague migratoire actuelle ne dure pas plus de quelques semaines, ou quelques mois. En attendant, il faudra certes gérer ce flux – lequel ne représente pas des millions de personnes, mais des dizaines de milliers. Par rapport au grand flux migratoire qu’on a connu il y a sept ou huit ans, ce n’est donc pas la même chose. Il faut effectivement que l’Occident assume sa part, en particulier en récupérant les réfugiés qui ont collaboré avec les ONG et avec les armées, avec les institutions européennes ou américaines. Cela représente déjà des dizaines de milliers de personnes ; et c’est le devoir des pays occidentaux que d’en faire une priorité. Sans dire que cela mettrait fin à l’émigration, on peut raisonnablement penser que cela permettrait de récupérer une partie significative des réfugiés afghans.

RC – Ma dernière question concerne évidemment les femmes, dont on peut craindre qu’elles seront les grandes victimes du régime taliban. Bien qu’il y ait eu quelques évolutions en vingt ans, on ne peut s’empêcher de redouter une grave régression, qu’attestent déjà certains témoignages. La communauté internationale – quoi que cela veuille dire – réfléchit beaucoup à ce problème. Que pensez-vous de l’avenir des femmes afghanes ?

Les talibans vont sûrement faire quelques concessions, au sujet des écoles primaires pour filles, par exemple. Mais le problème ne concerne pas uniquement la charia ; il touche aux représentations et aux convictions des talibans, qui sont très représentatives de la culture extrêmement patriarcale du sud du pays. Dans les tribus pachtounes, pendant les années 1960, je ne voyais jamais de femmes ; ce n’est pas un phénomène spécifique aux talibans. Et cela est redoublé par une dimension que je qualifierais de sociologique, ou de généalogique. Il suffit de regarder les photos des talibans à Kaboul : ce sont tous de jeunes hommes, célibataires, qui ont été les produits des madrassas mises en place par les talibans en Afghanistan ou au Pakistan. Beaucoup d’entre eux n’ont jamais vu une femme de leur vie. Ils se rapprochent de la culture incel (involuntary celibate, « célibat involontaire ») américaine, c’est-à-dire d’une forme, disons-le, de frustration sexuelle et d’une absence de sociabilité dans une société mixte. Ils vont assurément être un problème. Lorsqu’ils demandent une épouse, par exemple, ils trouvent normal qu’on prenne une fille et qu’on la leur donne en mariage. Le choc culturel avec Kaboul est ici extraordinaire car, en l’espace de vingt ans, on a vu éclore une génération de jeunes femmes très éduquées, très compétentes, souvent cheffes de famille parce que les hommes sont morts, ou partis. Elles assument un rôle décisif dans l’économie, et vont se trouver brusquement confrontées à ces jeunes Talibs, au sens strict du terme, à ces jeunes étudiants en religion qui sont profondément misogynes – pas par méchanceté, mais à cause de leur éducation, ou de leur manque d’éducation.

Propos retranscrits par Haldun Bayri et Quentin Regnier

  • 1. Sur le parcours d’Olivier Roy, voir l’entretien « Paris-Dreux-Kaboul : itinéraire d’un chercheur », Esprit, février 2002, et « En quête de l’Orient perdu », Esprit, octobre 2014.
  • 2. Sur cette période dans l’histoire de l’Afghanistan, voir O. Roy, « Afghanistan, le retour des vieux démons », Esprit, octobre 1989.

Olivier Roy

Philosophe, politologue, spécialiste de l'islam politique.   Après avoir travaillé sur la guerre d'Afghanistan en ayant notamment fait plusieurs séjours dans le pays auprès des Moudjahidines, Olivier Roy se concentre sur l'étude des mouvements politiques islamistes, d'abord en Asie centrale, puis au Moyen-Orient, pour ensuite développer une approche globale des questions de l'islam contemporain.…

Dans le même numéro

Leçons rwandaises

La publication du rapport Duclert a réouvert le débat sur les responsabilités du gouvernement, de la diplomatie et de l’armée françaises dans le génocide des Tutsi au Rwanda. À partir d’une lecture de ce rapport, le présent dossier propose de réfléchir à ce que nous avons appris, dans les vingt-cinq ans qui nous séparent des faits, sur l’implication de la France au Rwanda. Quelles leçons peut-on tirer des événements, mais aussi de la difficulté, dans les années qui ont suivi, à s’accorder sur les faits et à faire reconnaitre la vérité historique ? Quels constats cette histoire invite-t-elle sur le partage des responsabilités entre autorités politiques et militaires, sur les difficultés inhérentes aux opérations extérieures, notamment en Afrique, et enfin sur le bilan de ces interventions, au moment où la France choisit de réduire sa présence au Sahel ? Au-delà du seul cas français, l’échec de la communauté internationale à prévenir le génocide rwandais invite en effet à repenser le cadre des interventions armées sur les théâtres de conflits et de guerres. À lire aussi dans ce numéro : l’avenir de l’Afghanistan, djihadisme et démocratie, gouverner le trottoir, à qui profite le crime ?, le retour à Rome d’Hédi Kaddour et le carnaval Belmondo.