
Les tensions de l’autonomie
La société française dans la mondialisation
À l’ère de la mondialisation, l’autonomie est devenue un idéal social. Mais cet idéal d’époque a engendré des pathologies d’époque, suscitées par la découverte par l’individu de ses propres insuffisances. La protection sociale devrait être repensée pour tenir compte de ce nouveau visage de l’individualisme.
Le philosophe américain John Dewey écrivait en 1930 : « Le problème de construire une nouvelle individualité en consonance avec les conditions objectives dans lesquelles nous vivons est le problème le plus profond de notre temps1. » Dewey avait à l’esprit les conditions objectives de la société de masse, de la société urbaine et de la société industrielle de son époque. La question d’une nouvelle individualité ou d’un nouvel individualisme se pose-t-elle également dans notre époque de mondialisation ? Et comment se pose-t-elle ?
Je vais traiter du thème de la société sous tensions à travers les transformations de l’individualisme marquées par l’ascension de l’autonomie, en me centrant sur le cas de la société française dans le contexte de la mondialisation2. Partons d’abord d’une image que la France se donne d’elle-même : une société caractérisée par le pessimisme, la méfiance, le conflit, le mal-être, la division. Pourtant, particulièrement frappant est le décalage entre les représentations pessimistes de l’opinion publique et les données chiffrées, sur la santé, les inégalités, la pauvreté, le niveau de vie, etc. – par exemple, en 2014, 87 % des Français (contre 63 % des Allemands) pensent que n’importe qui peut tomber dans la pauvreté, alors que le taux de pauvreté est de 13, 3 % en France (16, 7 % en Allemagne)