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Adam Jones, Ph.D. | Photographies des victimes du génocide - Genocide Memorial Centre - Kigali - Rwanda
Adam Jones, Ph.D. | Photographies des victimes du génocide - Genocide Memorial Centre - Kigali - Rwanda
Dans le même numéro

Balayer les cendres. Entretien

« Le temps qui passe n’efface en rien le souvenir de toutes ces rivières

Rougies par le sang des innocents

Je les porte en deuil, je n’ai pas encore balayé les cendres1. »

Stéphane Audoin-Rouzeau – Mon dernier livre, Une initiation, fait un pas de côté sur la mémoire du génocide qui a coûté la vie à au moins 800 000 Tutsi du Rwanda entre avril et juillet 1994 : je ne fais pas un récit du génocide. La subjectivité du chercheur est mise en avant au lieu de rester dissimulée. Mon livre est un récit de voyages. Lors de ma première visite, en 2008, un basculement s’est opéré d’un monde dans un autre, une transformation du chercheur que je suis, alors que je n’avais jamais prévu de travailler sur le Rwanda.

« Et vous dites que le génocide est fini ? »

Un moment important est la visite en 2014 de la maison détruite d’une rescapée, devenue une amie, Émilienne Mukansoro : « Vous arrivez chez moi, il n’y a rien, je n’ai rien pour vous accueillir2. » Puis, deux ans plus tard, la maison est reconstruite et je reçois une invitation à « redonner vie à l’enceinte familiale3 » à Mushubati. Le livre concerne donc moins la mémoire du génocide que sa trace, en ceci que le génocide ne serait pas un passé qui laisserait mémoire, mais qui est là. Quand vous êtes au Rwanda, c’est évident : vingt-trois ans plus tard, le génocide est là, à condition de savoir le voir, ce qui explique la phrase de Charles Péguy en ouverture du livre qui appelle à « voir ce que l’on voit ». Nombreux sont ceux, y compris dans les sciences sociales, qui croient voir mais qui, en réalité, ne voient pas ce qu’ils voient.

Le génocide est là de plusieurs manières, notamment dans les « crises traumatiques », qui se disent « avoir ses poumons hors de soi » dans la terminologie populaire, au cours desquelles les rescapé(e)s « revivent » – littéralement – le moment de l’arrivée des ibitero (formations de meurtriers). La clinique rwandaise qui émerge après la guerre a inventé la notion de « crise traumatique », qui n’existe pas dans la nosographie américaine ou internationale. Ces crises traumatiques ne sont pas uniquement des reviviscences du moment de l’arrivée des tueurs, mais peuvent véhiculer un « dire politique », direct ou indirect : soit parce que la victime exprime une protestation, soit parce que le simple fait d’entrer en crise est une contestation d’un discours politique qui tend aujourd’hui à conduire les victimes à se tourner vers l’avenir. Des crises traumatiques peuvent donc être déclenchées par un témoignage extrêmement dur, un chant, une image, ou bien au moment d’un discours lénifiant, réconciliateur et dirigé vers un futur meilleur.

Après mon premier séjour au Rwanda en 2008, j’ai suggéré à Emmanuel Laurentin d’aller sur place parce que, pour un homme de radio, il y avait des sons remarquables à recueillir. Dès son retour en 2009, il m’a invité dans son studio pour écouter les enregistrements de ces crises traumatiques. Nous avons été tous les deux pris à la gorge par ces hurlements à nul autre pareils. C’est ainsi que le Rwanda, pour celui qui s’y rend, est une initiation. On peut refuser de passer par une initiation, mais une fois celle-ci commencée, il n’y a pas de retour possible : il est impossible de la refuser. J’en suis resté là et c’est la raison du titre du livre.

Je n’aurais jamais pu mener cette étude sans les travaux de Véronique Nahoum-Grappe sur ce qui se passait au même moment en Bosnie et à Sarajevo, ville qu’elle a bien connue pour y avoir été enfermée pendant une partie du siège4. Ce travail sur la cruauté et sur l’atteinte à la filiation s’applique au Rwanda, l’un des deux exemples de la fin du xxe siècle où la question de l’altérité, des marques somatiques, des pratiques de cruauté, de la jouissance du bourreau se pose avec une acuité très particulière.

J’ai repris à Freud le thème de « la différence mineure » dans « Le tabou de la virginité5 ». Je pense que, pour le Rwanda, il s’agit de la différence inexistante, puisqu’il n’y a aucune différence, ni somatique, ni linguistique, ni religieuse, entre victimes et bourreaux. Et pourtant, nous faisons face à un racisme éliminationniste qui, à partir de « différences inexistantes » (mais évidemment subjectivées comme bien réelles), crée la différence véritable par le déploiement des pratiques de cruauté. Ces dernières disent à l’autre qu’il est autre et à soi qu’on est différent de lui, avec d’autant plus de violence que les protagonistes sont extrêmement proches.

