
Michel de Certeau avant « Certeau ». Les apprentissages de l’écriture (1954-1968) de Claude Langlois
Comment, à partir de quand, avec quelle conscience de soi, par quels hasards et quelles nécessités un auteur est-il entré en écriture, ou dans les écritures que nous connaissons de lui, après qu’il est devenu célèbre grâce à une œuvre considérable, lue et admirée longtemps après sa mort ? Plus précisément, dans le cas de Michel de Certeau, comment, après la publication du Mémorial de Pierre Favre, l’un des tout premiers compagnons d’Ignace de Loyola, puis l’édition du Guide spirituel et de la Correspondance de Jean-Joseph Surin, et après la participation active à une revue jésuite de spiritualité (Christus), accède-t-il à un « statut médiatique » en proposant dès juin 1968 une interprétation, qui marque les esprits, de Mai 68 comme « prise de parole » ? Après l’entrée en écriture sur des écrits spirituels et mystiques, comment comprendre le passage à un engagement intellectuel aux multiples facettes, celles d’un « Cadet Rousselle aux trente maisons » ? L’historien et éditeur d’écrits des xvie et xviie siècles est en effet devenu théoricien de « l’écriture de l’histoire », analyseur aigu et éclairant du pluriel de la culture, du catholicisme éclaté, du croire et du croyable, des langages reçus de l’institution, de l’« invention du quotidien », tout en restant l’interprète novateur du « voyage » et de l