
Les jeux du monde de Jean-Pierre Augustin et Pascal Gillon
Géopolitique de la flamme olympique Préface de Thierry Terret
Des compétitions sportives sont organisées à Olympie, en Grèce, tous les quatre ans de 776 avant J.-C. jusqu’à 393 et renaissent, sporadiquement au cours du xixe siècle, au point de convaincre le Français Pierre de Coubertin (1863-1937) de les relancer au nom de la fraternité entre les peuples. Infatigable entremetteur, il réussit à activer le Comité international olympique (CIO), installé en terrain neutre à Lausanne, qui réalise les Jeux olympiques de 1896 à Athènes, avec 14 pays présents, 43 épreuves, 241 participants (les femmes ne sont pas admises), 250 000 spectateurs et le roi Georges Ier qui ouvre la compétition, dans un stade en marbre sponsorisé par de riches Grecs.
Dorénavant, ce sont 205 pays qui voient défiler leurs équipes de sportifs accompagnées d’une armada d’entraîneurs, de médecins, de conseillers, sans oublier les milliers de journalistes qui « couvrent » l’événement. En 2016 à Rio, ce sont 306 épreuves qui se déroulent, mobilisant 11 289 sportifs, dont 5 057 femmes, pour 28 sports et 42 disciplines ! L’hymne olympique est composé par Spýros Samáras et écrit par Kostís Palamás en 1896, le drapeau des cinq anneaux enlacés qui symbolise les cinq continents date de 1914, le serment est promulgué en 1920, la flamme est instituée en 1928 : toute une mythologie est ainsi construite pour la « beauté du sport », sans pour autant cacher le dopage, le sexisme et l’incroyable masse d’argent que les contrats de retransmissions et de publicité génèrent… Les marques qui sponsorisent les JO sont puissantes : Airbnb, Atos, Coca Cola, General Electric, McDonald’s, Visa… Quant aux enjeux télévisuels, ils sont également énormes, l’on a dénombré 5 milliards de téléspectateurs en 2016 ! Comme le précisent les auteurs, deux excellents géographes du monde sportif : « L’olympisme a failli à son projet original qui valorisait la neutralité politique, l’amateurisme et la pratique de l’excellence plus que le spectacle ; il est devenu un substitut incapable de résister au déferlement nationaliste et à l’ultra-libéralisme économique. »
La guerre froide va stimuler les deux blocs ennemis à se battre par sportifs interposés, d’où une « fabrique » médicalisée des champions soviétiques et allemands de l’Est. Cette dernière nation semble disparaître des podiums après la chute du Mur… L’Inde demeure un mystère, aucune médaille et peu d’engouement populaire envers les JO, l’Afrique subit encore les séquelles du colonialisme et du mal-développement, sauf les coureurs éthiopiens et la Marocaine Nawal El Moutawakel, femme, arabe et musulmane, médaille d’or, en 1984, au 400 mètres haies…
La géohistoire de l’olympisme est tumultueuse et les auteurs en éclairent toutes les zones d’ombre. Cet ouvrage particulièrement bien documenté présente aussi les principales critiques adressées à l’olympisme et s’attardent sur le choix des villes et les chantiers qui en résultent. Toutes les villes olympiques ne pensent pas l’après pour réutiliser les équipements, souvent coûteux et surdimensionnés et rarement aux normes environnementales. Les auteurs appellent à d’autres jeux…