Le propre d’un événement comme celui-ci, dans sa magnitude et sa cruauté, c’est que sur place, il déborde le chercheur – n’importe quel chercheur – de toute part. Il désarticule les disciplines, fait exploser les catégories et je ne sais pas si j’ai écrit un livre d’historien, d’anthropologue, de voyageur, de journaliste… J’ai écrit ce livre parce que je ne pouvais pas faire autrement.

Véronique Nahoum-Grappe – Il y a comme une gratuité de la scène de cruauté, dans ces génocides, qui peut être résumée par ce que disait une vieille Kosovare : « Pourquoi nous faire tout cela ? Qu’ils nous volent, qu’ils nous tuent, et c’est fini ! » La cruauté qui pose la mort de la victime comme « trop douce » arrive « en plus », elle n’apparaît pas comme directement « utile » à l’agresseur : pourquoi perdre son temps à faire souffrir celui que l’on veut exterminer de toute façon ? Un exemple, au cœur de la prison syrienne dont parle le film Tadmor (Monika Borgmann et Lokman Slim, 2016), pourquoi raser les cils des détenus ? Pour qu’ils ne puissent plus fermer les yeux la nuit ? Sans doute, le sadisme au sens psychiatrique est assez minoritaire dans la population (moins de 2 % ?) : cette faille intrapsychique profonde et individuelle serait-elle stimulée sous certaines conditions, comme la domination sur le corps d’autrui ? Dans les situations de domination, la cruauté individuelle est perçue comme une performance professionnelle, signe de l’adhésion à la ligne politique et suppose parfois une jouissance clivée, plus ou moins artificielle, qui s’exprime dans le langage du sentiment d’honneur et de la « mission sacrée » du bourreau6. Les formes de la cruauté sont alors liées à l’imaginaire culturel du bourreau et aux stéréotypes de la propagande de haine que suppose toute entreprise d’extermination. Nous sommes face au tragique du génocide : l’extrême cruauté est ahurissante d’inutilité fonctionnelle. Non seulement le génocide aurait pu ne pas avoir lieu, contrairement à la catastrophe naturelle, mais en plus, il aurait pu ne pas s’augmenter de ce luxe effroyable de cruauté. Comment expliquer cet excès obscène, stupéfiant s’il n’était tragique, inutile et coûteux, de l’extrême cruauté de masse, surtout dans ces situations où l’inégalité du rapport de force permet de tuer rapidement ?

S. Audoin-Rouzeau – Bien sûr, on touche ici à l’incompréhensible, même après avoir longtemps travaillé sur toutes ces questions. On bute sur un incompréhensible qui n’est pas résiduel mais fondamental, un bloc faisant obstacle : un objectum au sens étymologique du terme. On mesure à la fois la nécessité et l’impuissance des sciences sociales au sens le plus large. Le « lieu de la haine » est en effet très important. Au Rwanda, les manières de blesser et de tuer ne sont pas anodines : la machette sert à découper les corps, à les raccourcir, la massue à les faire exploser. Les corps tutsi étant réputés plus longs et plus élancés, on leur coupe les mains et les pieds. On va aussi s’attaquer à leur nez, censé être plus fin. Il y a bien une modification : on « sculpte » la chair humaine, comme disait Mary Douglas, pour la punir d’être fantasmatiquement différente7. On recherche dans le corps les preuves de l’altérité de la victime – le sexe et la matrice des femmes étant particulièrement visés – et cette recherche de la différence somatique échoue, ce qui ne calme pas le bourreau, mais l’hystérise et l’incite à poursuivre8.

Vierges mutilées

Joël Hubrecht – Vous concédez à un moment que les Vierges mutilées – ces statues en plâtre machetées par les génocidaires dans l’église de Saint-Jean de Kibuye, à Kibeho, etc. – restent une énigme : « Des catholiques ont massacré d’autres catholiques, dans leurs paroisses, avec des prêtres des deux côtés9. » Quel est le rôle de la religion dans le génocide ? Julien Seroussi, un sociologue qui a travaillé à la Cour pénale internationale, a étudié l’influence des sorciers et des fétiches dans les massacres en Ituri, une province de la République démocratique du Congo. Dans un article sur le Rwanda, il montre que les Tutsi sont diabolisés et associés à l’image de Satan par les Hutu10. C’est une violence intra-religieuse, et non pas inter-religieuse, qui est ainsi activée. Cette démonologie explique également la violence envers les femmes, censées être fourbes comme le démon. Cette hypothèse pourrait éclairer la situation aujourd’hui au Burundi, État voisin du Rwanda, dont le président Pierre Nkurunziza est un illuminé, qui prédit publiquement l’imminence d’une apocalypse purificatrice et exacerbe les tensions dans son pays (également habité par des communautés hutu et tutsi).

