
Un ennemi si intime
Le virus est, moralement non moins que biologiquement, un ennemi intime. Il opère comme un animal totémique que l’on aurait consommé, commettant un sacrilège.
La crise sanitaire que nous vivons depuis maintenant un an n’est pas une catastrophe comme le sont les tremblements de terre, les ras-de-marées, les cyclones, ou comme pourrait l’être une explosion nucléaire à grande échelle. Elle ne s’apparente pas non plus à une raréfaction de l’air, ni à une montée inexorable des eaux. C’est une atteinte diffuse, un mal endémique, durablement installé par un agent parfois mortel, inodore, invisible, infiniment petit. Ce virus se propage dans les circonstances les plus ordinaires, les plus anodines, simplement lorsqu’on aspire des particules qu’un voisin dépourvu de mauvaise intention a laissées en suspension dans l’air. Si les catastrophes d’autrefois, soudaines comme les éruptions volcaniques ou diffuses comme la peste, suscitaient l’idée d’une malédiction divine – la conviction qu’un dieu courroucé avait envoyé des nuées de sauterelles ou la peste bubonique en punition de fautes –, nous sommes moins disposés à le croire aujourd’hui. Le malheur est là, mais il n’y a pas de méchant ni là-haut ni plus près de nous, ou alors il est partout au plus près, en nous peut-être déjà. Comment combattre un si intime ennemi ?
Les épisodes de quarantaine, les couvre-feux et la panoplie de fermetures des lieux ouverts au public (magasins, bars, restaurants, cinémas, théâtres) et de lieux publics (écoles, stades, etc.) ont eu pour corolaire une limitation des mobilités sociales et des contacts, un isolement généralisé. Ceux-ci ont entraîné anxi