
Dictionnaire amoureux de l'Allemagne de Michel Meyer
Les lignes de fracture qui constituent une Allemagne encore largement méconnue, ne serait-ce que par la barrière de la langue et de certains préjugés, prompts à resurgir, méritent écoute et interprétation. Michel Meyer, né du côté français de la « ligne bleue des Vosges », à portée de jumelles du Rhin – désormais lien franco-allemand plus que frontière – était tout désigné pour explorer ce pays. Une tâche que facilite sa longue immersion de correspondant en Allemagne pour la télévision et la radio, avec, durant la guerre froide, son regard sur les pays du bloc de l’Est et l’espace scandinave, ce qui vaut des entrées fort documentées sur Helmut Kohl, le « géant du Palatinat », et la chute du Mur. De Konrad Adenauer à Markus Wolf, le maître espion de la Stasi, de Karl Lagerfeld à Mme de Staël, de Louis II de Bavière à Karajan, de Luther aux frères Grimm, de Marienbad à Auschwitz, Michel Meyer nous invite à découvrir une sorte d’Allemagne éternelle où les forces du bien et du beau l’emportent de loin sur le délire nazi, auquel il ne consacre que quelques lignes. Large place est accordée aux géants de la musique, de la peinture et, à un moindre degré, de la philosophie. Einstein s’est-il senti allemand ? Quelles traces Heine ou Heidegger ont-ils laissées ? On trouvera quantité de rencontres franco-allemandes, comme l’entretien Napoléon-Goethe du 2 octobre 1808 à Iéna, la venue de Konrad Adenauer à la Boisserie, le 14 septembre 1958, pour s’y entretenir dans l’intimité avec de Gaulle, ou François Mitterrand et Helmut Kohl, la main dans la main, le 22 septembre 1984 à Verdun. Peu de chose sur l’économie, à part une entrée sur le Made in Germany, une autre sur le Leica, plus objet esthétique qu’industriel, mais on a droit à la mythique Porsche 911. Parfois, ses jugements, souvent si justes, soulèvent des questions. Pourquoi qualifier Bismarck de « tacticien roué » ? Les portraits de Willy Brandt, de Helmut Schmidt et d’Angela Merkel, virtuose d’une forme de leadership incolore et si possible indécelable, qui déteste pavaner, sont bien enlevés.