S. Audoin-Rouzeau – L’article que vous évoquez explique que le génocide a eu besoin du religieux afin de s’accomplir, à ce niveau de radicalité et selon les formes qu’il a adoptées. Je n’ai pas un niveau de formation théologique suffisant pour étayer cette hypothèse et, malheureusement, je n’ai pas l’impression que les Églises catholique ou protestante aient produit beaucoup à ce sujet. Philippe Buc donne certaines pistes dans son dernier ouvrage sur la violence chrétienne, mais il y a d’autres choses qu’il n’a pas examinées11. Quand nous étions au Rwanda, Emmanuel Laurentin et moi, en 2014, chaque église visitée donnait lieu à une discussion sur le rôle du religieux dans le génocide. Par ordre d’importance, les églises ont été les deuxièmes lieux de massacre au Rwanda, après les collines, c’est-à-dire en plein air. Il nous était difficile de conclure quoi que ce soit : Élisabeth Claverie, anthropologue du religieux, disposant d’un niveau de théologie chrétienne très élevé, se sent également, je crois, en situation de doute interprétatif global devant cette situation.

Il me semble donc que l’énigme du massacre intra-religieux met ce génocide et ses pratiques au-delà des possibilités actuelles des sciences sociales (anthropologie religieuse, histoire, etc.). Ces dernières me paraissent très pertinentes pour parler de l’inter-religieux, mais très démunies pour parler de l’intra-religieux, surtout quand il y a bien sacralité des massacres. Je suis persuadé en effet de cette sacralité : ils ont eu lieu dans des bâtiments religieux, entre catholiques, avec des prêtres des deux côtés, mais se sont aussi accompagnés de pratiques iconoclastes surprenantes, de prières de groupe avant le meurtre de masse. Rappelons que le Rwanda était considéré comme la « perle de l’Afrique » par la papauté, qui y voyait un pays de pratique catholique extrêmement forte et ancrée.

V. Nahoum-Grappe – Est-ce qu’il ne faudrait pas distinguer la question du sacré de celle du religieux ? Dans le massacre intra-religieux, l’instrumentalisation d’une différence religieuse, qui mènerait à une guerre de religion, ne se situe pas sur le même registre que l’utilisation du sacré – religieux ou non – dans le déroulement pragmatique de la journée où l’on tue. Au Rwanda, c’est frappant : tous les soirs, le sacré et le profane sont mêlés, les tueurs font ripaille, étrange fiesta d’après le boulot, dans une gaîté incroyable, avec louanges à Dieu et à la Vierge Marie. Le sacré des références me semble nécessaire à la réalisation journalière du « travail » propre au génocide.

S’il faut tuer, il faut que ce soit pour des valeurs sacrées, qu’elles soient idéologiques, nationales ou religieuses : il faut qu’un étendard soit brandi, qui peut être la faucille et le marteau ou même la laïcité. Alors que le sacré peut se réduire à une forme esthétique, le religieux est une demeure de sens hospitalière dont le rapport à la violence de masse est ambivalent, la condamnant ici pour la promouvoir ailleurs. On peut faire l’hypothèse qu’il n’y a pas de génocide sans attribution d’un sens sacré à l’action d’extermination.

S. Audoin-Rouzeau – Quand les bourreaux prient avant de pénétrer dans les églises pour massacrer et saccager, prient parfois même pendant le massacre comme certains témoignages semblent l’indiquer, ils sont en effet dans un moment sacral. La question du religieux comme condition, lieu et forme d’accomplissement du génocide me paraît pleinement posée…

Le déni de responsabilité

S. Audoin-Rouzeau – Je me considère politiquement comme un conservateur et même, d’une certaine façon, au risque de choquer, comme un militariste (je considère qu’il n’est pas possible de supprimer le métier des armes et qu’il vaut mieux former et contrôler les militaires plutôt que laisser des milices apparaître). Dans ces conditions, il m’est très douloureux de remettre la politique française en cause, mais, dans le cas du Rwanda, il est impératif de le faire : nous nous situons toujours, en France, dans un déni de la responsabilité française12.

Malheureusement, par rapport au moment où j’ai commencé à m’intéresser au Rwanda, je me rends compte désormais que la France est plus compromise encore que je ne le pensais dans son soutien à la politique du régime du président Juvénal Habyarimana (1973-1994), puis dans le soutien au gouvernement intérimaire, formé – hélas ! – à l’ambassade de France les 8 et 9 avril 1994. La France est également très compromise à travers l’opération Turquoise, devenue humanitaire au bout d’une semaine mais qui était au départ – j’en suis maintenant persuadé – une opération de co-belligérance avec le gouvernement intérimaire contre les forces de l’Armée patriotique rwandaise (Apr), la branche armée du Front patriotique rwandais (Fpr). Cette compromission française, largement niée, joue pour beaucoup dans le relatif désintérêt pour ce génocide en France. Poser la question du génocide, c’est poser la question de la France dans un moment où il est extraordinairement difficile de remettre en cause le « grand récit » national. Pour que cela soit fait, la disparition des protagonistes est-elle une condition sine qua non ?

