
Le Peuple à l’écrit de Nelly Wolf
Longtemps, les livres, y compris ceux qui étaient lus par le « peuple », ont été écrits par les clercs et les élites cultivées, celles – rares – et ceux précisément qui avaient appris à lire et à écrire. À partir du xixe siècle, « les classes laborieuses et les gens ordinaires » entrent dans la danse et s’emparent des « pouvoirs de l’écrit », plus encore quand l’école devient obligatoire. Comment, par qui, par quels moyens, le peuple arrive-t-il à l’écrit ? Des grands écrivains qui écrivent comme parlent les gens du peuple aux messages qui s’échangent sur les portables, en passant par les écrivains qui « oralisent l’écrit » (Poulaille, Céline, Aragon, Ramuz, Giono), les écrivains issus du peuple (Charles-Louis Philippe, Péguy, Annie Ernaux), les « écritures ordinaires » des uns et des autres (lettres, cartes postales), les biais, les détours, les performances du « peuple à l’écrit » sont plurielles. Les institutions de la culture ne restent pas à l’écart des productions littéraires d’auteurs populaires, et dans les années 1960 qui célèbrent la « revanche de l’oral », la « grammatologie » de Jacques Derrida porte même à des hauteurs stratosphériques, il faut bien le dire, le débat sur le primat de l’écrit ou de l’oral (ou de la voix) et sur la « différance » où s’articulent la parole et l’écriture. Le chapitre final, intitulé « La fa