
Le néolibéralisme et l’art de gouverner
À propos de Naissance de la biopolitique de Michel Foucault
L’idée première du libéralisme ne se trouve pas tant dans la notion du marché que dans la capacité de la société à s’organiser en dehors du prince. Vient ensuite une bifurcation entre ceux qui pensent que le gouvernement est en trop et ceux qui souhaitent son intervention, notamment pour imposer le principe de concurrence. Une bifurcation qui se maintient dans la rupture néolibérale qu’a représenté la financiarisation de l’économie.
On dit parfois du métier de l’historien qu’il consiste avant tout à découper en périodes, à indiquer les ruptures dans le temps historique, à montrer les changements d’environnement et de paradigme. C’est à ce travail que se consacre Michel Foucault dans son célèbre cours de 1978-1979 au Collège de France connu sous le nom de Naissance de la biopolitique 1. Il devait porter initialement sur la « biopolitique », un mot chatoyant recouvrant les pratiques politiques contemporaines autour du vivant (santé, démographie, sexualité, etc.). Mais Foucault voulait montrer d’abord à quel point la venue du libéralisme avait modifié en profondeur les pratiques gouvernementales. Première rupture, celle advenue à la fin du xviiie siècle avec le libéralisme économique classique, selon lequel le marché devient l’instance clé dans l’art de gouverner, donnant à l’action publique un lieu de légitimation en même temps que des limites. Seconde rupture, celle qui sépare libéralisme et néolibéralisme, que Foucault situe dans l’après-guerre en Allemagne, avec ce qu’on appelle « l’ordolibéralisme ».
Équivocité du néolibéralisme
Reprenant, quelque quarante ans après, le fil de ce cours, nous remettons ici en cause le découpage historique. D’abord, il nous semble que ce n’est pas autour de la notion de marché qu’il faut attacher la genèse du libéralisme classique, mai