Ce génocide souffre donc d’un déficit cognitif massif, en particulier en France, où il est absent de la culture scolaire. Le premier manuel d’histoire pour la classe de première qui le mentionne va paraître, avec deux pages coordonnées par Hélène Dumas. La première chose à faire, en tant que citoyen, en tant que chercheur, c’est d’« habiliter » et donc de faire reconnaître ce génocide parmi les autres génocides plus « familiers ». Nous sommes encore dans une situation où des gens normalement informés ne savent pas distinctement qui a tué qui. C’est comme si on demandait au sujet de la Seconde Guerre mondiale : « Ce sont les Juifs qui ont tué les nazis ou les nazis qui ont tué les Juifs ? » Une telle ignorance serait impensable. Mais c’est bien de cela qu’il s’agit pour le Rwanda, et cette méconnaissance prendra du temps à se résorber.

Lors du procès de Tito Barahira et d’Octavio Ngenzi, deux anciens bourgmestres poursuivis en France au titre de la compétence universelle, il y avait peu de monde dans la salle. En appel à Bobigny pour le procès du capitaine Pascal Simbikangwa, les témoins arrivaient et parlaient dans le vide. C’était désespérant ! Comparé aux procès Touvier et Papon, avec leurs salles pleines, et les longs comptes rendus dans Le Monde, le désert total des procès des génocidaires rwandais était pathétique. La première fois que je m’y suis rendu, au titre de « témoin de contexte », j’étais dans une angoisse profonde : j’avais l’impression que j’allais entrer dans une cage aux lions, alors qu’il n’y avait personne. Les procès n’ont eu aucune résonance publique. Lors du procès Barahira-Ngenzi, je me suis senti bousculé par l’avocate de la défense dont j’ai dû combattre pied à pied les arguments. Une semaine plus tard, l’adjudant de gendarmerie qui contrôlait la salle m’a reconnu et m’a dit : « De l’avis général, vous vous en êtes très bien sorti. » Je lui ai demandé s’il suivait toutes les séances avec autant d’attention et il m’a répondu : « Monsieur, c’est historique ! » Lui avait compris, alors qu’il n’y avait pas un journaliste, pas un universitaire, pour le comprendre.

V. Nahoum-Grappe – Au printemps 1994, la proximité avec les pratiques de guerres en ex-Yougoslavie depuis 1991 – déportations de populations définies de manière ethnique ou religieuse, massacres de masses, viols systématiques, camps de détention, etc. – a permis à certains de comprendre ce qui se passait au Rwanda : un génocide. Pourtant, en France, le mot était interdit et contredit. On le sait désormais, grâce aux témoignages et à d’autres travaux qui se sont multipliés, notamment après celui du général Dallaire13.

Je suis troublée par la suite de l’opération Turquoise, entreprise par le pouvoir français, qui a durablement installé dans le Kivu, une région limitrophe du Congo, des milices impliquées dans les crimes. Par la suite, dans cette région, il y a eu trois guerres meurtrières, des pratiques massives de violences sexuelles, dont l’histoire reste brouillée et opaque dans notre mémoire européenne, et largement absente de nos manuels d’histoire. Les chiffres qui circulent, depuis 2005 surtout, oscillent entre trois cent mille et six millions de morts… Or on ne dispose d’aucune information : où sont les fosses ? où sont les charniers ? où sont les survivants ? pourquoi un tel silence ? Si jamais c’était vrai, ce que je n’espère pas, les Français auraient certes sauvé des hommes, mais aussi permis aux milices Interahamwe de poursuivre leur entreprise criminelle…

S. Audoin-Rouzeau – Les six millions de morts au Kivu sont un fantasme, évidemment lié à la correspondance qu’un tel chiffre établit avec les six millions de morts de l’extermination des juifs d’Europe. On retrouve ici, avec le Rwanda, cette forme particulière de négationnisme qui s’exprime sous la forme de la thèse du « double génocide », qui accorde une sorte d’égalité entre les victimes et les bourreaux et permet de disculper nos propres sociétés. J’ai toujours été extrêmement frappé par l’hostilité, dans la société française, envers les autorités actuelles de Kigali, dont je ne suis bien entendu ni un admirateur, ni un soutien. J’appelle cela le « syndrome de la victime parfaite » : tout se passe comme si, sur les charniers rwandais, ne poussaient pas de fleurs suffisamment pures pour mériter notre compassion et notre engagement. Quant à la bonne victime, c’est celle qui veut bien se réconcilier. Dans les procès des génocidaires rwandais, qui ont fini par se dérouler en 2014 à Paris, la ligne d’attaque systématique de la défense consistait à dire : « Vous êtes un défenseur du régime actuel puisque vous parlez du génocide », ce qui constitue un argument d’une rare perversité.

