
La critique défaite de Stathis Kouvélakis
L’École de Francfort et la Théorie critique sont jugées ici à travers l’évolution intellectuelle de trois de leurs représentants majeurs : Max Horkheimer, Jürgen Habermas et Axel Honneth. Ce sont aussi les figures des trois générations successives de l’École. Le jugement est sévère. Tous trois se seraient diversement mais fortement éloignés du projet initial : la critique du capitalisme et de ses effets pervers dans la société et sur la personnalité individuelle (effets qui conduisent au nazisme et au fascisme). Ils ont fini par abandonner, diversement mais nettement, et à des périodes différentes, la critique sociale marxiste et donc aussi les liens avec le mouvement ouvrier. Ils ont renoncé à « se concevoir comme l’aspect intellectuel du processus d’émancipation » et de ses contradictions. De plus, se situant à l’extérieur, ils ont, chacun selon sa pente, rejoint au fond la « Théorie traditionnelle » des critiques bourgeoises de la société. Horkheimer liquide la Théorie critique et aboutit à une théorie négative de la Raison. Le réformisme radical de Habermas laisse impensé le sens du libéralisme et « normalis