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Notes de lecture

Dans le même numéro

Atlas de l’anthropocène

En 2009, une équipe de chercheurs, emmenée par Johan Rockström et Will Steffen, identifiait plusieurs limites planétaires à ne pas franchir sous peine de perturber gravement et durablement les équilibres de la planète. Elles touchaient au climat, à la biodiversité, aux cycles de l’azote et du phosphore, à la déforestation, à l’eau douce, à la couche atmosphérique (concentration de particules fines). En 2015, une limite fut ajoutée concernant la diffusion d’entités nouvelles dans l’environnement, comme les molécules de synthèse et les nanoparticules. Actuellement, les trois premières limites sont considérées comme atteintes. Si elles le sont et si d’autres menacent de l’être prochainement, c’est aux effets des activités humaines qu’elles le doivent. Ce franchissement signale la rupture d’un équilibre fondamental entre la planète et les hommes et les femmes qui l’habitent : l’anthropocène. Ce fut assurément un coup de maître lorsque, en 2000, ce néologisme vint à l’esprit du météorologue néerlandais Paul J. Crutzen, accompagné du biologiste américain Eugene F. Stoermer. Alors que l’holocène se caractérise par des millénaires de relative stabilité, qui ont permis le développement de la civilisation humaine, le changement global en cours depuis la Révolution industrielle ne cesse d’être saisissant. Dans la mythologie grecque, Atlas portait le monde sur ses épaules, L’Atlas de l’anthropocène de François Gemenne, Aleksandar Rankovic et l’Atelier de cartographie de Sciences Po porte la planète en cartes et diagrammes pour donner une pleine mesure de la crise qu’elle traverse. Pour les auteurs, l’anthropocène est une nouvelle ère géologique, dont ils explorent les contours et qu’ils replacent dans la très longue durée, qui qualifie un changement radical de la relation des humains à leur environnement. D’où leur appel à l’invention de nouveaux paradigmes et de nouveaux dispositifs pour réunir sciences naturelles et sociales. Cette géopolitique devrait nous apprendre à gouverner l’irréversible. L’originalité de cet atlas est de lier les différentes crises les unes aux autres (la biodiversité, le climat, la couche d’ozone) et d’indiquer qu’elles relèvent de la même transformation. Parmi les autres marqueurs de l’anthropocène, on trouve les pollutions, de formes très diverses. Une partie entière est consacrée aux sujets de la population, de la consommation et des modes de vie. La dernière partie se penche sur les dimensions politiques et les acteurs en présence : Ong, institutions internationales, partis politiques, jeunesse, médias, entreprises, lobbies. À présent que les hommes sont entrés dans l’anthropocène, cela leur confère d’immenses responsabilités, mais cela crée aussi l’opportunité de redéfinir leur rapport à la Terre et entre eux.

Presses de Sciences Po, 2019
160 p. 25 €

Eugène Berg

Eugène Berg, né le 23 septembre 1945, est un essayiste et diplomate français. Spécialiste de la Russie et du Pacifique, il a notamment publié Non-alignement et nouvel ordre mondial (1980).

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Quand le langage travaille

Là où nos sociétés connaissent des tensions, là aussi travaille le langage. Le dossier d’Esprit (décembre 2019), coordonné par Anne Dujin, se met à son écoute, pour entendre l’écho de nos angoisses, de nos espoirs et de nos désirs. À lire aussi dans ce numéro : les déçus du Califat, 1989 ou le sens de l’histoire et un entretien avec Sylvain Tesson.