V. Nahoum-Grappe – Il y a tout de même dans l’armée française toute une brochette de militaires qui ont participé à l’opération Turquoise et que l’on pourrait interroger…

S. Audoin-Rouzeau – Ils ont été interrogés par les juges du pôle à Paris : c’est un processus d’une très grande lenteur, mais il n’est pas impossible que des militaires français soient mis en cause, notamment ceux qui ont une lourde responsabilité dans le non-sauvetage des derniers survivants de Bisesero. J’ai longtemps cru que si l’on n’avait pas sauvé les habitants de Bisesero entre le 27 juin et le 1er juillet 1994, cela était dû à des erreurs militaires, à des renseignements mal transmis, et que les accusations du gouvernement rwandais sur l’abandon des réfugiés étaient ridicules et paranoïaques… Je suis maintenant persuadé – et je l’ai écrit dans une note blanche au président Hollande – que si des militaires de haut rang se voyaient mis en examen pour complicité de génocide et de crime contre l’humanité, les dommages seraient massifs. Des forces qui étaient à disposition n’ont pas été utilisées parce qu’elles se préparaient à attaquer les forces du Fpr qui avançaient plus loin à l’est. Bien sûr, on ne voulait pas que les rescapés meurent, mais on avait autre chose à faire qu’à sécuriser cette zone. Les informations n’ont pas été données : c’est accablant. Que dire ? C’est comme la torture en Algérie : c’est inexcusable.

V. Nahoum-Grappe – En ex-Yougoslavie, c’était souvent les mêmes militaires qui étaient en activité. L’armée française était en première ligne dans ce conflit, selon les directives de la politique étrangère mitterrandienne. Elle aurait pu et dû sauver les personnes selon les directives de l’Onu, mais les ordres du pouvoir national bloquaient en sous-main toute action14. L’histoire démontrera que 1994 fut une année de honte nationale : la France a choisi de soutenir ses alliés historiques, les régimes de Belgrade et de Kigali, devenus assassins d’une fraction de leur population. Les militaires français furent parfois lourdement traumatisés : comment leur faire comprendre l’inaction face au massacre de ceux qu’ils avaient pour mission de sauver ? La psychiatrie de guerre s’est beaucoup développée après le Rwanda et l’ex-Yougoslavie.

S. Audoin-Rouzeau – Guillaume Ancel, ancien capitaine, artilleur, se retrouve dans l’opération Turquoise après le siège de Sarajevo (son témoignage sur ce dernier point est un récit extraordinaire sur l’inaction, parce qu’à chaque fois, les militaires sont empêchés de frapper15.) Dans la nuit du 30 juin au 1er juillet, il se retrouve à Goma et s’apprête à décoller avec ses hélicoptères, mais l’opération Turquoise s’est convertie en opération humanitaire et les frappes sont annulées. Cela montre que la responsabilité des décisions revient au pouvoir politique. Nous avons tout de même reçu à Paris deux membres du gouvernement intérimaire génocidaire le 27 avril 1994. À cette époque, on comptait déjà plusieurs centaines de milliers de morts.

Plus jamais ça ?

Emmanuel Laurentin – Une chose me revient : en 1994, nous n’avions que les mots « devoir de mémoire » et « plus jamais ça » à la bouche. Depuis 1988-1989, les procès sur le Seconde Guerre mondiale se succédaient et tous les rescapés de la Shoah témoignaient dans les émissions de télévision ou de radio pour que cela ne se reproduise pas. Notre remords tient au fait qu’un génocide était en train de se dérouler au moment même où nous cherchions à en exorciser un autre.

S. Audoin-Rouzeau – Vous avez raison : François Mitterrand a inauguré la Maison d’Izieu, le mémorial des enfants juifs exterminés, en plein génocide des Tutsi rwandais. À rebours du « plus-jamais-ça », il me semble qu’au xxe siècle, ce génocide est le seul massacre de masse qui eût pu être empêché. Il n’était pas possible, en temps de guerre, d’empêcher le génocide des Arméniens, l’extermination des Juifs d’Europe ou encore le génocide qui a eu lieu au Cambodge entre 1975 et 1979. S’il y a un génocide qui eût pu être empêché et que nous – les grandes puissances, la communauté internationale – n’avons pas empêché, c’est celui des Tutsi rwandais. C’est extrêmement troublant et c’est évidemment un avertissement considérable. Voilà qui a le mérite de dire les choses, alors que nous vivons dans une société qui prétend empêcher toute répétition d’un génocide comme celui des Juifs d’Europe. Le mensonge que nous déployons à l’égard de nous-mêmes est de ce point de vue non seulement cynique, mais dangereux.

V. Nahoum-Grappe – « Plus jamais ça ! », ce cri des victimes survivantes, et mot d’ordre sacré de l’Occident après la découverte des camps nazis, a paradoxalement servi à protéger et à rendre invisibles de nombreux génocides commis par la suite. Bien sûr, ce n’est plus jamais ça, avec un moustachu vociférant dans les stades et l’industrialisation rationnelle et délirante des forces de destruction de l’époque ! La comparaison même est interdite, comme scientifiquement anachronique et souillant le souvenir sacré et l’unicité de la Shoah. La protection posthume de Hitler à des successeurs qui ne lui ressemblent pas continue, par exemple, avec l’enfer syrien, dû à un régime exterminateur de son propre peuple. En ce début de xxie siècle, non seulement les mémoires vives des crimes nazis s’effacent avec la génération des survivants, mais toute comparaison est frappée de nullité et d’indignité. La ritualisation d’une mémoire qui disparaît ne dérange plus aucun assassin politique.

