
La force du baratin
Tocqueville a montré que la démocratie moderne présentait un risque de conformisme, de relativisme et de crédulité. Aujourd’hui, on peut distinguer une post-vérité déprimée, celle des jeunes qui peinent à comprendre le monde et se tournent vers les théories du complot, et une post-vérité arrogante, celle du poutinisme, qui associe le dépérissement du droit, la guerre de propagande et le baratin – et dont l’Europe n’est pas exempte.
Le concept de post-vérité est à la fois suggestif et vague. Son grand frère « postmodernité » l’est tout autant, malgré une ancienneté beaucoup plus grande et un bagage philosophique et esthétique bien plus riche[1]. Il est probable que tous ces concepts avec le préfixe « post » sont condamnés à être des symptômes plus que des désignations précises des phénomènes qu’ils visent, à savoir un passage qui ne passe pas, entre nouveauté véritable et une simple usure de l’état antérieur. Peut-être la postmodernité n’est-elle rien d’autre que la modernité fatiguée et la post-vérité l’état contemporain du rapport des modernes à la vérité.
Le mot « post-vérité » est entré récemment dans plusieurs dictionnaires. Voici la définition de l’Oxford English Dictionnary : « qui fait référence à des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles[2].