
L’Europe des écrivains sous la dir. de Letizia Norci Cagiano
Des Lumières à la crise actuelle
Cet ouvrage collectif qui inaugure la nouvelle collection de la Fondation Primoli (créée en 1928 par Joseph Napoléon Primoli, apparenté à la famille Bonaparte) apporte de précieux éclaircissements sur la place de l’Europe dans la pensée de quatre penseurs français majeurs. Si le plaidoyer de Victor Hugo en faveur des « États-Unis d’Europe » est sans doute bien connu, on sait moins son rôle en tant que président du Congrès de la paix en 1849, ou que l’« affaire de Rome » (le rétablissement de Pie IX sur son trône par l’armée française, la même année) fut à l’origine de sa rupture avec le futur Napoléon III. Sait-on également que Montesquieu parcourut les cours européennes pendant trois ans (1729-1731) et que ce voyage d’études, à défaut de le lancer dans la carrière diplomatique dont il rêvait, a nourri ses Réflexions sur la monarchie universelle (1734) tout autant que L’Esprit des lois (1748) ? Quant à Valéry, ne s’inquiétait-il pas à juste titre que l’Europe se réduisît à « ce qu’elle est en réalité, c’est-à-dire un petit cap du continent asiatique », au lieu de rester fidèle à sa vocation, qui est, selon lui, d’éclairer le monde par la culture et la science ? La Crise de l’esprit, qu’il dénonçait en 1919, n’était pour lui rien d’autre qu’une crise de l’esprit européen. En 1931, dans la préface de Regards sur le monde actuel, il déplorait que « l’Europe n’ait pas eu la politique de sa pensée ». Enfin, Camus, dans ses Lettres à un ami allemand (recueil de quatre chroniques publiées entre 1943 et 1945), opposait à l’Europe prédatrice des nazis la « terre de l’esprit » appelée à se constituer en une fédération prônée, entre autres, par son journal, Combat. Et faut-il rappeler ici que Camus fut l’un des signataires de l’appel en faveur de l’unité européenne, publié dans Esprit en novembre 1947 ? À côté des quatre contributions (sur quinze) déjà évoquées, dues respectivement à Jean-Marc Hovasse, Catherine Volpilhac-Auger, Michel Jaretty et Jean-Yves Guérin, on retiendra, parmi bien d’autres qui méritent l’attention, celle de Blaise Wilfert qui fait un sort à la thèse, défendue par les souverainistes de tous bords, opposant une prétendue ancienneté des nations européennes à un processus d’intégration européenne qui remonte tout au plus à la guerre froide. Enfin, on signalera, pour l’anecdote, la brève étude de Marilena Genovese consacrée à la rhétorique européiste d’Emmanuel Macron.