Votre livre souligne qu’il y a toujours des menaces, que des victimes sont encore enlevées et torturées : alors qu’on fait des commémorations et des tribunaux, les assassins circulent ! Si on avait encore des hitlériens qui viennent brûler quelques Juifs dans les coins, on deviendrait fou ! La réalité irrémédiable du génocide des Tutsi rwandais n’est pas encore entrée dans la conscience collective française. Comment enrayer le révisionnisme à la fois comme blessure et comme menace ?

S. Audoin-Rouzeau – Il y a en effet une menace toujours présente. J’avais calculé le nombre de rescapés tués entre 1995 et 201016, surtout en période de commémoration : en rapportant le nombre de victimes rescapées assassinées à la population française, c’est comme si on avait tué un millier de Juifs en France sur une quinzaine d’années, après la guerre… Il est difficile de savoir qui tue : ce sont des meurtres bien préparés, cachés, de nuit. Encore très récemment, une rescapée, qui avait témoigné en gacaca, a été assassinée à l’ouverture des commémorations. Le génocide se poursuit à bas bruit, sur la base de haines locales persistantes. Dans mon livre, je raconte l’histoire de Joséphine, qui vit seule parmi les tueurs, dont la vache, offerte par le gouvernement, a été gravement blessée (les tendons coupés), comme pour rappeler l’immobilisation des victimes avant leur mise à mort définitive. Nous lui avions fait livrer une seconde vache, depuis Paris jusqu’au nord de Kigali – opération logistiquement assez compliquée – mais celle-ci est finalement morte de faim : les tueurs aux alentours, désormais libérés, avaient bloqué tous les accès à ses champs et, vivant seule, Joséphine n’a pas pu protester.

Pour les rescapés qui vivent dans les campagnes de manière isolée, dans un pays à 80 % rural, la situation reste extraordinairement difficile. En France, on fait comme si le génocide était terminé : celui des Arméniens est terminé, celui des Juifs d’Europe est terminé, pas celui des Tutsi rwandais. On ne comprend ni la société ni le régime politique rwandais. On avance l’argument de déficit démocratique de ce dernier, mais veut-on réitérer l’expérience de 1991 ? Veut-on, de manière « démocratique », laisser se reconstituer des formations alignées sur l’idéologie Hutu power ? C’est de l’inconscience…

Antoine Garapon – « Une initiation », qui donne son titre à votre ouvrage, est à la fois une notion anthropologique et un terme du langage courant. Dans cette initiation, vous acceptez vos limites et vos émotions d’Occidental sur un terrain africain, parce qu’il y a néanmoins du commun. L’émotion qu’on ressent devant les horreurs du génocide rwandais est un agent universalisable dans notre compréhension de ce qui se passe.

Vous avez travaillé sur deux sujets opposés : la guerre de 1914-1918, qui est une guerre dans les formes, avec des troupes, une hiérarchie militaire, des tribunaux militaires, des munitions, etc., et sur le génocide rwandais. Ces deux formes de violence si différentes ont eu des répercussions sur la forme de justice rendue. La forme choisie pour juger, après les deux guerres mondiales, est très instituée, très hiérarchique, juridique et organisée. Au Rwanda, la forme de justice ne répond pas aux canons occidentaux et pourtant on se permet de la juger. Au nom de quoi ? L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, sur la définition du procès équitable, est-il universel ?

Comme cela ressort de la thèse d’Hélène Dumas17, les gacaca, ces juridictions « sur l’herbe », constituent pourtant une expérience fondamentale pour comprendre la justice internationale. L’initiation au génocide des Tutsi au Rwanda fut pour moi l’apprentissage de l’humilité.

V. Nahoum-Grappe – Les machettes ont été importées de Chine quelques mois avant le début du génocide. À la radio Mille Collines, ils annonçaient : « Les grandes puissances ne vont rien faire, comme en Bosnie. » Les génocidaires avaient une culture complètement occidentalisée.

S. Audoin-Rouzeau – Comme j’ai essayé de l’expliquer à plusieurs reprises au tribunal, le génocide des Tutsi rwandais n’est pas un génocide « exotique » : c’est un génocide dont la racine idéologique est rigoureusement la même que celle de l’extermination des Arméniens et celle des Juifs d’Europe. En effet, le racisme et le racialisme européens ont été implantés dans la région des Grands Lacs avec une facilité et une vitesse presque effrayantes à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle, puis institutionnalisés par le colonisateur belge18. Au plan idéologique, le génocide lui-même a été importé d’Occident.

