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Notes de lecture

Dans le même numéro

Les mots pour le dire. De la haine et de l’insulte en démocratie de Fabrice Humbert

novembre 2021

À l’heure où, devant les échéances électorales, les politiques et les bateleurs médiatiques redoublent de saillies hystériques, le propos de Fabrice Humbert dresse un tableau sans concession de la dévitalisation du langage public. Incapables de rendre compte de la complexité du réel ou, pire, ne le souhaitant pas, les acteurs du champ social sombrent dans l’affirmation violente de certitudes, comme s’il n’y avait pas de fermeté de pensée en dehors de l’invective. Ce court texte détaille avec pertinence les excès de formules toutes cuites qui servent de viatique aux politiques. Quand un ministre de l’Intérieur en vient à se référer au boucher de Roubaix pour justifier ses projets de lois, on devine sans peine que la cacophonie succédant au débat profite à toutes les formes de populisme. « Se dessine une sorte de sécrétion générale de l’excès, de la démesure articulée à une pratique mensongère du langage et un abandon délibéré de la vérité. » L’auteur plaide pour un débat public qui ne soit pas l’empire des certitudes, mais le domaine du doute – autrement dit, pour la réhabilitation de la nuance. L’arrogance enferme en effet l’autre dans une posture d’ennemi potentiel, quand la démocratie est plutôt fondée sur le respect de la parole d’autrui. La sécurité, autour de laquelle risque de tourner la prochaine campagne présidentielle, est un terreau idéal pour la déformation de la réalité par les mots. Peu importent les études sociologiques, statistiques et autres, il convient d’ancrer la peur au cœur de chacun, de désigner des boucs émissaires et de proposer des solutions simplistes. Fabrice Humbert ne jette pas la pierre aux décideurs politiques. Il leur demande de retrouver le sens de la mesure et de ne pas intervenir à tout propos sur le théâtre médiatique. Les populistes ont bien compris que nous aimons les démonstrations de force. Chacun se sent conforté dans un quant-à-soi rageur. À cela, l’auteur oppose la suspension du jugement chère à Montaigne. Les mots décrivent la réalité, mais aussi la façonnent. En cela, le propos de Fabrice Humbert lance l’alerte et invite à une parole juste.

Gallimard, coll. « Tracts », 2021
45 p. 3,90 €

Jacques-Yves Bellay

Essayiste et romancier, il a récemment publié Ne dis pas tout à la mémoire (Yellow Concept, 2020), livre pour lequel il a obtenu le Grand Prix du roman des écrivains de Bretagne. Son dernier roman, C'est énorme la vie, est paru en mars 2023 chez le même éditeur.

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Internet en mal de démocratie

L’essor sans précédent d’Internet et des nouvelles technologies de l’information a transformé en profondeur le rapport des citoyens à la participation civique. Si elle a permis des progrès incontestables, cette révolution numérique pose également des défis pour la préservation du débat en démocratie. Le bouleversement introduit par le numérique dans la délibération publique semble en effet remettre en cause les exigences traditionnellement associées au débat démocratique, comme l’égalité d’accès, le contrôle public des instances de modération, la fiabilité de l’information ou le pluralisme des courants d’expression. Quelles stratégies adopter pour faire face aux dérives qui touchent aujourd’hui le débat sur Internet ? Le dossier, coordonné par Romain Badouard et Charles Girard, examine la propagation des fausses nouvelles, la mobilisation de nouveaux publics, les pouvoirs de régulations privés et la déstabilisation des cadres juridiques. À lire aussi dans ce numéro : le naufrage moral de l’Église, qui sont les talibans ?, gouverner la pandémie et une rencontre avec Pierre Bergounioux.