
Les mots pour le dire. De la haine et de l’insulte en démocratie de Fabrice Humbert
À l’heure où, devant les échéances électorales, les politiques et les bateleurs médiatiques redoublent de saillies hystériques, le propos de Fabrice Humbert dresse un tableau sans concession de la dévitalisation du langage public. Incapables de rendre compte de la complexité du réel ou, pire, ne le souhaitant pas, les acteurs du champ social sombrent dans l’affirmation violente de certitudes, comme s’il n’y avait pas de fermeté de pensée en dehors de l’invective. Ce court texte détaille avec pertinence les excès de formules toutes cuites qui servent de viatique aux politiques. Quand un ministre de l’Intérieur en vient à se référer au boucher de Roubaix pour justifier ses projets de lois, on devine sans peine que la cacophonie succédant au débat profite à toutes les formes de populisme. « Se dessine une sorte de sécrétion générale de l’excès, de la démesure articulée à une pratique mensongère du langage et un abandon délibéré de la vérité. » L’auteur plaide pour un débat public qui ne soit pas l’empire des certitudes, mais le domaine du doute – autrement dit, pour la réhabilitation de la nuance. L’arrogance enferme en effet l’autre dans une posture d’ennemi potentiel, quand la démocratie est plutôt fondée sur le respect de la parole d’autrui. La sécurité, autour de laquelle risque de tourner la prochaine campagne présidentielle, est un terreau idéal pour la déformation de la réalité par les mots. Peu importent les études sociologiques, statistiques et autres, il convient d’ancrer la peur au cœur de chacun, de désigner des boucs émissaires et de proposer des solutions simplistes. Fabrice Humbert ne jette pas la pierre aux décideurs politiques. Il leur demande de retrouver le sens de la mesure et de ne pas intervenir à tout propos sur le théâtre médiatique. Les populistes ont bien compris que nous aimons les démonstrations de force. Chacun se sent conforté dans un quant-à-soi rageur. À cela, l’auteur oppose la suspension du jugement chère à Montaigne. Les mots décrivent la réalité, mais aussi la façonnent. En cela, le propos de Fabrice Humbert lance l’alerte et invite à une parole juste.