En ce qui concerne la suffisance des juges internationaux à propos du processus gacaca, désormais terminé et soldé par l’archivage d’un million de dossiers, il faut se poser la question suivante : comment aurait-on voulu faire ? Utiliser la justice ordinaire de l’un des pays les plus pauvres du monde pour juger plus d’un million de tueurs ? Évidemment, c’est une justice qui n’est pas conforme à l’article 6, mais elle a permis un minimum de réparation pour les victimes, et un maximum de condamnation pour les tueurs. Au fond, le processus a permis aux communautés locales de laver leur linge sale. Parallèlement, il faut souligner que la peine de mort a été vite abolie au Rwanda.

Mon travail sur le génocide des Tutsi m’a éloigné de la guerre de 1914. Cette dernière constitue pourtant un magnifique sujet pour un historien : une demande sociale énorme, un centenaire, un beau musée (l’Historial de Péronne) que j’ai contribué à construire dans la Somme… Et puis, non, un objet fait objection et vous fait tout remettre en cause. La Grande Guerre m’a appris à voir une forme de violence occidentale industrielle, mais aussi la violence contre les civils, la violence de l’invasion, le génocide des Arméniens. Tout cela prépare à voir peut-être un peu moins mal et pourtant, sur le moment, je n’ai pas vu ce génocide des Tutsi, je n’ai pas voulu le voir, et je pense qu’un racisme inconscient était à l’origine de ce refus de voir19.

Du Rwanda, je tire des leçons très pessimistes pour nos sociétés. Croire que ce qui s’est passé ne concerne que le Rwanda, les Grands Lacs éventuellement, est absurde, en particulier sur la question du voisin et du basculement dans la violence. Nous considérons spontanément que nos sociétés sont pacifiées, que l’autocontrôle des acteurs sociaux est tel que, pour basculer dans la violence, il faudrait un temps très long et un effort véritable des acteurs sociaux sur eux-mêmes20. La Grande Guerre et, a fortiori, le Rwanda m’ont fait comprendre que nous vivons dans un véritable déni de ces possibilités de basculement. Je pense à ce très beau texte d’Élisabeth Claverie sur la Bosnie, où celui qui menace et qui tue est le voisin de toujours21 : hier encore, vous lui avez parlé, vos enfants ont joué avec les siens. Je suis persuadé que nos sociétés ne sont pas à l’abri de ce retournement meurtrier du voisinage. Il faut rester vigilant : mieux vaut se tromper par excès de vigilance que par inconscience. Le Rwanda doit signer la fin de l’inconscience.

E. Laurentin – Le Rwanda est une initiation, mais aussi une remise en cause de soi-même. En 1994, nous étions quelques-uns à savoir, mais nous n’étions pas très nombreux. Dans mon travail d’information et de revue de presse à la radio, peut-être que je disais un grand nombre de bêtises à ce moment-là. Pourquoi reprendre cette affaire ? Est-ce à rebours, un remords ? Quelle réponse universelle va-t-on chercher par ce retour sur le dossier rwandais ?

S. Audoin-Rouzeau – Bien sûr, il y a une remise en cause de soi-même. Je m’en veux beaucoup de ne pas avoir su voir ce qui se passait en 1994 et lors des années suivantes. Je menais des recherches sur la guerre : je n’ai rien vu, alors que tout était devant moi.

Il me semble que notre époque est traversée par une inquiétude nouvelle. Le second xxe siècle est terminé et, de ce point de vue, le Rwanda appartient au passé. Mais en réalité, il me semble qu’il est une annonce. Si quelques-uns d’entre nous s’intéressent à cette question, c’est parce que le Rwanda participe de cette inquiétude nouvelle sur nos sociétés. Le Rwanda nous annonce quelque chose de terrible. Il y a une obscénité, au sens étymologique du terme (obscenus : « de mauvais augure ») qui plane sur le génocide des Tutsi rwandais. On s’y intéresse parce que c’est un mauvais présage : l’enjeu n’est pas le passé, mais le futur. Mais comment le prouver ?

  • 1.

    Extrait d’un chant de Mariya Yohana Mukankuranga (1996), cité dans Stéphane Audoin-Rouzeau, Une initiation. Rwanda (1994-2016), Paris, Seuil, 2017, p. 84. Au Rwanda, pendant une veillée funèbre, le feu brûle pendant huit jours, puis les cendres sont dispersées.

  • 2.

    Ibid., p. 140.

  • 3.

    Ibid., p. 148.

  • 4.

    Voir Véronique Nahoum-Grappe (sous la dir. de), Vukovar, Sarajevo… La guerre en ex-Yougoslavie, Paris, Esprit, 1993 ; « L’usage politique de la cruauté », dans Françoise Héritier (sous la dir. de), De la violence I, Paris, Odile Jacob, 1997 et « Guerre et différence des sexes. Les viols systématiques en ex-Yougoslavie (1991-1995) », dans Cécile Dauphin et Arlette Farge (sous la dir. de), De la violence et des femmes, Paris, Albin Michel, 1999, p. 175-204.

