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Notes de lecture

Dans le même numéro

Hitler, les Protocoles des Sages de Sion et Mein Kampf de Pierre-André Taguieff

Antisémitisme apocalyptique et conspirationnisme

décembre 2020

Pierre-André Taguieff démontre en quoi la lecture des Protocoles des Sages de Sion par Adolf Hitler conforte ce dernier dans son antisémitisme délirant.

Mobilisant une imposante littérature en plusieurs langues, Pierre-André Taguieff démontre en quoi la lecture des Protocoles des Sages de Sion par Adolf Hitler conforte ce dernier dans son antisémitisme délirant et alimente la conception du monde qu’il développe dans Mein Kampf et dans la plupart de ses discours avant son arrivée au pouvoir en 1933. Les Protocoles des Sages de Sion paraît en Russie en 1903 dans une version abrégée, présentée comme le « programme de la conquête du monde par les Juifs ». Dès 1921, un journaliste anglais démontre qu’il s’agit d’un faux, plagiant plusieurs textes de différentes époques. Pierre-André Taguieff en reconstitue la confection et en cartographie la diffusion et la réception, avec une incroyable minutie. La propagande antijuive nazie se nourrit des Protocoles tout autant que de l’antisémitisme russe, qui permet la dénonciation du judéo-bolchévisme, et américain, avec les écrits de l’industriel Henry Ford, qui finance la publication anglaise des Protocoles, tout en vociférant sur la puissance juive qui sabote les fondements de la nation américaine. Ford écrit dans ses mémoires, publiés en 1922 : « Si le peuple américain comprend une fois pour toutes que le mal dont nous souffrons ne découle pas d’une dégénérescence naturelle, mais procède d’une subversion préméditée, il est sauvé. En signalant le danger, on l’écarte. » En 1931, Hitler confie à un journaliste de Detroit : « Je considère Ford comme ma source d’inspiration. » Déjà en 1923, Hitler souhaitait aider Ford à devenir président ; il le considérait comme « le chef du mouvement fasciste qui grandit aux États-Unis » et admirait « sa politique antijuive, qui est la plateforme des fascistes bavarois ». Hitler lit la traduction allemande des Protocoles en 1920 et en fait état dans plusieurs de ses discours, avant même de rédiger Mein Kampf. Son antisémitisme affirme éradiquer les Juifs qui représentent une menace mondiale et lance le slogan « Antisémites de tous les pays, unissez-vous ! », à Munich le 21 mai 1920. On est confondu par l’abondance des citations de cette veine que collecte Pierre-André Taguieff et que les dignitaires nazis, comme Goebbels, répètent inlassablement, tels les éléments constitutifs du nouveau catéchisme, au service de l’homme providentiel. Hitler, lui-même, se sent investi d’une mission divine et explique que si les Allemands ne peuvent « mettre à l’écart » les Juifs (cela anticipe la « solution finale »), cela sera la preuve de leur infériorité ! Nombreux se revendiquent alors des Protocoles, au cours de la première moitié du xxe siècle, mais seul Adolf Hitler en résume les poisons en une idéologie meurtrière.

Presses universitaires de France, 2020
256 p. 18 €

Thierry Paquot

Philosophe, professeur à l'Institut d'urbanisme de Paris, il est spécialiste des questions urbaines et architecturales, et participe activement au débat sur la ville et ses transformations actuelles. Thierry Paquot a beaucoup contribué à diffuser l'oeuvre d'Ivan Illich en France (voir sa préface à Ivan Illich, La Découverte, 2012), et poursuit ses explorations philosophiques du lien entre nature,…

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