
Les raisons de la haine de Yann Rodier
Préface de Denis Crouzet
Cet ouvrage, qui rappelle les travaux de Denis Crouzet et Nicolas Le Roux sur les guerres de religion et leurs violences, les prolonge par son étude approfondie de la haine comme sentiment politique. Par l’étude des libelles, pamphlets et articles diffusés par les écrivains catholiques et protestants, encouragés par l’exécutif pour les premiers, Y. Rodier montre comment les passions finirent par être supplantées par l’argumentation et la raison pour obtenir la conversion des hérétiques ou hétérodoxes. L’un des auteurs clés de cette thèse a été Richelieu ; le Léviathan (1651), écrit par un Hobbes réfugié à Paris peu avant la révolution anglaise et y ayant vécu la Fronde, sa transposition en philosophie politique. Le lecteur découvre tout au long de l’étude la bibliographie abondante étudiée par l’auteur, d’écrivains publiant des traités ou essais politiques, en particulier à destination du jeune Louis XIV au début de son règne. Les traités autour des passions se transforment peu à peu en théorisations de l’art de gouverner, des premiers mémoires d’ambassadeurs à des livres condamnant le duel, appelant à une réforme de l’escrime et une meilleure civilité chez les courtisans ! Yann Rodier se distingue enfin par son étude détaillée des caricatures et estampes du premier xviie siècle, visant en particulier les Espagnols pendant la guerre de Trente Ans : des images vendues par près de cent colporteurs dans Paris en 1653. À la purification des esprits, alliée au contrôle permanent de soi, semblent répondre les débuts des préjugés envers l’étranger ; le défi théorique consisterait alors, comme le propose le dernier chapitre, de faire de la haine un sujet d’histoire.