  • 5.

    Sigmund Freud, « Le tabou de la virginité » [1918], la Vie sexuelle, Paris, Puf, 1997.

  • 6.

    Voir les travaux de Christopher Browning sur les yeux ou le visage dans Des hommes ordinaires. Le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la solution finale en Pologne, traduit par Élie Barnavi, introduction de Pierre Vidal-Naquet, postface de Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Les Belles Lettres, 2002.

  • 7.

    Voir Mary Douglas, De la souillure. Essais sur les notions de pollution et de tabou, traduit par Anne Guérin, préface de Luc de Heusch, Paris, La Découverte, 2005. Voir aussi Denis Crouzet, les Guerriers de Dieu. La violence au temps des troubles de religion (v. 1525-v. 1610), Seyssel, Champ Vallon, 2005.

  • 8.

    S. Audoin-Rouzeau : « Dans mon travail sur le Rwanda, je n’ai rencontré que des rescapés, qui doivent représenter autour de 2 % de la population d’aujourd’hui. Je n’ai jamais parlé à un tueur, même si j’ai dû en croiser. Violaine Baraduc, doctorante travaillant sous ma direction, est entrée en contact avec huit femmes tueuses pour le film admirable qu’elle a réalisé avec Alexandre Westphal, À mots couverts (Les Films de l’embellie, 2015). Mais quand Hélène Dumas, auteur d’un livre fondamental (le Génocide au village. Le massacre des Tutsi au Rwanda, Paris, Seuil, 2014), a accompagné une rescapée rendre visite à un tueur dans sa prison, le choc de la confrontation a été terrible pour cette dernière. »

  • 9.

    S. Audoin-Rouzeau, Une initiation, op. cit., p. 118.

  • 10.

    Julien Seroussi, « Les diables des mille collines. Fictions raciales et religieuses dans le génocide des Tutsi », La Vie des idées, 27 octobre 2015.

  • 11.

    Philippe Buc, Guerre sainte, martyre et terreur. Les formes chrétiennes de la violence en Occident, traduit par Jacques Dalarun, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », 2017.

  • 12.

    Voir le dossier « France-Rwanda, et maintenant ? », avec les contributions de Stéphane Audoin-Rouzeau, Jean-Pierre Chrétien, Hélène Dumas, Antoine Garapon et Raphaëlle Maison (Esprit, mai 2010). S. Audoin-Rouzeau : « En 2009, Antoine Garapon est arrivé au Rwanda au moment des commémorations. Il a été directement conduit à une séance de gacaca (tribunaux communautaires, littéralement « tribunaux dans l’herbe ») et il en est revenu très affecté. Nous nous sommes ensuite assis face à face avec un carnet de notes et nous nous sommes parlé toute une matinée sans faire attention au monde extérieur. De cette rencontre est sorti le dossier d’Esprit, où ma contribution sur l’implication de la France était mon premier article sur le Rwanda. »

  • 13.

    Roméo Dallaire, J’ai serré la main du diable. La faillite de l’humanité au Rwanda, Montréal, Libre Expression, 2003.

  • 14.

    Voir Marc Benda et François Crémieux, Paris-Bihac, Paris, Michalon, coll. « Les Temps modernes », 1995.

  • 15.

    Guillaume Ancel, Vent glacial sur Sarajevo, préface de S. Audoin-Rouzeau, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Mémoires de guerre », 2017.

  • 16.

    Sur la base des chiffres d’Ibuka, une organisation non gouvernementale pour la mémoire et la justice créée à la suite du génocide des Tutsi.

  • 17.

    H. Dumas, le Génocide au village, op. cit.

  • 18.

    François Mitterrand et les militaires restent dans un imaginaire colonial et africaniste. Ce dernier est manifeste dans Didier Tauzin, Rwanda. Je demande justice pour la France et ses soldats, Paris, Jacob-Duvernet, 2011.

  • 19.

    S. Audoin-Rouzeau : « Ce qui m’exaspère dans nos sociétés, c’est la stigmatisation permanente du racisme de l’autre, et jamais du sien. Prétendre qu’on est indemne de tout biais racial me semble particulièrement suspect. »

  • 20.

    Au sens du processus de civilisation de Norbert Elias, lui-même soldat dans la Grande Guerre, une idée complètement absurde pour un livre publié en 1939 : voir Norbert Elias, la Civilisation des mœurs et la dynamique de l’Occident, traduit par Pierre Kamnitzer, Paris, Pocket, 2002 et 2003.

  • 21.

    Élisabeth Claverie, « Techniques de la menace », Terrain, no 43, septembre 2004, p. 15-30.

Stéphane Audoin-Rouzeau

Directeur d'étude à l'École des hautes études en sciences sociales, il est spécialisé dans l'anthropologie historique du phénomène guerrier à l'époque contemporaine.

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